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Britannia : Ceux qui vont mourir, ou la difficulté de se renouveler

Britannia : Ceux qui vont mourir, ou la difficulté de se renouveler

ReviewIndé
On a aimé• L'expansion de ce micro-univers Valiant
• Une atmosphère qui garde son identité
• La violence du dessin de Ryp
On a moins aimé• Une intrigue aux accélérations surprenantes
• Des personnages écrits grossièrement
• Le côté fantastique mis au second plan
Notre note

En début d'année nous a été proposée par Bliss Comics de découvrir une oeuvre assez singulière dans le paysage de Valiant, qui s'éloigne du cadre super-héroïque moderne pour proposer un récit se déroulant en pleine Antiquité romaine, sous le règne de l'Empereur Néron. Une forme d'intrigue policière qui n'hésite pas à verser dans le fantastique et l'horreur, sous la plume hallucinée de Peter Milligan. Dans ce second tome, qui nous ramène aux côtés du "déceleur" Antonius Axia, regardons si passé l'effet de surprise, l'auteur réussit à reproduire la réussite du premier tome.

Axia est à nouveau dépêché par Néron de mener une enquête sur une vague de folie qui malmène la ville de Rome. De jeunes nobles, tous de sexe masculin, se font assassiner sauvagement. En parallèle, la montée en puissance de la gladiatrice Achillia, qui véhicule des idées d'égalité femme-homme, laisse à croire à un sombre complot, et les superstitions appelant facilement aux exécutions par l'Empereur fou, il convient au héros de mettre la lumière sur tout cela. Peter Milligan part d'une recette qu'il aura bien appliqué sur la première mini-série Britannia, en délaissant une partie de l'exploration des mythologies de l'époque pour se concentrer sur des thématiques plus sociétales. La place de la femme au sein de la société romaine est une thématique centrale, au travers des personnages d'Achillia, des Vestales (prêtresses qui, par leur statut, avaient a priori une certaine influence) ou une autre protagoniste clé de l'intrigue.


Il ne sera pas aberrant, au vu du contexte de l'histoire, de voir tant de personnages féminins malmenés et un auteur qui tente de passer un message qui sera (on l'espère, du moins) compris et déjà accepté par le plus grand nombre, encore que l'écriture de Milligan ne soit pas forcément à son meilleur. Si le message se fait assez clair, on perd quelques forces dans l'intrigue globale, qui doit se faire le premier vecteur. Britannia : ceux qui vont mourir perd une partie de son charme en délaissant l'approche fantastique pour se concentrer dans un récit d'enquête qui se veut plus rationnel. On imputera ça à l'évolution du personnage d'Antonius Axia, dont l'esprit et les croyances sont remis en cause par sa dernière affaire, et pour lequel le scénariste veut s'amuser avec un mystère à la Conan Doyle - c'est à dire que des faits a priori surnaturels peuvent trouver une explication plausible. 

C'est également dans l'écriture des personnages qu'il y a quelques faiblesses. Le portrait de Néron fait toujours de lui un personnage odieux, mais d'une façon assez caricaturale, qui oublie au delà du personnage de fiction qu'il a été une personne réelle - et qu'il existe un minimum de documentation pour rendre le personnage plus crédible qu'un méchant bas du front de comicbook. De même, et c'est peut-être dû à la limitation des numéros, beaucoup de réactions semblent très précipitées, avec des accès de colère et de violence qui surprennent, puis agacent, notamment de la part d'Axia. Achillia, malgré un fort caractère, semble un peu plus calme, et c'est un contraste bizarre qu'on observe sur les personnages masculins et féminins. Une volonté, peut-être, de vouloir maximiser une colère et une peur masculine de voir de part et d'autre de la société des femmes mettre en péril leur stature (bien que le récit date du printemps 2017, les mois passés depuis ont une résonance certaine à la lecture). Ou que Milligan ne s'est pas trop foulé ? Qui sait.


En revanche sur la partie graphique, si l'on peut aussi dire que Juan José Ryp ne renouvelle pas sa formule, le travail de l'artiste reste aussi solide que précédemment. La carrière de l'illustrateur est en adéquation avec les tonalités de Milligan et avec le récit horrifique, et l'on reproduit à nouveau une ambiance particulière, où l'atmosphère d'une Rome décadente se mêle à des débordements sanguinolents, comme une version d'Alix vraiment pour les adultes. Les morts sont extrêmement graphiques, le trait détaillé et minutieux de Ryp apportant des planches à la finition bien appréciables, avec quelques moments de bravoure - comme cette scène où Antonius et Achillia affrontent les cohortes de la garde prétorienne. Un travail d'autant plus appréciable que, comme toujours, l'édition de Bliss comporte moult croquis et planches en construction pour apprécier le processus du dessin de l'artiste. 

C'est donc un constat en demi-teinte pour ce deuxième tome de Britannia, qui aura pour lui d'étendre son micro-univers avec l'arrivée d'Achillia, en tentant (brièvement) de faire évoluer Antionius sur l'aspect de sa paternité - une approche qui passe malgré tout à la trappe et sert surtout de leitmotiv dans l'intrigue - et de continuer de ravir les yeux avec une partie artistique provocatrice visuellement, pour peu que vous aimiez ce genre de spectacle. Mais une intrigue moins élaborée, qui perd de ses divagations fantastiques, et une écriture maladroite viennent ternir une lecture, qu'on préférera réserver aux fans les plus fidèles de Milligan. Pas désagréable, Britannia : ceux qui vont mourir a néanmoins du mal à tenir la comparaison face au premier volume.

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Arno Kikoo
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