Lorsqu'il décide de revenir dans l'industrie du comic book après une longue absence, l'auteur Christopher Priest prend en charge Deathstroke (puis Justice League) chez DC Comics, ravive ses Quantum & Woody chez Valiant, et récupère une mini-série Inhumans pour Marvel, publiée le mois dernier dans la collection 100% Marvel de Panini. A l'époque de publication, la série TV doit arriver, et le scénariste a droit à six numéros pour revenir sur la famille Royale, alors que ses membres ne sont qu'adolescents, pour une intrigue assez similaire en certains points à ce qui s'est fait sur petit écran, mais qui montre aussi quelques points caractéristiques de Priest.
Alors que Blackagar Boltagon, futur Flèche Noire, et son frère Maximus ne sont qu'adolescents, Priest nous propose une intrigue faite d'intrigues et de complots, puisque le Roi actuel des Inhumains compte trouver bientôt son successeur, que les Alpha Prime, leurs esclaves, fomentent une révolte, et qu'un traître convoite le trône pour lui. S'ensuit un exil forcé sur Terre pour certains membres, quelques rencontres avec d'autres personnages Marvel, et une résolution un peu bâtarde de l'intrigue.
Priest utilise un schéma de narration que l'on retrouve dans toutes ses productions récentes, utilisant des cadres noirs d'inter-titres sur ses chapitres pour délimiter les scènes. Une façon de de donner quelques moments de pause dans un récit qu'il faut suivre, malgré tout, attentivement. Car dans une volonté de faire des intrigues politiques telles qu'on les conçoit dans Game of Thrones, avec un jeu de dupes à plusieurs niveaux, les dialogues en deviennent particulièrement importants à suivre, dans le sens où un petit détail glissé ça et là peut avoir une importance insoupçonnée par la suite.
On sent également à la lecture une réelle influence de l'horrible série TV de Scott Buck avec cet exil forcé sur Terre, qui laisse pourtant la place à quelques passages réellement amusants - une rencontre avec Spider-Man notamment. A côté, on se passionnera surtout pour le développement des relations entre les membres de la famille Royale, qui permet à Priest de critiquer le système des Inhumains. On décèle un propos toujours politisé, ici contre une oppression de ceux qui détiennent (littéralement) le ou des pouvoirs, une parabole sur l'esclavagisme qui permet de mettre Flèche Noire face à son héritage et à choisir entre poursuivre une tradition affirmée ou s'en démarquer par une envie plus progressiste.
En utilisant des personnages encore adolescents (ou jeunes adultes), Priest permet également de tracer les contours des Inhumains tels qu'on les connaît plus généralement, avec un Maximus qui lutte avec sa folie, une importance attachée à la mort de leurs parents et à leurs circonstances, le rapport de Medusa aux autres membres de la famille, et à sa place en tant qu'objet de convoitise plus que femme. Malgré tout on ressent aussi que le récit est écrit en s'adressant à des lecteurs déjà familiers avec les personnages, et se conclut par ailleurs sur une fin étrangement abrupte, qui appelle à une suite directe - qui n'aura pas lieu. Et laisse donc un sentiment un peu incertain sur sa faim. Et c'est dommage, car on sait à côté de quoi est capable Priest (à qui le format mini-série ne semble pas bien convenir, du coup).
A côté, le dessin de Phil Noto est clairement une plus-value tout du long. Avec une approche photo-réaliste, le trait se veut léger, avec un encrage très léger, et un relief apporté sur les planches par les couleurs, toute en nuances dans les tons. Un rendu agréable et qui compense une certaine absence dans les décors. Noto se concentre en effet - et c'est le script qui le veut également - sur les personnages plus que sur ce qui les entoure, mais les moments d'action permettent de compenser. En outre, une certaine interaction avec un autre personnage Marvel apporte une respiration, et dans le ton, et dans un dessin alors plus dynamique, assez bienvenu. Notons enfin quelques histoires courtes en fin de volume, de Ryan North (Squirrel Girl), qui réussissent dans le peu d'espace qui leur est consacré à être franchement drôles.
Christopher Priest est un bon auteur, pas toujours le plus accessible. Inhumans Rois d'hier et de demain est une lecture plaisante, une façon de les découvrir dans un récit d'origines qui laisse au scénariste de s'intéresser aux problèmes sociétaux des Inhumains, avec une histoire d'intrigues politiques pas déplaisante, quoiqu'on ne tient pas là son meilleur travail. Reste un dessin agréable à l'oeil, pour une série acceptable dans les productions les moins tapageuses de la Maison des Idées.
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