Les voilà. Après avoir disparu des parutions Marvel, les Quatre Fantastiques sont de retour cette semaine. Dans les kiosques et le coeur conquis de milliers de fans heureux de pouvoir retrouver ou découvrir des héros qu'ils n'ont peut-être (si ça se trouve) pas connu pendant leurs heures de gloires. Les FF sont surtout un symbole important chez l'éditeur, et Dan Slott l'a heureusement assez bien compris.
C'est avec les héros de Marvel Two-in-One que le récit démarre, vers une résolution assez logique et qui prendra en fait plusieurs numéros. Le scénariste joue sur le côté familial, feel good et émotionnel de l'ensemble en distillant un esprit de reconstruction. On rappelle d'abord que les Fantastic Four n'existent plus, qu'il faut tourner la page, passer à autre chose - tout en montrant que le retour de la famille est attendue par le public.
Slott utilise un effet de faux départ pour préparer sa surprise de fin. Une sorte de défaite, d'obstination à penser que l'équipe a bien mené son dernier combat et que l'on aurait tort d'espérer qu'elle revienne. Qu'il faut passer à autre chose. L'écriture passe par tout ce qu'on attendrait d'un numéro dans ce style, plutôt prévisible, pour cheminer tranquillement avec assez de justesse entre les émotions et les résolutions.
Johnny refuse d'abandonner, Grimm se tourne vers l'envie de se bâtir une nouvelle famille, tandis que l'écriture installe cette sorte d'optimisme hérité du Marvel classique. Un ciel tout bleu, une foule qui acclame, une journée aux courses, un match de baseball. Des symboles très américains pour ce qui aurait été, autrefois, un début d'arc classique, désamorcé ici par la surprise de cette fausse piste évoquée plus haut.
Dan Slott se veut plutôt didactique, prompt à présenter les personnages, l'esprit et l'ambiance générale qui va avec les FF. Une famille, aux interactions légères, ce qui semble correspondre à son style. Les émotions, les sourires, l'impression de quelque chose de brisé ou l'espoir, des réactions faciles mais dans lesquels il évolue avec efficacité, sans chercher de symbolisme forcé ou des idées bizarres qui auront fait sa légende. En résumé ? Slott s'applique, respectueux comme d'habitude sur ses débuts de prise de fonction, de ce qui s'est fait avant lui.
Le scénariste passerait pour un amoureux des premiers temps de Marvel ou d'une écriture mainstream dans tous les sens du termes : sans faire de vagues, conformes à des archétypes, mais qui produit ce qu'on en attend. En l'occurrence, réintéresser les gens aux Quatre Fantastiques n'est pas évident - d'une part, les héros sont âgés et d'autre part, ils n'étaient déjà plus les véritables vedettes de Marvel avant même de disparaître pour de bon - aussi Slott produit un ensemble solide en jouant sur les bonnes cordes sensibles.
Du côté des dessins, si le trait de Sara Pichelli est comme d'habitude très agréable à l'oeil, l'artiste est ici accompagnée par les couleurs de Marte Gracia. L'ensemble esthétique est à l'image du numéro : simple, direct, franc, et dans un esprit de feel good nostalgique des années où le ciel était plus bleu et où le soleil brillait plus fort. Le problème, c'est que comme dans le texte, les émotions véhiculées ne cherchent pas à rendre quelque chose de trop compliqué.
Aussi, on accompagne un dessin beau mais sans grands effets d'une colorisation flashy et presque abusivement nette ou sans nuances. Pichelli se tape une petite flemme de son côté, avec quelques réutilisations çà et là. Cela dit, à moins de ne vraiment pas accrocher au style, tout ça se consomme sans problèmes et on apprécie que Marvel ait mis une telle artiste sur le retour de sa première équipe historique.
Le numéro est aussi augmenté d'un segment de back up, où l'on retrouve le Dr Doom en Latvérie. C'est un Dan Slott différent que l'on retrouve à l'écriture, soit parce qu'il est simplement inspiré par le vilain qu'il manie, soit parce qu'il cherche à s'adapter au trait de l'autre artiste du numéro, Simone Bianchi.
L'artiste est formidable sur ce bref moment en compagnie du dictateur. Avec un petit temps d'adaptation après le très flashy et propre segment Sara Pichelli, l'oeil trouve une ambiance plus f'ranco-belge et inquiétante, où le vilain ultime de l'équipe est de retour de son côté. L'introduction se passe de correspondre au Doom plus ambigu des dernières années, et replonge de plain pied vers l'imagerie du fou mégalomane (avec le style des vrais méchants).
Slott est là-encore assez explicite sur ses intentions : Doom est un salaud avec de l'ampleur, qui va triompher, détruire, en lançant quelques répliques foudroyantes à la face du vent. On apprécie d'autant plus cette double-répartition du trait, shiny pour les héros, granuleux et sinueux pour le vilain. Beau choix de l'éditeur pour varier le ton de ces héros, qui représentent avec eux tout une galerie d'autres visages.
Fantastic Four #1 est une bonne lecture. Inoffensive, dispensable, mais pas inintéressante dans le rythme et le style dans lequel Dan Slott s'enroule pour livrer cette première ébauche de run. En résumé, des émotions bien rendues, un retour qui va aller crescendo, et une partie miroir consacrée au grand méchant et à sa propre ascension nouvelle. De jolis dessins et un peu de nostalgie très Marvel-ienne ? Ça se passe bien.