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Infinity Countdown Prime #1 : le compromis continuité/cinéma ?

Infinity Countdown Prime #1 : le compromis continuité/cinéma ?

chronique

Un débat revient périodiquement dans la bouche des lecteurs de comics : vaut-il mieux une bonne histoire ou une bonne continuité ? A l'ère moderne, les publications mainstream auront scellé le débat, choisissant de se rendre perméables à un certain moment de leur histoire pour faciliter l'entrée d'un nouveau public, attiré (on le supposait) par le nombre croissant d'adaptations proposées. Entre les relaunchs et l'arrivée de cette main aveugle que sont le cinéma et la télévision en guide d'une politique éditoriale serrée, difficile de faire son choix.

Si on se range du côté de Marvel, on pourra évoquer l'intéressant cas de Civil War II. Lancée en parallèle de l'adaptation pilotée par Kevin Feige et Marvel Studios, cette suite avérée et presque canonique à l'histoire de Mark Millar aura moins été commandée par l'envie ou la demande des lecteurs, que par le besoin d'avoir un comics du même nom que le film pour faire fonctionner en synergie deux modèles de planche à billets. Et si Civil War II était loin d'être du niveau de la mini originale, elle en était cependant plus proche que le film, qui n'avait pour lui que le nom et quelques référents visuels.
 
Or, un événement se présage à l'horizon des adaptations : cela ne vous a pas échappé, Marvel célèbre cette année en grande pompe la venue sur Terre d'un certain Titan. Paradoxe : Avengers Infinity War s'inspire directement de grands arcs cosmiques de la Maison des Idées, en particulier le Gant de l'Infini. Et si l'éditeur est plusieurs fois revenu sur cet immense pan de son univers décentré et métaphysique, le besoin d'avoir son propre label "Infinity" en kiosques pousse vers une énième suite, avérée, canonique et pour le moment sans concessions à l'esprit fou de Kirby et Starlin. En quelque sorte, le comics inspiré du film inspiré des comics, une façon de boucler la boucle et de jouer sur les deux tableaux - on est content, et en même temps, perdus.
 

 
Infinity Countdown Prime #1 est un de ces événements fournis avec un guide de lecture explicatif pour les jeunes lecteurs - à qui on conseillera de commencer, donc, par la fin. Tout y est résumé, depuis le rôle de chaque Infinity Stone, et de toute l'histoire de la saga qui entoure ces divins joyaux spatiaux de l'éternité, du temps, et autres fantaisies. En résumé, un long cycle qui passe par Thanos et le brave Adam Warlock, dont le retour aura été concrétisé par son propre Infinity Countdown, illustré par Mike Allred. On retrouve ici une tripotée de concepts intéressants, prompts à paumer le lecteur tout en essayant une narration didactique qui présente les forces en présence.
 
On passe ainsi de Logan - oui, alors, voilà : comment vous dire... - à Loki, au Super-Skrull et aux Captains Marvels pluriels, une emphase quasi-méta' sur les enjeux en présence et une sorte d'introduction générale à cette énième guerre pour le pouvoir, la protection de sa planète ou la mégalomanie d'usage dans cette neuvième déclinaison du réel. L'idée est simple, les Pierres sont éparpillées et différents joueurs doivent protéger ou rechercher ces éléments au sein d'une vaste rencontre qui s'annonce copieuse en termes de mandales diverses.
 
L'ensemble ne cherche pas à prendre de gants, généreux dans l'amplitude de ce qu'il montre de l'univers Marvel tout en restant assez superficiel dans l'écriture. Tout le monde n'est pas Jonathan Hickman et si Gerry Duggan s'applique à un style plus propre ou plus noble, le numéro prend un air de présentation des combattants, un écran d'introduction à une vaste arène ludique.
 
Une rencontre furtive entre Logan et Loki achève par exemple de convaincre de la liberté et de l'orientation prise sur la série. Jusqu'ici, tout semble bien se présenter, après le rebondissement du Kang pharaonique du dernier numéro, les éléments se mettent en place pour une rencontre violente, sombre, et pourquoi pas dramatique. La mise en scène ne déçoit pas sur ce dernier aspect.
 

 
L'idée est intéressante, voire alléchante sur le papier - une grosse bagarre d'être semi-divins prompts à en découdre (on se demande ce que fait le pauvre Turk dans la mêlée), avec des résolutions de principes posés il y a des décennies. Pour reprendre l'exemple de Civil War, le film avait pour principales limites un agenda plus quadrillé sur les suites, l'impossibilité de conséquences lourdes et un catalogue de héros infiniment moins vaste que la version de papier. 
 
C'est grosso modo pareil ici, dans le cas de l'adaptation comme du comics, les principes de cette quasi-suite au Gant de l'Infini ou aux nombreuses sagas impliquant les Stones n'iront vraisemblablement pas aussi loin que leurs originaux - par le simple fait que l'appel transmédia convoque ce besoin de suite, moins qu'un run ou qu'un auteur inspiré en particulier - mais rien n'empêche l'équipe créative d'apporter une intéressante pierre à l'édifice (get it ?).
 
Si on devait proposer une conclusion à ce premier numéro, en l'adjoignant à celui sur Warlock, c'est que Marvel déterre son cosmique en réponse à la demande que lui fait le cinéma. Puisqu'en définitive, quel meilleur vilain au MCU proposer à part Thanos ? Lire les quelques pages de résumé en fin de numéro sur le grand historique de cycles proposés par l'éditeur rappelle l'aspect vertigineux de ces sagas - où d'ailleurs, beaucoup d'éléments sont laissés en blanc pour ne pas perdre les nouveaux - et de ces personnages divins à la stature immense, toute-puissante et où ne se ressent aucun besoin de réalisme dans la grandeur des créations déployées. 
 

 
Si ces Countdown et ce à quoi ils mènent semblent pour le moment assez bas du front, le vrai challenge rentre-dedans né de ces univers ouvre la porte à un plaisir coupable de grande envergure assez séduisant sur le papier, à plus forte raison dans ce numéro illustré par Mike Deodato. En somme, une réponse cyclique au cinéma par les comics, qui utilise la continuité et tout ce qu'il n'est pas possible de faire à l'écran pour satisfaire un public un temps écarté du premier plan des publications, parce que son contexte était justement trop impermable aux nouveaux. Juste retour des choses pour les fans de ces vieilles bizarreries, autour de Dieux, de Rois, de Titans, et d'être vieux de plusieurs milliards d'années qui se balancent des dimensions au visage entre deux contemplations du temps infini et merveilleux. On apprécie.
Corentin
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