Si vous avez lu les dernières critiques nées des sorties de la Maison des Idées, vous avez pu remarquer un pattern. Cet étrange étalage de mépris m'est apparu par surprise en découvrant, stupéfait, une avalanche de commentaires sur des papiers comme celui sur Iron Man 2 ou Thor, puisque le cinéma a tendance à vous rendre plus bavards par instinct. Et je m'aperçois que je radote, puisque sur les films comme les comics eux mêmes, les reproches sont les mêmes.
Le but n'est pas de dire que les choses en question sont mauvaises. Juste qu'elles sont faites pour de mauvaises raisons, commandées par de mauvais impératifs économiques, ou juste exécutées avec flemme par des artistes plus intéressés par l'envie de remplir leur frigo et de payer leurs loyers. Mais c'est normal de payer son loyer. Moi-même, je paye mon loyer. Et puis, à l'ombre d'une critique aussi facile que le "on mérite mieux" sommeille la peur de l'élitisme galopant - aussi, plutôt que de vous parler de Phoenix Resurrection, j'ai décidé de ne pas copier-coller la soupe d'arguments inévitables de d'habitude et de vous proposer cette chronique consacrée à ce splendide animal des forêts tropicales, le Toucan.
Non, en fait le Toucan, c'est passionnant, mais parlons plutôt arnaque éditoriale et abus du lecteur naïf (on attendra d'ouvrir Ornithologieblog pour évoquer cette splendide curiosité du monde volant). Phoenix Resurrection : The Return of Jean Grey est une série qui annonce la couleur d'entrée, depuis le titre jusqu'aux couvertures en passant par les sollicitations. Difficile de faire un quelconque procès à l'équipe créative : on comprend dès les premières pages, servies dans un esprit de marché forcé, que c'est l'éditeur qui tient ici le stylo de son scénariste, et que l'artiste lui-même n'est pas très emballé. Mais, à l'image du Punisher des comics calé en relaunch à deux jours du Punisher télévisuel, l'idée n'est pas du tout ici de s'aligner avec le film Dark Phoenix prévu cette année. On en tout cas, pas directement.
On aurait du mal à brandir l'accusation de marketing croisé comme motif, attendu que déjà, Wolverine revient aussi, et que c'est davantage un mouvement général que de faire revenir l'ensemble des héros fondamentaux. La compagnie ne s'en sort même pas si mal, en publiant le titre en synergie indirecte avec X-Men Grand Design, potentiel chef d'oeuvre d'Ed Piskor, qui compile en fil rouge la saga du Phoenix dans ses deux premiers numéros. Une porte d'entrée intéressante pour les nouveaux, quoi que l'arc soit ici assez peu perméable, même avec cette base de lecture.
Le pitch est simple, et résumé dès le titre : Jean Grey est vivante, et le Phoenix est de retour. L'équipe des X-Men va s'affairer à mettre la main sur la rouquine psychique avant que l'entité cosmique ne parvienne à la posséder de nouveau, ce afin d'empêcher l'apocalypse, ou autre motif quelconque d'enjeux dramatiques prompts à créer le suspense. L'ensemble ne fonctionne pas : les numéros ne sont pas engageants dans le dessin, les relations entre les personnages pas fouillées puisqu'il s'agit seulement de faire avancer l'intrigue, la conclusion est bâclée et on sent quelque part que ce n'était pas si grave puisque le but est atteint.
Spoiler alert par ici !
Il me faut ici la divulgacher pour en parler plus avant (donc, sautez à la conclusion en gras si ça vous intéresse) : c'est bien le Phoenix qui a ressuscité Jean, dans une sorte de monde parallèle cloisonné qu'il a construit à son intention. Là se cache une des rares bonnes idées de l'arc, l'héroïne évoluant dans une sorte de vie fantasmée, simpliste, où on reconnaîtrait des accents de l'ancienne école d'Archie Comics tant tout y est simple et bon enfant. Des valeurs d'une Amérique fantasmée où une jeune Jean traumatisée compile ses souvenirs en une parodie plutôt grossière de ce qu'elle ou le Phoenix comprennent de la vie qu'elle aurait aimé mener.
Malheureusement, l'effet perd en ampleur puisque ce concept de réalité piégée s'évanouit quand Jean se souvient - sans efforts - de qui elle est réellement. Et alors, parce que le scénariste lui-même est peut-être nostalgique des temps anciens (comme Bendis à une époque), s'ensuit une grande scène d'adieux où le Phoenix a des airs de monstre bien intentionné, comme lorsque l'éditeur aura voulu assagir le symbiote pour le rendre malléable éditorialement. En soi, pourquoi pas, mais se résolvent tellement de choses en ce seul numéro final qu'on sent l'envie d'aller vite, très vite, vers ce qu'un patron qui a besoin de ce plan nostalgique supplémentaire avait envie d'avoir au sortir de l'arc.
Derrière, on aura tout de même acheté cinq numéros pour ne pas avoir plus que ce qu'on savait déjà : Jean Grey est vivante, youpi, j'espère que vous ne vous êtes pas fracturés le crâne contre le plafond en sautant de joie ou de surprise. L'arc en lui-même n'a rien d'un Return of Bruce Wayne ou d'une résurrection intéressante. Tout se voit à dix kilomètres à la ronde, dans un grand cirque de personnages-fonctions utiles au récit. Forcément, tout est anti climatique puisque rien ne se construit ou s'empile une fois passé les cliffhangers forcés. Mais, est-ce que, encore une fois, le but était de surprendre ou de proposer une bonne histoire ? Pas sûr, vraiment.
Le but était clair: ramener ce personnage d'entre les morts, et caler un segment narratif qui acte ce retour. Qu'il soit bon ou mauvais a moins d'importance pour Marvel que de dire "ça existe", et c'est bien normal : on ne peut pas créer l'événement à chaque fois, sur tout, ou mobiliser une palanquée d'artistes motivés et talentueux pour ce faire systématiquement. Problème, comme me le soufflait ArnoKikoo en amont de cette critique, peut-être aurait il été plus intelligent de faire resurgir l'héroïne sans explications (pourquoi pas sur le fameux modèle "x years later"), quitte à créer une surprise vraiment prenante.
En l'occurrence, derrière le joli effet, on prend quatre numéros où Jean est une serveuse un rien potiche dans un village qui sent bon la tarte au pommes et les chansons de grand-maman, tandis que les X-Men ne cessent de répéter alternativement "mais si elle est morte" ou "le Phoenix, c'est pas les bons bails, copain". Bref, insérons la justification éditoriale de rigueur à cet ensemble boîteux et rappelons nous que des frigos ont été remplis, des loyers payés, et que dans le grand ensemble des comics qu'ils soient de super-héros ou non, on a honnêtement l'impression que tout le monde s'en sera pas mal foutu du début à la fin.
Donc, Phoenix Resurrection n'était pas terrible, alors parlons du Toucan. Le Toucan est un oiseau de la famille des raphastidés, une classification revue en 2009 par le congrès ornithologue international, qui présentait auparavant les deux sous-familles des Ramphastinae et Capitoninae. Le nom "toucan" signifie littéralement "bec osseux", et si vous ne le saviez pas, le rôle de cet étrange mais magnifique appendice est en fait d'éviter une trop grande perte de chaleur par grand froid : les vaisseaux sanguins du bec peuvent en effet se charger pour jouer le rôle de climatisation, ce qui permet à la bête de ne pas être affecté par les baisses intenses de chaleur. Avouez que c'est passionnant.