Des guerriers fantastiques, d'écailles et vinyle. L'histoire est connue : quatre tortues, des pizzas et un Technodrome. Des mangas, des jouets, des jeux vidéos à qualité variable, et entre les films et dessins animés que vous connaissez sans doute mieux, il y a les comics.
Au début des années '80, les ninjas viennent d'arriver sur le continent américain, et prennent vie dans la fiction urbaine aux côtés des punks à crêtes fluo' et autres vils loubards en cuir. C'est à cette époque qu'un certain Frank Miller amène un peu d'Asie dans l'imaginaire new-yorkais, d'abord en réinventant Daredevil, ensuite en travaillant sur Ronin, chef d'oeuvre de sa bilbio' aussi responsable pour avoir inspiré le Samurai Jack de Tartakovsky.
Mais à l'ombre des réinventions dans le comics de super-héros, de plus petits éditeurs luttent de leur côté. Kevin Eastman est à l'époque un jeune homme au début de sa vingtaine, admirateur de Jack Kirby, lecteur de Heavy Metal et des indépendants (Kitchen Sink, Rip-off Press, etc). A l'époque entre deux jobs en restaurant, incapable de se payer une école et face à une activité de dessinateur qui ne décolle pas, il va suivre une amie serveuse dans le Massachussets. Sur place, il continue d'envoyer ses travaux au plus offrant, et c'est une petite revue locale qui va lui répondre et mettre Peter Laird sur sa route.
"Il dessine le même type de saloperies que toi, des monstres, des flingues, des trucs à la Kirby, tu devrais le rencontrer" furent les mots de l'éditeur, tels qu'Eastman s'en souviendra des années après. C'est ainsi que lui et Peter Laird vont commencer à s'écrire, et se donner rendez-vous dans l'appartement de ce collaborateur en devenir. Sur place, un lieu de vie en bordel, jonché de figurines, de comics, et d'un rare original de Jack Kirby devant lequel Eastman tombe en fascination. Nous ne sommes qu'en 1981 quand tous deux se lancent un défi, chacun devra dessiner une histoire que l'autre encrera ensuite. Leur premier travail en duo, publié bien plus tard chez Mirage est intitulé Gobbledy-Gook.
Sans argent, Eastman doit vite rentrer dans son Maine natal. Il continue d'appeler, de correspondre et d'échanger des idées avec Peter avec qui il se lie d'une solide amitié. De son côté, lui rencontre celle qui deviendra sa femme, et en 1983, le dessinateur invite son ami à emménager avec eux pour former leur propre maison d'édition. En réalité, il ne s'agira que d'un salon, avec une télévision allumée en permanence et des carnets de croquis en bazar sur la table basse : Mirage Studios était née. Les compères ne pensaient d'ailleurs pas forcément en terme d'auto-édition, quelques compagnies externes vendaient leurs travaux à Marvel et DC à l'époque et le projet de collaborer avec les Big Two ne semblait pas si fou pendant cette ère de vastes transformations dans l'édition américaine.
Un soir, alors qu'ils finissaient de travailler sur le Fugitoid, une histoire de robot qui sera plus tard intégrée à la mythologie des Tortues, Kevin Eastman va, pour amuser son ami, dessiner un croquis de tortue masquée, avec des nunchakus collés sur les avant-bras - il l'orne d'un logo, "Ninja Turtle". Laird rit aux éclats devant l'idée, et va immédiatement imiter le dessin avec son propre style, encré et plus détaillé. Eastman renchérit et dessine quatre tortues dans des postures dramatiques et armées. Laird encre le dessin de son ami, rajoute la mention "Teenage" et naît ainsi sur une blague de potes le concept qui fera leur fortune commune et l'enfance de plusieurs générations.
Le lendemain, dépourvus de réel emploi au jour le jour, ils prennent sur eux de raconter comment ces réptiles rigolos sont devenus de puissants ninjas. Un pari fou qui va les occuper plusieurs mois jusqu'à ce que 40 pages soient finalement dessinées et prêtes à publier - on puise allègrement chez Daredevil le récit des origines, le nom des vilains, et même le nom de Splinter (un terme anglais qui signifie "bout de bois", en référence à Stick, le maître de Murdock) et en agglomérant les New Mutants, Ronin, et la série à l'animal anthropomorphe Cerebus, apparaît pour la première fois le nom de Teenage Mutant Ninja Turtles.
Croyant de plus en plus à leur idée, le duo va amasser ses économies, récupérer un prêt de l'oncle de Kevin Eastman (le brave Quentin Eastman), et faire imprimer 3200 copies d'un premier numéro. Couverture en deux couleurs, papier de mauvaise qualité, la série démarre comme un véritable projet indé' fait dans garage, mais profite pourtant de l'engoument du marché spéculatif qui secoue l'édition à l'époque : après avoir édité le premier numéro, il leur reste assez d'argent pour se payer un encart publicitaire dans le Comics Buyer's Guide #545, exposition considérable pour les collectionneurs. Une aubaine, qui intéresse les comic shops. Au bout du compte, 9000 unités s'écoulent rapidement, soit largement de quoi payer quelques dettes et rembourser le prêt du brave tonton Quentin.
Quand le second numéro était bouclé, Mirage Studios avait 15 000 commandes de libraires, ce qui représentait à l'époque 2000 dollars pour chacun de ses deux fondateurs. L'idée de vivre de leur travail d'artiste commence à naître, et quand le premier numéro se payera un third print à 30 000 commandes, Kevin Eastman et Peter Laird avaient remporté leur pari. D'une blague parodique, ils avaient réussi à faire fortune en l'espace de trois ans, et lancé au passage quatre tortues d'enfer dans un cycle de publications qui n'a presque jamais cessé d'être publié à l'exception de blancs de quelques mois.
Chapitre suivant >L'époque CowabungaAu début des années '80, les ninjas viennent d'arriver sur le continent américain, et prennent vie dans la fiction urbaine aux côtés des punks à crêtes fluo' et autres vils loubards en cuir. C'est à cette époque qu'un certain Frank Miller amène un peu d'Asie dans l'imaginaire new-yorkais, d'abord en réinventant Daredevil, ensuite en travaillant sur Ronin, chef d'oeuvre de sa bilbio' aussi responsable pour avoir inspiré le Samurai Jack de Tartakovsky.
Mais à l'ombre des réinventions dans le comics de super-héros, de plus petits éditeurs luttent de leur côté. Kevin Eastman est à l'époque un jeune homme au début de sa vingtaine, admirateur de Jack Kirby, lecteur de Heavy Metal et des indépendants (Kitchen Sink, Rip-off Press, etc). A l'époque entre deux jobs en restaurant, incapable de se payer une école et face à une activité de dessinateur qui ne décolle pas, il va suivre une amie serveuse dans le Massachussets. Sur place, il continue d'envoyer ses travaux au plus offrant, et c'est une petite revue locale qui va lui répondre et mettre Peter Laird sur sa route.
"Il dessine le même type de saloperies que toi, des monstres, des flingues, des trucs à la Kirby, tu devrais le rencontrer" furent les mots de l'éditeur, tels qu'Eastman s'en souviendra des années après. C'est ainsi que lui et Peter Laird vont commencer à s'écrire, et se donner rendez-vous dans l'appartement de ce collaborateur en devenir. Sur place, un lieu de vie en bordel, jonché de figurines, de comics, et d'un rare original de Jack Kirby devant lequel Eastman tombe en fascination. Nous ne sommes qu'en 1981 quand tous deux se lancent un défi, chacun devra dessiner une histoire que l'autre encrera ensuite. Leur premier travail en duo, publié bien plus tard chez Mirage est intitulé Gobbledy-Gook.
Sans argent, Eastman doit vite rentrer dans son Maine natal. Il continue d'appeler, de correspondre et d'échanger des idées avec Peter avec qui il se lie d'une solide amitié. De son côté, lui rencontre celle qui deviendra sa femme, et en 1983, le dessinateur invite son ami à emménager avec eux pour former leur propre maison d'édition. En réalité, il ne s'agira que d'un salon, avec une télévision allumée en permanence et des carnets de croquis en bazar sur la table basse : Mirage Studios était née. Les compères ne pensaient d'ailleurs pas forcément en terme d'auto-édition, quelques compagnies externes vendaient leurs travaux à Marvel et DC à l'époque et le projet de collaborer avec les Big Two ne semblait pas si fou pendant cette ère de vastes transformations dans l'édition américaine.
Un soir, alors qu'ils finissaient de travailler sur le Fugitoid, une histoire de robot qui sera plus tard intégrée à la mythologie des Tortues, Kevin Eastman va, pour amuser son ami, dessiner un croquis de tortue masquée, avec des nunchakus collés sur les avant-bras - il l'orne d'un logo, "Ninja Turtle". Laird rit aux éclats devant l'idée, et va immédiatement imiter le dessin avec son propre style, encré et plus détaillé. Eastman renchérit et dessine quatre tortues dans des postures dramatiques et armées. Laird encre le dessin de son ami, rajoute la mention "Teenage" et naît ainsi sur une blague de potes le concept qui fera leur fortune commune et l'enfance de plusieurs générations.
Le lendemain, dépourvus de réel emploi au jour le jour, ils prennent sur eux de raconter comment ces réptiles rigolos sont devenus de puissants ninjas. Un pari fou qui va les occuper plusieurs mois jusqu'à ce que 40 pages soient finalement dessinées et prêtes à publier - on puise allègrement chez Daredevil le récit des origines, le nom des vilains, et même le nom de Splinter (un terme anglais qui signifie "bout de bois", en référence à Stick, le maître de Murdock) et en agglomérant les New Mutants, Ronin, et la série à l'animal anthropomorphe Cerebus, apparaît pour la première fois le nom de Teenage Mutant Ninja Turtles.
Croyant de plus en plus à leur idée, le duo va amasser ses économies, récupérer un prêt de l'oncle de Kevin Eastman (le brave Quentin Eastman), et faire imprimer 3200 copies d'un premier numéro. Couverture en deux couleurs, papier de mauvaise qualité, la série démarre comme un véritable projet indé' fait dans garage, mais profite pourtant de l'engoument du marché spéculatif qui secoue l'édition à l'époque : après avoir édité le premier numéro, il leur reste assez d'argent pour se payer un encart publicitaire dans le Comics Buyer's Guide #545, exposition considérable pour les collectionneurs. Une aubaine, qui intéresse les comic shops. Au bout du compte, 9000 unités s'écoulent rapidement, soit largement de quoi payer quelques dettes et rembourser le prêt du brave tonton Quentin.
Quand le second numéro était bouclé, Mirage Studios avait 15 000 commandes de libraires, ce qui représentait à l'époque 2000 dollars pour chacun de ses deux fondateurs. L'idée de vivre de leur travail d'artiste commence à naître, et quand le premier numéro se payera un third print à 30 000 commandes, Kevin Eastman et Peter Laird avaient remporté leur pari. D'une blague parodique, ils avaient réussi à faire fortune en l'espace de trois ans, et lancé au passage quatre tortues d'enfer dans un cycle de publications qui n'a presque jamais cessé d'être publié à l'exception de blancs de quelques mois.
Chapitre suivant >L'époque Cowabunga