Annoncé en relative discrétion lors de la NYCC de l'automne 2017, le film d'animation Batman Ninja a commencé à faire plus de bruit lors de la diffusion de sa première bande-annonce. Et pour cause : outre son concept de transposer le Chevalier Noir dans un Japon Féodal, on retrouve de grands noms de l'animation japonaise derrière le projet. Ainsi, Junpei Misazuki (Jojo's Bizarre Adventure : Stardust Crusaders) s'occupe de la réalisation, avec une base de re-designs assurée par Takashi Okazaki (Afro Samurai). De grands noms pour une aventure hors-normes, à laquelle vous n'êtes pas préparé.
Batman Ninja ne perd pas son temps à présenter son concept ; vous avez pu le voir, ça ne dure que deux minutes. A l'Asile d'Arkham, Batman tente d'empêcher Gorilla Grodd d'utiliser un curieux artefact, et toute la bâtisse, ses occupants, et ceux aux alentours, se retrouvent téléportés dans un Japon féodal. Mais pour le Chevalier Noir, ce qui n'aura semblé pour lui qu'une poignée de secondes, est en réalité deux longues années. Et ce Japon a bien eu le temps de se transformer.
Il sera difficile de trop en dévoiler, outre qu'un grand nombre de super-vilains sont réinventés là aussi à une sauce japonaise orientée samouraï - contexte historique aidant ; car le scénario ne brille peut-être pas d'une écriture folle, mais compense par une inventivité, une générosité sans pareille. Et surtout, l'envie de ne pas proposer qu'un "Batman au style d'animation japonais". Dans Batman Ninja, ce sont les personnages des comics qui viennent s'imprégner d'une culture japonaise, à la fois historique, mais également populaire façon super sentaï. Certaines influences sont très marquées - et qu'on ne s'attend pas à retrouver dans le film, qui se ne limite pas qu'au combat de sabres - mènent le film dans des directions hallucinées, où la surenchère est aussi jouissive qu'elle surprendra le spectateur non averti.
Mais c'est ce qui est bon. Dans un grand maelstrom de fureur et d'hystérie, Batman Ninja ne cherche pas la finesse, mais se veut comme une boule brute d'énergie. Certes, le scénario de Kazuki Nakashima s'amuse à ôter un à un les atouts et gadgets technologiques de Batman pour l'amener au côtés Ninja, et on peut voir une ébauche de lore plus mystique, autour de ce Japon fantasmé, se développer. Sans que l'on ne puisse rentrer trop dans les détails, l'ensemble étant happé dans une avalanche d'action. Les délires visuels s'enchaînent notamment dans un dernier acte qui a le bon goût de ne pas se prendre au sérieux et d'aller au bout de ses idées, quitte à se mettre de côté quelques tournures de phrases pas bien finaudes, ou des retournements de situation exagérés. Mais c'est cette exagération typique dans cette animation, cette fureur et ce bruit, qui laissent pantois. D'admiration.
Toute cette folie ne serait rien sans la prouesse d'animation opérée sur Batman Ninja. Qu'on se le dise de suite : la direction artistique est magnifique, et ce dès le premier plan. Le chara-design fonctionne sur tous les personnages (bien que pour les quelques femmes présentes, la représentation aurait pu être autre), avec un Batman et un Joker séduisants au possible, et l'ensemble fourmille de détails et petites trouvailles visuelles qui renvoient à des éléments graphiques codifiés, et propres aux personnages DC Comics, tout en s'imprégnant de références asiatiques - un mélange de tons qui prend immédiatement.
Surtout, c'est la qualité de l'animation et sa fluidité qui laisse sans voix. Le film est énergique - d'aucun diront hystérique - et ça se voit à l'écran. Les affrontement sont ultra dynamiques, les angles de caméra et les distorsions des personnages donnent le tournis, et la démesure de certaines scènes démontre la prouesse du studio. A voir Batman Ninja, on se demande comment WB Animation ose encore se contenter de leur direction artistique - et surtout, d'une animation aussi rigide - sur leurs récentes productions. Ici, la claque visuelle est une véritable leçon. A condition de ne pas être allergique à cette technique particulière qui utilise des modèles 3D avec de l'animation par dessus. Si dans l'action, cela fonctionne, les quelques moments d'accalmie et/ou de dialogues plus posés laissent voir les limites du procédé.
Batman Ninja est à la hauteur des espérances. Véritable claque visuelle, par sa direction artistique et son animation hyper dynamique, c'est aussi dans une histoire énervée et imprégnée jusqu'à plus soif de références et de codes japonais que le film se montre joyeusement bordélique. Une fureur jouissive pour qui aime ce genre de délires. Une belle leçon de mélange des genres et des univers, qui ont encore beaucoup à nous apporter.
Batman Ninja est disponible dès aujourd'hui sur VOD et sortira en Blu-Ray et DVD le 9 mai prochain. La pré-commande est disponible à ce lien.