Cette semaine se retrouvait dans les kiosques le premier numéro de Deadpool : Assassin, de Cullen Bunn et Mark Bagley. Une bonne nouvelle pour les nombreux fans du dessinateur et de son Deadpool souriant, mais qui s'appréciera plus sur la durée étant donné le propos sur l'addiction au meurtre que le scénariste semble déployer sur ce premier numéro.
Or, en sandwich entre le départ de cette mini et Despicable Deadpool #300 de Gerry Duggan, sortait le médiatisé Deadpool #1. Un numéro qui se sera payé pas mal de previews à des endroits stratégiques du calendrier, alignées sur la sortie du second film consacré au mercenaire, avec lequel on s'attendait en toute logique à une sorte d'effet caméléon. Les sorties récentes de Marvel, comme Ant-Man & the Wasp #1 ou Spidey : School's Out #1, ont pavé la voie pour cette catégorie de lecteurs qui aime découvrir un comics après la sortie de tel ou tel film, le phénomène n'a d'ailleurs rien de nouveau et le procès a déjà été débattu. Deadpool #1 ressemble donc à Deadpool 2, mais ? C'est à peu près tout.
Le numéro est le travail de Skottie Young au scénario et de Nic Klein aux dessins. La partie graphique aura pour le moment profité aux titres du Fresh Start : Ryan Stegman sur Venom, Jesus Saiz sur Doctor Strange, Mike Del Mundo sur Thor, les nouvelles équipes artistiques se débrouillent pour emballer le relaunch dans de bien belles parures et Nic Klein ne fait pas exception. L'artiste rend une copie irréprochable, tant sur le plan des crayonnés que de l'encrage ou des couleurs. Tout est très beau et on vous recommanderait presque le numéro pour ce joli travail.
L'écriture pose de son côté une question intéressante sur la valeur de ces séries-compagnons. Skottie Young semble avoir fait le pari de coller trait pour trait au Deadpool des films - à moins qu'il ne s'agisse d'une directive éditoriale - voire plus, puisque tous les personnages de ce premier numéro ressemblent en fait à leur contrepartie filmée. Depuis Negasonic jusqu'aux Gardiens de la Galaxie ou à Iron Man. Le schéma d'écriture évoque l'architecture de dialogues typiques des adaptations de Marvel Studios ou de la Fox - ce qui est amusant, quand l'éditeur se sera acharné à brouiller les frontières depuis quelques années. Mais tout ne fonctionne pas comme un film, et c'est un peu le souci.
Dans un film, il y a le montage, la musique, le mouvement des plans et éventuellement l'interprétation. Dans un comics, des pages figées qui se remplissent de phylactères qui ne disent pas grand chose, ça surcharge. En particulier quand le scénariste ne maîtrise pas ses effets ou que le scénario est statique. Young insiste sur un point précis : Deadpool doit, contractuellement, sortir une blague, une référence, un commentaire méta' par bulle de dialogue - une idée qui va avec le personnage, mais qui ne veut pas dire que ça fonctionne à chaque fois. L'écriture dose mal et se répète, avec un humour qui tombe souvent à plat. A trop l'ouvrir, Deadpool devient la caricature que ses détracteurs font de lui : un personnage à gimmick qui parle pour ne rien dire, voire un oncle relou' qui se pense drôle et se fout à poil constamment parce que c'est rigolo.
Ce qui est paradoxal, étant donné que beaucoup de lecteurs s'attendent à retrouver ce genre d'écriture dans un comics sur le mercenaire. Mais comme sur Spider-Man, tout ne se résume pas à un cahier des charges, il est aussi question de savoir comment fonctionne l'ensemble, depuis les blagues jusqu'aux commentaires méta'. En cela, quand Bunn et Bagley tentent de proposer quelque chose sur l'envie irrépressible de tuer de Deadpool, ou quand Duggan livre un énorme run qui le prend plus au sérieux que l'habituel personnage de cartoon, on se demande ce que cette nouvelle série à de Fresh pour un Fresh Start.
La critique paraît bien sur très facile, de même qu'il est très facile d'en vouloir à Marvel de vouloir se faire un peu de fric en continuant de vendre aux gens ce qu'ils ont vu au ciné'. Skottie Young aura de nombreux numéros pour exprimer ses idées, et en définitive on n'est qu'à quelques variations près du héros sur lequel il est généralement difficile d'innover (les tentatives de types Deadpool Corps ou Shiklah n'ayant pas toujours été bien reçues par le lectorat). En revanche, si vous preniez Deadpool pour un héros humoristique, on aurait du mal à vous promettre d'énormes barres de rire pour les prochains mois.
Deadpool #1, un résultat décevant avec de très beaux dessins - encore une fois. Curieusement, Marvel se sent capable d'innover en emmenant Doctor Strange dans une direction tout à fait inédite, mais se dit que sur Deadpool, l'idée de "Fresh Start" est surtout une excuse pour refourguer aux fans du film une expérience similaire. Le procédé n'a plus grand chose de salissant aujourd'hui, en revanche si ce premier numéro a l'apparence de Deadpool 2 et la texture de Deadpool 2, le goût n'y est pas. L'avantage étant, puisque l'éditeur surexploite son héros dans d'autres parutions, vous avez au moins plusieurs choix de disponible.