Précédemment dans notre Countdown To Infinity War :
• Iron Man : point de départ ou point de non retour ?
• The Incredible Hulk : un mal pour un bien ?
• Iron Man 2 : première défaite du modèle ?
• Thor : le marteau et l'enclume ?
Chaque semaine, l'horloge approche de minuit et Marvel Studios approche de ses dix ans avec la sortie dans nos salles obscures d'Avengers : Infinity War. Un accomplissement qui n'aurait été possible sans le premier film Captain America, qui sept ans plus tard, porte si bien son sous-titre : The First Avenger.
Réalisé par Joe Johnston, le film me fascine encore aujourd'hui, car il est situé à la croisée des chemins entre un élégant classicisme, incarné par la présence de Johnston derrière la caméra, et une certaine modernité, représentée par l'arrivée d'une narration globale, d'un fil rouge si vous préférez, pour le Marvel Cinematic Universe.
Nous sommes en 2011 et en effet, le MCU enchaîne pour le moment les origin stories plus ou moins recherchées et banque déjà sur Iron Man, qui dépasse tout le monde d'un film supplémentaire. L'univers de Kevin Feige gagne ainsi en inertie, mais c'est le premier Captain America qui lui donne un véritable élan, en introduisant la première gemme de l'infini, le Tesseract (aussi connu sous le nom de Cube Cosmique) et un paquet de personnages qui auront une importance certaine pour le MCU, comme Howard Stark dans sa version la plus jeune ou Peggy Carter. Sans même parler de la scène post-générique, qui n'était autre qu'un trailer pour Avengers.
D'une manière assez bluffante, c'est donc en se projetant dans le passé que Marvel Studios prépare son avenir et c'est en 2011 qu'on commence d'ailleurs à entendre les spectateurs causer des vengeurs et du plan de bataille global du Marvel Cinematic Universe. Autant vous dire que ce First Avenger est une étape plus importante qu'il n'y paraît pour l'univers de Kevin Feige. Mais ce n'est pas tellement pour cela que je voulais vous parler du film de Joe Johnston, malgré cette introduction très développée.
Car la plus belle réussite du premier Captain America n'est pas forcément ses nombreux liens avec le reste du Marvel Cinematic Universe. Ce n'est qu'une caractéristique parmi tant d'autres, qui a depuis été copiée et transcendée dans de nombreux films de l'écurie Marvel Studios. Non, ce qui fait la force du métrage de Johnston, c'est son équilibre entre le fil rouge et l'arc narratif de Steve Rogers, qui s'amorce grâce aux talents de Christopher Markus et Stephen McFeely. Les deux scénaristes sont d'ailleurs les seuls à avoir signé une trilogie complète chez Marvel Studios, ce qui explique sans doute pourquoi les histoires de Captain America forment le trio le plus cohérent du studio.
Comme The Winter Soldier et Civil War, First Avenger est fort d'un scénario plutôt solide, qui s'appuie sur des réflexions assez passionnantes sur la figure de Captain America, qui ont animé de nombreuses discussions entre les scénaristes et Johnston en amont du tournage. Résultat, on se retrouve avec un film qui évite le patriotisme aveugle et réussit à jongler avec son aspect méta.
Une autre caractéristique des films de Marvel Studios, surtout depuis le tout premier Avengers, mais qui est ici utilisée à d'autres fins que la simple dédramatisation. L'intrigue de Markus et McFeely se veut en effet sérieuse, et Johnston la filme avec un amour sincère pour les films d'aventures d'antan. Quelques vannes sont au rendez-vous mais dans l'ensemble, l'aspect méta remplit une toute autre fonction. L'idée est d'éviter l'héroïsme bourrin à la Michael Bay pour mieux saisir la candeur et la sensibilité de Steve Rogers dans le vif, et ça marche.
On voit ainsi Rogers lutter avec Captain America. Passer du moins que rien au super-soldat, du super-soldat au symbole et du symbole au héros. Un personnage principal en perpétuelle contradiction avec son image, tiraillé entre l'envie d'agir et le besoin de représenter. Et l'aspect méta dans tout ça ? Et bien, il faut se rappeler que le personnage de Cap, du côté des comics, a été conçu comme un personnage de propagande. Ce qu'il est, littéralement, dans le film, alors qu'il fait le tour des campements de GI installés sur le front européen de la seconde guerre mondiale.
Une façon pour l'équipe créative de First Avenger de questionner la nature politique du personnage, bien avant la trahison d'une agence gouvernemantale dans The Winter Soldier ou une révolte typiquement anti-fédérale dans Civil War. En ce sens, ce premier Captain America est l'inception de toute la facette engagée du Marvel Cinematic Universe. Et un superbe exemple d'une approche méta qui ne se limite pas à quelques rires et un nivelage des enjeux et des émotions par le bas.
Sincère dans ce qu'il essaie de nous faire ressentir, fort d'une narration qui épouse un univers plus large sans perdre de vue le parcours de son personnage principal, Captain America : First Avenger est définitvement l'un des meilleurs films du Marvel Cinematic Universe, doublé d'un film d'aventure réjouissant. Les débuts d'une trilogie fascinante et de celui qui est sans doute, encore aujourd'hui, le meilleur personnage de la plus grosse franchise super-héroïque de notre monde.