Alors que Geoff Johns a bien du mal à tenir la cadence de Doomsday Clock en compagnie de Gary Frank, DC Comics doit faire avec le retard de ses plans de publications, et confie les clés de ses prochains events à Scott Snyder et sa bande. Après un Dark Nights : Metal aussi généreux que chaotique, on pouvait avoir certaines craintes avec Justice League : No Justice. Il n'en est rien. Pour peu que la proposition de blockbuster réussisse à vous convaincre.
Annoncée en amont d'un relaunch du titre porte-étendard Justice League, et de l'arrivée d'une nouvelle ligne "New Justice", le titre No Justice est très clair dans sa proposition. On s'est habitué à une composition unique, et avec très peu de variations, de la plus grande super-héroïque de DC, et il est temps de bouleverser les choses. Pas avec une équipe complètement différente, mais avec quatre. Et pas qu'avec un ré-arrangement de héros, mais avec plein de super-vilains également. La raison ? Une menace cosmique de grande ampleur, réveillée par les derniers évènements de Metal, et la brèche causée dans le Source Wall. Deux grosses sources d'ennuis, que seule une équipe serait bien incapable de corriger.
Une histoire en directe continuité du précédent event, qui accumule l'effet de grandeur. Il faut plus de héros, une menace encore plus grande. Parce que non, Barbatos et tout le Dark Multiverse ne suffisaient pas. Mais contre l'effet de fatigue attendu, on se plaît à accepter ce que Snyder amène, parce qu'il a parfaitement raison sur un point. On est trop habitués à évoluer avec une seule équipe à la fois, dont la composition varie peu ou prou. Que ce soient les Justice League, les Teen Titans, les Titans, les titres évoluent sans grands remous depuis maintenant deux ans et No Justice est là pour faire du ménage, apporter un peu de sang frais. Contre l'habitude de voir une équipe réussir, c'est en les changeant drastiquement qu'on pourra espérer les voir gagner. Et si l'exécution est bien faite, quelle raison aurions-nous de refuser ?
On pourrait argumenter que No Justice n'est qu'un passage, et puisque l'on connaît déjà les titres à venir, c'est que la destination est déjà connue. Sauf que c'est là le principe du comic book et de sa sérialisation mensuelle. Le voyage a plus d'intérêt que la destination. D'autant plus que les surprises sont présentes dans cette introduction. Bien qu'il l'ait teasée en interview, Snyder et sa bande (Joshua Williamson, James Tynion IV) ramènent une cinquième équipée dans leur histoire. Un élément plus que perturbateur, qui relève l'intérêt au-delà d'un simple affrontement en 4 v 4, construction typique d'un blockbuster façon jeu vidéo. On se l'avoue, l'exposition est assez simple, et bien que le trio de scénaristes s'amuse dans les interactions entre les personnages - Starro est toujours aussi con, mais c'est marrant -, sans ce cinquième élément (ha ha, on rigole bien), l'ensemble se montrerait moins divertissant.
Justice League : No Justice se place d'ailleurs clairement dans cette catégorie de divertissement. L'été approche, il faut s'amuser, et on ne ment pas sur le contenu. Un maximum de héros, de vilains, des équipes farfelues, du cosmique de grande échelle, un sentiment d'over the top. En bref, le parfait no brainer qui n'a pas tant de prétention à réinventer tout l'univers DC comme Metal s'en targuait. Bien qu'on puisse discuter de la légitimité de ces fameux Omega Titans (ou DCelestials, au choix) à se placer au-dessus de la Main de la Création. Ou à se moquer de ce Multivers finalement infini que l'infini, on apprécie que Snyder soit un peu muselé par Tynion et Williamson. Ca rend la lecture plus agréable, quoique le tout est assez verbeux. On s'en étonne à peine : durant tout Metal, c'étaient également les numéros où Tynion et Williamson étaient présents (Batman : Lost et le Dark Knights Rising, qui avait aussi un atout Morrison pour lui) qui étaient les meilleurs.
Là où No Justice devient de plus honnête, c'est par la présence de Francis Manapul sur toute la durée. Après avoir brillé période New 52 sur The Flash et Detective Comics, et avoir livré un Trinity en demi-teinte, l'artiste revient en pleine forme sur ses intérieurs. Surtout, on avait pas vu depuis longtemps Manapul dessiner autant de personnages différents, tous profitant au mieux du trait de l'artiste. Un encrage épais pour les contours principaux, une liberté d'esquisse et de remplissage dans les intérieurs, sublimée par la profusion de couleurs venues de chez Hi-Fi. Les effets numériques sont nombreux mais accompagnent pleinement le travail de Manapul. Quoi qu'on pourra attester qu'ils sont aussi bien pratiques pour l'absence de grands décors.
Comparé aux premiers designs élaborés pour vendre No Justice, et malgré ces points lumineux sur les costumes un peu rébarbatifs, on se fait à cette proposition visuelle. Parce qu'on y retrouve une certaine justification - puis soyons honnêtes, parce que Manapul met le feu dans ses planches, et qu'au premier coup d'oeil on est sous le charme. Centré sur les personnages, dont certains qui nous manquaient franchement, le dessinateur s'amuse à observer héros et vilains opposés, mis à côté, entre plans rapprochés et grands ensembles, sans oublier la maîtrise des échelles de taille quand il le faut. Afin de ne pas en oublier la grandiloquence assumée de No Justice. Et puis mince, c'est juste très beau. Voilà.
Contre les craintes légitimes après un Dark Nights : Metal trop foutoir, Justice League : No Justice #1 corrige le tir en exécutant correctement une proposition de blockbuster parfaitement assumée. Bien aidé par une composition sublime de Manapul, le mini-event de Snyder profite d'une exécution carrée qui ne manque pas de surprises, et d'un argument recevable pour justifier ce premier barbecue estival. On change (temporairement) les habitudes des lecteurs, faire du brassage pour varier les plaisirs, sans prétendre faire plus compliqué qu'un pitch classique de blockbnster. Et c'est cette sincérité dans le côté entertainment qui donne envie d'aller un peu s'amuser. Du côté de DC, on en avait pas mal besoin.