Après avoir installé un nouveau statu quo pour Superman au cours de la mini-série The Man of Steel (notre bilan par là), Brian M. Bendis doit maintenant assurer les commandes du titre principal, relancé au #1 pour l'occasion.
Les évènements du titre précédemment évoqués étant rapidement résumés, Bendis a de quoi aller de l'avant dès la première planche, le scénariste ayant quelques pistes à disséminer pour son intrigue principal. Ce faisant, l'auteur réussit à aborder, dans les grandes lignes, ce qu'il a compris de Superman. Avec la preuve qu'il l'a compris. L'exercice peut se voir à la fois comme une manière de rassurer le lecteur de longue date inquiet à l'idée de voir l'auteur sur son personnage préféré, une démonstration de la part de Bendis envers lui-même, pour se prouver qu'il n'a pas de soucis à écrire le Kryptonien, ou une leçon très reader friendly de premier numéro pour expliquer ce qu'est ce super-héros à celui qui serait intrigué par cette nouvelle série.
Surtout, Bendis accorde une importane à ce qui fait l'humanité de l'Homme d'Acier, en allant chercher ce qui lui est le plus important - et qui lui manque à l'heure actuelle, sa famille. On aura beaucoup parlé depuis quelques jours des considérations de DC Comics pour les implications familiales de ses super-héros (et cette vraisemblable récalcitrance à proposer un cadre stable aux héros et héroïnes en costume). Ici le message est clair. En dépeignant l'immense solitude de Clark Kent, c'est son humanité qui habille les planches du numéro, et le lecteur pourra tout autant se reconnaître dans ces sentiments exposés, qu'être rassuré sur le fait que Bendis n'a pas l'intention d'ôter à Superman ce qui lui est le plus important.
A côté, on n'en oublie pas non plus les incroyables capacités du personnage et sa stature de quasi-Dieu, évoquée à la fois dans des scènes express d'action qui attestent de sa toute puissance. Bendis traite la chose avec un certain sérieux, ce qui donne un ressort comique puisque Superman se retrouve presque incapable de mener une tâche à bien sans devoir secourir quelqu'un ou affronter une créature. Une thématique assez commune pour le personnage, mais qui est explicitée ici efficacement.
L'idée du surhomme, et de sa responsabilité envers le reste du monde trouve une autre illustration dans un (curieux) échange entre Clark et Martian Manhunter. Un dialogue qui sonne un peu à côté pour ce dernier, laissant quelques doutes sur les intentions de Bendis de ce côté là. Ca reste, au cours de la lecture, parmi les petites pistes que l'auteur met peu à peu, avant de verser dans une certaine facilité avec un cliffhanger (trop) classique de premier numéro. Qui aura toujours ce même effet : la surprise fonctionne sur le coup, mais le recul fait qu'on voit les limites du procédé. On ne reprochera pas à Bendis de vouloir que ses lecteurs reviennent le mois prochain, mais le procédé n'est pas à la hauteur de sa réputation.
Plusieurs tics du scénariste sont par ailleurs bien reconnaissables, dans la construction de certaines scènes, où un numéro qui reste là aussi assez décompressé. Le format d'une vingtaine de planches n'aide pas forcément, surtout quand le rythme de publication reste mensuel, et c'est ici qu'on aperçoit ce qui pourrait être un premier piège pour ce nouveau Superman. Malgré les petites nouveautés apportées (ici, on construit une nouvelle Forteresse de Solitude), force est de convenir qu'on pourrait attendre un peu plus de développement. Mais pour ceux qui ne sont pas allergiques au style de l'auteur, qui met du coeur à l'ouvrage à donner toute son humanité au Kryptonien, et à le faire resplendir, alors il n'y a que peu de doutes : Superman #1 est un premier pas dans une bonne direction.
Il faut dire que pour la partie artistique, Bendis aura bien su s'entourer puisqu'Ivan Reis, déjà présent sur The Man of Steel, revient nous faire plaisir d'un coup de crayon maîtrisé et pour une performance solide sur la plupart des planches du numéro. Les lecteurs de DC Comics connaissent maintenant l'artiste, qui délivre un style mainstream qualitatif, mêlant à la fois gros moments d'action, où le dessin cherche à iconiser au mieux le Super-homme, que moments intimistes où les émotions sont là aussi travaillées. En outre, Reis (et Joe Prado, fidèle encreur) savent manier l'espace de leurs planches pour quelques spreads et cases de grande envergure, dans une envie à la fois de faire plaisir aux lecteurs - car on attend aussi d'un titre Superman des moments de blockbuster - que pour leur propre plaisir de dessiner. Solide pour le moment, le dessin répond donc également aux exigences qu'on peut avoir pour l'Homme d'Acier. Il faudra donc maintenir la cadence (le ryhme mensuel devant aider), et il tarde voir quelle sera la complémentarité de la série avec Action Comics.
Ce n'est pas demain que l'on changera Brian M. Bendis, mais pour ce premier numéro de Superman, le scénariste démontre de sa compréhension du personnage, et de sa capacité à l'écrire. Servi par une équipe artistique solide, ce premier numéro répond à ce qu'on attend d'un tel relaunch : accessible, avec la promesse d'une intrigue qui ne renie ni le côté blockbuster du Man of Steel, ni son humanité. En dépit d'un cliffhanger un peu facile, c'est donc une introduction enthousiasmante qui nous est proposée !
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