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Archie Comics, la rédemption par l'horreur avec Vampironica #1

Archie Comics, la rédemption par l'horreur avec Vampironica #1

chronique

Prenons date : en 2013, Archie Comics cassait son image traditionaliste en laissant à Roberto Aguirre-Sacasa les manettes d'une série d'horreur, adaptée des héros insouciants de la communauté Riverdale. Le succès sera retentissant, loin devant les ventes usuelles des dernières années chez l'éditeur du rouquin et de ses polygones romantiques. Aguirre-Sacasa devient l'éditeur en chef d'Archie, instille une envie de variété et d'horreur plus aboutie, porte l'adaptation aux mains de Berlanti Productions, bref, Archie revit avec la série Afterlife, un paradoxe qui se manifeste aujourd'hui encore dans les pages de Vampironica #1.

Ce dernier ajout à la ligne Archie Horror vient occuper les étals de parutions très éclatées, qui prennent leur temps et ne vibrent pas aussi fort qu'au moment du relaunch il y a quelques années. Le cas d'Aguirre-Sacasa est un fascinant miroir du parcours d'autres auteurs (anglais) chez les majors de super-héros : c'est un fan, un geek des séries Archie, qui aura par son parcours universitaire et ses liens avec une autre école d'écriture proposé de réinventer en déconstruisant et reconstruisant tout l'appareil de la société. On aura à coeur d'en reparler plus abondamment bientôt, mais voilà tout le noeud de la question. Vous vous souvenez quand Moore a pris le candide Marvelman pour en faire une analyse sur le surhomme et une relecture de l'histoire de la BD ? C'est un peu pareil, en plus sage, en plus poli.
 

 
Et factuellement, c'était à peu près la meilleure des idées. Archie Comics tournait en vase clos depuis des décennies et des décennies, refusant de s'aligner sur les évolutions du medium proposées par les super-héros. Un esprit de l'Amérique profonde, boyscout, des peintures de Norman Rockwell aux tâches de rousseur adorables et aux éternels sourires figés. A tel point que les fossettes saillantes des rictus émerveillés de ses héros sont devenus la marque de fabrique du trait Archie, imité et reproduit par des générations d'auteurs qui n'auront, en définitive, jamais pensé à innover. L'horreur est donc venu chez l'éditeur comme une sorte d'étrangeté nouvelle, comme si Snoopy devenait tout à coup le héros d'un thriller psychologique ou que le vieux Picsou était le méchant d'un film de braquage à la Ocean's Trilogy.
 
Ces deux séries (aussi des comics) opèrent à peu près au même niveau qu'Archie dans l'inconscient américain : des lectures pour enfants, sages, drôles, éventuellement éducatives, avec des qualités dans le second niveau de lecture pour qui choisit de les voir ou non. On aura vu Aguirre-Sacasa développer son axe avec des références affichées à Romero ou Lovecraft et une incursion de Sabrina dans le narratif qui écopera de sa propre série, puis à Jughead dans le titre The Hunger où on renoue avec le loup-garou classique des années '70. Qu'est ce qui nous manquait ? Le vampire, bien entendu.
 
Vampironica s'ouvre donc sur cette énième déclinaison de l'esprit Archie dans une perspective de trouille et d'hommage à de vieux codes de BD et de cinéma. On retrouve un esprit à la Eery & Creepy, les anthologies de comics violentes ou effrayantes qui auront longtemps évolué en parallèle des héros en costume. Les codes, les cadrages, le rythme, tout opère avec cet esprit rétro' dans ce premier numéro diablement bien illustré par le brave Greg Smallwood. Comme pour les Afterlife ou le Hunger, rien d'original n'émane du scénario sinon le décalage (toujours pertinent malgré les répétitions) entre la douceur tranquille de Riverdale et cette promesse de genre.
 
On retrouve donc une Veronica Lodge amenée à devenir une vampire, et c'est à peu près tout. Econome dans les dialogues, les Smallwood vont à l'essentiel, loin du côté bavard d'Aguirre-Sacasa et des séries Archie classiques - l'hommage a ce passé éditorial est cependant bien affiché. On retrouve déjà les sourires à la Archie, la forme de ces rictus béats d'enthousiasme, un héros moins beau gosse que le relaunch proposé par Waid et Staples et plus dans le canon du rouquin criblé de pigments, et des petits détails amusants comme une bulle de pensée ou la réaction des garçons devant le côté sexy de la provocante Cherryl. Enrobés par des couleurs magnifiques et un encrage par couches granuleuses superbe.
 

 
Dans l'ensemble, c'est surtout cet esprit de projections au drive in qui prédomine dans le numéro : on retrouve l'hommage à Romero de Afterlife, cette idée de vieux film d'horreur qui aime cadrer de près les visages et se montre généreux dans l'hémoglobine. On est en face d'un vampire classique avec de gros yeux rouges, des crocs acérés et une exagération des traits vers la forme monstrueuse - paradoxalement, si la version télévisée de Riverdale ressemble (beaucoup) à la saga Twilight au cinéma, c'est en BD que s'épanouit l'amour d'une idée plus traditionnaliste du monstre filmé.
 
Le numéro est plutôt bon, voire très bon. Léger dans son intrigue, on aimerait plus de contexte et moins de survol, mais il se marque vite dans une routine de codes nostalgiques assez géniaux à redécouvrir dans la patine inscouciante d'Archie. Moins de dialogues permettent aussi moins de répétitivité, et on sent ici une envie de ne pas faire de seconde Afterlife (soit, une ongoing englobante qui retravaille tout à la racine) et un véritable horror flick qui tient sa parole de trip assumé. En cela, si Chilling Adventures of Sabrina était assez génial, on préfère ce genre de promesses à une déclinaison de franchise comme l'auront été les derniers numéros de The Hunger. Archie ne tire pas ici trop fort sur la corde de sa bonne idée, et continue sa rédemption par les monstres pour s'épargner de devoir encore et encore rebondir sur le triangle amoureux, les burgers de Pops et autres trucs déjà vus un milliard de fois ou deux.
 

 
En résumé, Veronica est une vampire - ça, c'est l'intrigue. C'est joli, bien rythmé, avec des contours splendides et une promesse de genre qui ne sacrifie pas, pour les amateurs de vieilles séries B ou des chefs d'oeuvre de l'anthologie horrifique, Archie fait encore un superbe travail cette année. Amusant de se dire que c'est par la nostalgie de cette vieille école de fiction - qui n'a rien à voir avec l'histoire éditorial de la firme - que l'éditeur continue de rester intéressant. Il y aurait peut-être des leçons à tirer pour d'autres héros ringards de l'imaginaire américain - les héros de Mickey réinventés dans un hommage au cinéma de Cronenberg ou DePalma, tiens ? Non, personne ? 
Corentin
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