Malgré l’annulation de sa série solo, Kate Bishop ne sera pas restée longtemps hors des publications régulières deMarvel. Peut-être fallait-il un nouveau numéro pour rebooster quelques ventes décevantes – du point de vue de l’éditeur. A moins que l’idée d’un titre d’équipe pour réunir des personnages aux titres annulés – comme Gwenpool ou America Chavez – soit une façon de poursuivre le travail de représentativité qu’ils incarnent, en plus de l’opportunité de les familiariser avec leur lectorat, pour contrer ceux qui ne voient en eux que des arguments commerciaux pour une soit disant « diversité forcée ». En tous les cas, l’idée de reformer les West Coast Avengers n’a jamais semblé aussi bonne qu’après la lecture de ce premier numéro.
On retrouve Kelly Thompson, scénariste du précédent volume d’Hawkeye, avec une Kate Bishop en difficulté. Bien qu’elle ait pu sauver de nombreuses vies dans ses précédentes aventures, les menaces se font de plus en plus présentes sur la côte ouest des US, parce que, justement, les Avengers réguliers n’y sont pas. Il faut donc que la super-héroïne en activité dans cette partie du continent catalyse les forces et capacités et monte sa propre équipe, pour faire face aux menaces qui nécessitent plus qu'un arc et des flèches. L’idée, très introductive et attendue, prend forme par l’écriture légère de Thompson, qui transforme le tout comme une forme d’émission de télé-réalité, ou les scénettes s’enchaînent entre commentaires des membres de l’équipe par quelques interviews, la plupart vraiment drôles.
Loin d’enjeux colossaux (l’idée de commencer avec des requins sur pattes le démontre), la scénariste veut faire une comédie de super-héros, qui rappelle une Justice League International, avec des personnages qui ont généralement en commun de ne pas être pris au sérieux – dans leur monde, mais aussi par une partie du lectorat. Kelly Thompson démontre le contraire en accordant à chacun une petite place, Kate Bishop et Clint Barton – hé oui, deux Hawkeye pour le prix d’un – donnant l’occasion à America, Fuse, Gwenpool, ou même l’irritant Quentin Quire de briller. On ressent dans les dialogues quelques formes d’engagement, contre des clichés encore en vigueur dans le genre super-héroïque qui se font démonter à tour de bras. Quelques répliques manquent certainement de naturel à la lecture, mais l’ensemble prouve que divertissement et réflexion n’ont jamais été incompatibles, encore moins quand l’humour vient les enrober.
West Coast Avengers #1 multiplie les vannes, qu’on ait du comique de situation, un cliffhanger littéralement improbable, ou des références méta aux pratiques éditoriales de Marvel et de la concurrence, sans oublier une forme d’hommage à ce qu’étaient les premiers West Coast Avengers. Le tout prête au rire de nombreuses fois, et participe au capital sympathie général du titre. Le fond reste plutôt sérieux dans son approche du travail d’équipe et sur le monde des super-héros (la scène de recrutement est équivoque), la forme par l’approche humoristique reste efficace. Tant et si bien que même un personnage issu d’une surexploitation éditoriale comme Gwenpool peut s’offrir une jolie seconde vie. C'est d'ailleurs les caractères des protagonistes, et les dynamiques qui en découlent qui rendent l'ensemble vivant, avec cette continuation par Thompson de ce qu'elle a entrepris avec Kate Bishop. Une héroïne qui, même en leader d'équipe, reste un peu fauchée, à accumuler les galères - et s'en sortir malgré tout, parce que c'est ça aussi, les comics.
Sur le plan artistique, il faut reconnaître que le scénario de Kelly Thompson s’accorde très bien aux dessins de Stefano Caselli. Le dessinateur est sans pareil pour dessiner ses personnages et retransmettre une palette d’émotions qui contribue à faire fonctionner l’humour des scènes, qu’il soit dans la situation ou dans les dialogues. La séparation avec les interviews filmées permet un changement de rythme qui maintient l’attention au long de la lecture, et les passages plus orientés vers l’action sont lisibles, les cadrages et le découpage étant efficaces – avec certes, par endroits, un certain manque de décors. L'espace est en revanche bien occupé pour un numéro avec une pagination plus importante, sans abus de splash pages et autres artifices pour compenser une forme de flemme sur l'écriture. Les couleurs de Triona Farell sont adéquates à l'atmosphère du titre, légères, avec ce qu'il faut de teintes sans verser dans le criard. Un petit plaisir pour les yeux.
Marvel n'en est pas à son coup d'essai pour calquer des séries sur un tonalité humoristique, et ce West Coast Avengers #1 fonctionne parfaitement dans ce registre. Une équipe aux caractères divers, des vannes, de l'humour de situation et une mise en scène en clin d'oeil aux divertissements au delà du papier : le titre est résolument moderne et poursuit joliment le travail de Kelly Thompson sur Kate Bishop.
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