Home Brèves News Reviews Previews Dossiers Podcasts Interviews WebTV chroniques
ConnexionInscription
Infidel #1 : quand l'horreur sociale s'insinue dans le papier

Infidel #1 : quand l'horreur sociale s'insinue dans le papier

ReviewImage
On a aimé• Un propos politisé plus qu'actuel
• Evite les clichés dans son écriture...
• Fantastique travail graphique
On a moins aimé• ... malgré quelques maladresses
Notre note

On aura observé ces derniers temps le genre horrifique se teinter d'un discours social qui ne se pare plus d'effets fantastiques ou d'autres monstres pour décrire les peurs contemporaines de la société. Que ce soit Get Out au cinéma, la septième saison d'American Horror Story sur le petit écran, ou Glitterbomb chez Image Comics, vous pouvez en trouver siys différents supports dans la pop culture. Et pour qui a aimé ces précédentes oeuvres, difficile de passer à côté d'Infidel, dont le titre provocateur attire immédiatement l'attention.

Aisha est une jeune femme musulmane qui vit aux Etats-Unis. Elle vient d'emménager avec son compagnon et sa fille, dans un immeuble insalubre (mais au loyer intéressant). Là, Aisha tente de mener sa vie normalement, profitant de la présence de sa belle-mère Leslie pour renforcer ses liens avec elle, continuant de suivre ses cours et de mener sa vie de couple, malgré le rejet de sa famille. Mais Aisha a aussi des visions, d'êtres terriblement inquiétants, qui rendent ses nuits - et bientôt ses journées - impossibles à vivre. Des créatures qui se nourrissent apparemment des sentiments de haine et de peur des uns envers les autres, et qui pourraient bien utiliser notre héroïne comme catalyseur des rancoeurs de ses voisins. A moins que tout ça ne soit que dans sa tête ?


Pour son premier comic book en tant que scénariste, Pornsak Pichetshote réussit à faire un titre d'horreur efficace et ce dès la séquence d'introduction, surréaliste et terrifiante à la fois, qui doit beaucoup au travail d'Aaron Campbell sur la partie graphique. Le sujet est hautement épineux, en voulant parler d'une société gangrenée par la peur de l'autre, le racisme plus ou moins latent, et l'on pourrait s'attendre à quelques clichés sur le sujet, et des archétypes qui seraient facilement identifiables comme les "gentils" et les "méchants" sur la base de leur racisme ou non - puisque c'est le sujet. Il n'en est rien, et Pichetshote décrit à quel point, justement, la peur de l'autre est bien plus pernicieuse et envahissante dans la vie quotidienne, avec ce personnage de Leslie, la belle-mère d'Aisha, qu'on pourrait vouloir apprécier par sa figure calme. Mais au comportement véritablement dérangeant. 

La solitude d'Aisha aide à l'auteur pour construire une ambiance anxiogène et étouffante, bien aidée par le cadre de l'immeuble dans lequel se déroule la majeure partie du récit, une pointe de claustrophobie. C'est dire si l'on respire un peu lors des rares scènes qui ne s'y déroulent pas. Et c'est un peu le propos puisqu'on retrouve des personnes forcées de cohabiter dans un même endroit, alors que certaines n'en ont clairement pas envie. De fait, Pichetshote et Campbell nous montrent ces réactions tristement humaines. D'une porte qui se referme, à des mains qui se crispent sur un sac - parce que l'autre fait peur. Et la peur de l'autre, bien réelle, c'est celle là qu'Infidel nous montre sans détour.


Vient alors l'aspect fantastique, et ces créatures grotesques que Campbell met en forme avec un style hyper efficace (bien aidé par la mise en couleurs de Villarubia). S'ajoute cette touche de fantastique - encore que l'ensemble fait se poser pas mal de questions. L'auteur joue sur les ambiances et met en questions l'état d'esprit de son héroïne. On doute sur le caractère réel des créatures. S'agit-il d'une autre forme de représentation des personnes avec lesquelles elle interagit ? Comme une forme de laideur surnaturelle pour montrer ce que peuvent être les gens, dans leurs gestes et leurs paroles ? Les angles et le découpage de Campbell mettent l'accent sur des petits détails loin d'être anodins et le travail sur les ombres participe à rendre l'ambiance franchement angoissante. Dans l'un comme dans l'autre, par l'aspect visuel et le propos, Infidel met mal à l'aise. Et c'est donc réussi. 

On aurait pu titrer "le Get Out du comics" pour être plus vendeur, et si Infidel s'inscrit clairement dans le genre de l'horreur sociale, on lui accordera sa propre place en tant que très jolie découverte chez Image Comics. Pornsak Pichetshote est juste dans son écriture, avec un propos angoissant - parce que justement basé sur une réalité à laquelle personne n'échappe. Le dessin de Campbell séduit autant qu'il étouffe, une lecture anxiogène et redoutable d'efficacité, qu'on vous recommande sans hésiter.

Arno Kikoo
est sur twitter
à lire également
Commentaires (3)
Vous devez être connecté pour participer