Les grands événements éditoriaux ont des tie-ins - c'est le jeu, c'est comme ça. Dans le cas d'arcs estivaux aux proportions cosmiques (au sens noble, à savoir, qui jouent sur les lois du réel), on assiste parfois à de belles surprises. Le Flashpoint : Knight of Vengeance en était une. Le Spider-Punk aussi, récemment. Du côté d'Infinity Wars, il est apparu qu'un événement aura ouvert la possibilité à Marvel de "plier la réalité en deux", et donc, que le nombre d'être vivants sur Terre ou ailleurs soit réduit de moitié. Mais tous ne sont pas morts et n'ont pas disparu : leur essence a simplement fusionné, comme si deux personnages (et donc deux héros) avaient été mélangés, unis, et ce depuis toujours.
On assiste donc en se regardant dans le blanc des yeux à l'avènement d'Infinity Warps, où l'on s'aperçoit que le remplacement d'Axel Alonso par C.B. Cebulski était essentiellement cosmétique et que peu de choses ont changé chez Marvel depuis Secret Wars.
Cela étant, vous remarquerez que l'événement commence par Captain America, autrement dit le premier personnage historique de l'éditeur - un petit détail qui fait plaisir. Le héros bannière de Simon et Kirby a été mélangé avec le rejeton de Steve Ditko, Doctor Strange. Probablement pour la proximité de leurs noms mutuels, ou parce que Dormamu et Red Skull se mélangent bien. En attendant, retournons donc dans les années 1940, quand les Etats-Unis combattaient les fieffées légions des Forces de l'Axe et travaillaient en parallèle sur un sérum de super-soldat.
Gerry Duggan est à l'écriture de cette mini en deux numéros, qui ne se creuse pas beaucoup la tête. Complètement perméable même sans avoir lu Infinity Wars, on assiste à la réécriture des origines de Cap - plus qu'à celles de Doctor Strange - qui troque le bouclard et l'uniforme classique pour une tenue hybride, les Howling Commandos pour les Howling Commandos of Moggoth et un adversaire évidemment mystique lui-aussi. L'ensemble est plutôt proprement illustré par Adam Kubert, qui trouve quelques bonnes façons de mélanger les deux héros mais c'est à peu près le seul intérêt du titre, qui ne défend jamais l'intérêt ou l'utilité de cette fusion au delà du gimmick et de quelques références.
Dormammu et le Red Skull fusionnent de leur côté pour devenir le Dormammu Red, ce qui a autant de logique que si une fusion du Green Goblin et de Galactus s'appelait le Galactus Green (ça matche aussi au niveau de dangerosité, vous remarquerez). L'histoire va vite et ne fait que répliquer les checkpoints habituels quand on raconte les origines de Cap, sans montrer l'intérêt réel de mélanger sorcellerie et seconde guerre mondiale. Ce qu'a fait pendant une bonne partie de sa carrière un certain Mike Mignola par exemple, y compris sur de petites histoires en one-shots.
Ici, ce n'est pas la taille qui pose problème - au contrairement, on aurait même tendance à se dire que ce côté "personnage jetable" serait une bonne occasion de se défouler ou d'aller très loin, très vite - mais plus la quantité de vide que contient le numéro. On ne s'amuse pas avec les idées de cette fusion, on se contente de relire une version alternée de l'histoire que nous connaissons déjà, sans surprises, folies ou envies - Gerry Duggan est dans un automatisme assez bestial, on a l'impression de sentir le canon que l'éditeur lui aura mis sur la tempe pour exécuter cette commande, sans aucune passion ou intérêt de scénariste.
Et en définitive, c'est bien dommage. Chez DC Comics, on a pu assister par le passé à des exemples de fusions réussies, sur Speeding Bullets ou In Darkest Night. D'autres l'étaient moins, et il est aussi possible que Marvel ait lorgné du côté des différents Batmen de Metal pour s'inspirer de cette idée de fusion assez vendeuse pour le lecteur moderne. Cela étant, l'éditeur n'avait manifestement aucune idée par delà son gimmick, à moins qu'il ne s'agisse que d'une petite paresse de Gerry Duggan qui donne extrêmement peu pour le tie-in d'un crossover dont il a la charge.
Dans les événements éditoriaux de ce genre, il n'est pas rare qu'une pépite apparaisse parmi les parutions séparées faites pour vendre l'événement. Mais, pour une belle surprise on assiste généralement à une part conséquente de titres besogneux, automatiques et sans idées. Infinity Warps : Soldier Supreme #1 rentre dans cette catégorie, mais a en plus contre lui d'être le premier à défendre les couleurs de ce principe de fusions. Et sans surprises, au-delà de proposer un principe puéril - qui nous renvoie à d'autres tentatives éditoriales foireuses dans le même genre - on comprend qu'il n'y avait pas réellement de grandes idées derrière à part vendre du papier et éventuellement des goodies.