Le samedi 5 mai, c'est le Free Comic Book Day. Ce jour béni où les lecteurs peuvent aller dans leur comic shop préféré et repartir avec quelques comics gratuits sous les bras. Et il fut un temps pas si éloigné où DC Comics profitait du FCBD pour annoncer les prochaines grosses sorties ; on se rappelle de Futures End #0 en 2014, premier chapitre d'une longue série hebdomadaire, ou encore le FCBD Divergence de 2015, qui présentait les nouvelles orientations des titres Batman, Superman et Justice League avant l'initiative DC You.
En 2018, et ce pour la troisième année consécutive, DC Comics préfère ses DC Super Hero Girls pour le FCBD, mais pense à ceux qui avaient apprécié Divergence en remettant en oeuvre un procédé en tout point identique, si ce n'est un prix de 0,25$ : DC Nation #0. L'opération est affichée et assumée : il s'agit de proposer un ensemble de trois teasers pour amener le lecteur à revenir par la suite dans les comic shops ; avec pour défendre le tout un trio d'auteurs qui fait le succès de DC - ou qui compte bien le faire. Tom King, Scott Snyder, Brian M. Bendis. Et pour les accompagner, Clay Mann, Jorge Jimenez, José Luis Garcia-Lopez. Sur le papier, la promesse sent bon. Et dans les faits ?
Dans les faits, force est de constater que l'ensemble fonctionne. Chacune des histoires proposées a ses forces et ses faiblesses, mais pris dans le contexte d'un single à portée purement promotionnelle, et vendu au douzième du prix habituel, il sera difficile d'en demander plus.
Le premier segment est une courte histoire en préambule au mariage estival qui doit se préparer et se dérouler cet été. Le Joker attend patiemment un carton d'invitation pour ledit mariage, chez un habitant random de Gotham City. Ca n'a pas de sens ? Ca n'en a pas, mais c'est tout le principe du Joker, qui trouve simplement prétexte pour laisser aller sa folie, et raconter quelques blagues plus ou moins réussies, jusqu'à rendre fou ledit habitant, bien forcé de patienter jusqu'à l'arrivée du facteur avec lui. Tom King reste à l'aise dans son style d'écriture incisif, et marqué, et n'a besoin que de quelques pages pour montrer un Joker bien plus terrifiant que celui que nous avions laissé dans la War of Jokes and Riddles. En particulier, le trait de Clay Mann parvient à saisir l'horreur du personnage d'un simple coup d'oeil.
Concernant Justice League, l'histoire sert à nous présenter les quatre nouvelles équipes présentes dans la mini-série No Justice (voir ce dossier pour rappel). Snyder et ses compagnons d'écriture sont là au plus faible de ce qu'on trouve dans l'écriture. Il s'agit vraiment de dire ce qui sera présent dans les quatre numéros de la mini-série, et ce contre quoi ils vont devoir se battre. Un ensemble de pages qui pourrait être résumé par une slide de powerpoint, mais qui a un énorme avantage pour elle : le dessin de Jorge Jimenez. Celui-ci se déchaîne dans des compositions qui là aussi, font plus office de vignettes de présentation qu'autre chose. Mais ça fonctionne, parce que le trait est unique, le dessin beau, et bien aidé par des couleurs pétantes, qui donnent envie, malgré tout, d'aller se lancer dans ce que No Justice a à proposer. C'est aussi un avant-goût de son savoir-faire sur le prochain relaunch de Justice League, bien qu'au vu de ses précédentes performances, il n'y avait pas de soucis à se faire.
Vient enfin le point de Superman, et l'arrivée de Brian M. Bendis sur le personnage avec la mini-série The Man of Steel. Si on ne pourra pas reprocher ni saluer grand chose au dessin de Garcia-Lopez, on reconnaît assez vite les habitudes d'écriture du bonhomme, et notamment dans les dialogues. Et surtout, l'envie de Bendis de changer quelques éléments bien établis dans les lectures de Superman. On avait déjà pu le voir sur Action Comics #1000, où l'on apprenait à demi-mots que la fin de la planète Krypton était due à l'action d'un ennemi bien particulier - et pire, commanditée par Jor-El. En comparaison, de voir Lois Lane ici disparue du Daily Planet semblera moins choquant. Bien que de nombreuses questions puissent être soulevées, puisque même Clark Kent ne semble pas trop en savoir sur ce qu'il est advenu de sa bien aimée. On n'image pas que Bendis ait décidé de séparer le couple d'entrée de jeu ; mais les questions en suspens réussissent, là aussi, à nous amener vers ses prochains écrits.
Au jeu du teasing, DC Comics réussit donc son coup, dans une période où le lecteur doit se montrer de plus en plus exigeant pour ne pas perdre son temps (et son argent) dans des lectures passe-partout. Que ce soit pour l'écriture, le dessin, ou les idées, il y a de quoi piocher dans chacune des courtes histoires de DC Nation #0. En espérant que les trois critères seront au rendez-vous dans les séries concernées par la suite.
DC Nation #0 est disponible gratuitement sur ComiXology et peut-être commandé à ce lien.