Faut-il encore vous refaire le point sur la ligne New Age of DC Heroes ? Censée accompagner Dark Nights : Metal au mois de septembre dernier sous la première appellation "Dark Matter", ce nouvel ensemble de titres dérivés de l'event de Snyder et Capullo aura accumulé les retards de toutes sortes. Le titre Immortal Men, annoncé pour le mois de décembre dernier, n'aura vu le jour que la semaine dernière. Etait-il nécessaire de le publier ? Rien n'est moins sûr.
Il faut bien comprendre qu'une telle sortie au format single s'apprécie également dans un contexte de publication. A l'heure actuelle, Dark Nights : Metal est bel et bien bouclé, en ressort la première impression que la plupart des séries du New Age ont loupé le train en marche - ce qui est, le cas. La plupart des titres, dont Immortal Men, se doit également de présenter de nouveaux personnages, créés pour l'occasion, et donc inconnus du lectorat. Dans le cas de cette série, on avait pu voir l'Immortal Man et quelques uns de ses disciples dans les prologues Dark Days sortis l'été dernier. Encore faudra-t-il que le lecteur qui va chaque semaine dans son comic shop, sans se renseigner tous les jours sur les news comics, ne les ai pas oubliés. La proposition ne part pas avec les meilleurs atouts, et Tynion IV a bien du mal à nous convaincre que sa série mérite notre intérêt.
Il y a le personnage principal, Caden Park, jeune homme à priori sans histoires, dont les rêves le perturbent grandement, et qui vont l'amener dans une joute de long terme entre deux factions de personnages immortels : les Immortal Men d'un côté, et le groupe Conquest de l'autre. Forcément, Caden sera une sorte d'élu, destiné à changer et sauver le monde sans qu'il sache encore pourquoi. On a déjà vu ça maintes fois, et la surcouche de narration à toutes les cases empêche le lecteur de s'intéresser à la demi-douzaine de nouveaux protagonistes qui nous est présentée tout du long. L'effort de la caractérisation n'est pas là, la personnalité aux abonnés absents. Dans le milieu des comics, si un nouveau personnage n'a rien de séduisant dès les premiers abords, c'est peine perdue. A titre de comparaison, Sideways s'en sort bien mieux.
Difficile de voir également des enjeux. The Immortal Men fait quelques références à ce qu'il se passe dans l'univers DC - et notamment avec UN caméo, qui peut faire sourire, et pose en même temps beaucoup de questions. Parce que la présence de ce personnage tient à priori plus d'une volonté marketing de l'éditeur qu'un réel enjeu scénaristique. Enjeux donc, sous fond de grande lutte incroyable qui a lieu depuis la nuit des temps, et qui doit à priori puiser dans l'histoire des Tribus qu'a menée Snyder il y a quelques temps. Mais Tynion, pourtant fidèle disciple de ce dernier, ne réussit pas à nous convaincre que cette lute a une véritable importance, ou qu'on mérite plus de s'y intéresser que toutes celles qui parsèment les comics mainstream.
Reste alors l'argument du dessin. Car oui, le New Age of DC Heroes se voulait aussi être une proposition forte en mettant en avant les artistes de chacune des série. The Immortal Men devait se payer le luxe d'avoir Jim Lee pour le soutenir. Et c'est ce qui explique en partie les retards de sortie du numéro, ce dernier étant très occupé par ses fonctions éditoriales (et parce que dessiner sur Twitch et faire du Action Comics avec Bendis, c'est plus intéressant). Au delà de l'intention à laquelle on n'a jamais vraiment cru, Lee se retrouve incapable de finir même ce premier numéro, pour lequel il doit compter sur l'aide de Ryan Benjamin. Au moins, les deux artistes évoluent ici dans un même style, qui devient de plus en plus daté, d'autant plus avec les designs douteux des membres de Conquest et de l'ambiance générale pas très séduisante.
Et pourtant, votre rédacteur apprécie d'habitude le travail de Jim Lee. Mais ici, rien ne détonne. L'artiste reste proche de ses personnages dans des compositions simples, sans énormément de détails. A défaut de simplicité, on pourrait même parler de paresse, Lee ne s'efforçant pas de rendre le titre spectaculaire, les personnages s'entassant dans des plans rapprochés (pratique : il y a moins à dessiner), seule une double-page au départ témoignant d'un peu d'inspiration au travers d'un ensemble de planches au découpage on ne peut plus classique. Plus qu'une déception, c'est aussi le mensonge (ou la fausse promesse) de DC Comics qui fait tomber le verdict.
Et le verdict, qu'est-il ? Très simple : ne perdez pas votre temps. The Immortal Men cristallise tous les problèmes liés au New Age of DC Heroes et reflète comment l'éditeur s'est laissé emporter par une initiative pour ne pas la soutenir par après, trop occupé par des évènements éditoriaux bien plus importants. Tynion pâtine avec une intrigue quelconque, des personnages obscurs qu'il n'arrive pas à rendre intéressants, et Jim Lee ne fait même pas semblant d'essayer. Gardez votre temps et votre argent, tout le monde y sera gagnant.