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Heroes in Crisis #1 : implacable impuissance du super-héros

Heroes in Crisis #1 : implacable impuissance du super-héros

ReviewDc Comics
On a aimé• King ne ment pas pour l'aspect de crise
• Le rapport froid à l'héroïsme
• Clay Mann en belle forme
On a moins aimé• Le côté anti-Rebirth
• Avait-on besoin de ce récit pour l'univers DC ?
Notre note

Au fil de sa montée en puissance chez DC Comics, Tom King aura mis du sien dans ses oeuvres. En lisant Batman ou Mister Miracle, mais déjà depuis Sheriff of Babylon, les thématiques du traumatisme, des troubles émotionnels, de la dépression, se sont retrouvés dans un ensemble cohérent. Et la poursuite de ces idées passe à présent par une entreprise éditoriale de plus grande envergure. Heroes in Crisis #1 est de sortie aujourd'hui, et la face de l'univers DC va s'en retrouver bouleversée.

Le nom de cet event à portée plutôt intimiste résonne comme celui d'Identity Crisis, récit à la fois célèbre et décrié de l'éditeur pour sa noirceur et ses évènements. A la lecture de ce premier numéro, on peut affirmer que Tom King marche dans les pas de Metzler. Le postulat est assez simple : la Trinité a créé un espace de repos pour les super-héros, le Sanctuary. Ici, les différents personnages peuvent récupérer, parler, soigner leurs troubles et traumatismes liés à leurs actions, aux combats incessants, à une violence qui ne s'arrête jamais. King pose un regard cherchant à explorer au mieux la réalité du super-héroïsme. Pour établir que l'héroïsme n'existe pas.


Le récit se découpe en trois plans d'action. D'une part, Booster Gold et Harley Quinn, tous deux semblants bien usés, dans un dialogue qui vire à un combat assez brutal. De l'autre, Superman, Batman et Wonder Woman se rendent à Sanctuary, et contemplent l'étendue d'un drame qui y s'est produit - et auquel Booster et Harley semblent liés. Enfin, des interludes nous présentent en confessionnal les résidents du lieu de repos, évoquant leur condition de super-héros, ou bien leurs petits problèmes liés à leur historique. L'ensemble ne va pas bien plus loin que cette proposition sous forme d'état de faits - c'est le principal reproche qu'on puisse faire à une histoire qui malgré tout, se veut choc.

Le terme de Crise est indicatif, et les lecteurs doivent s'attendre à un certain nombre de morts - et pas que de personnages secondaires dont personne ne se souvient. Certains fans seront certainement plus touchés que d'autre, notamment dans la représentation particulièrement cruelle pour l'un d'eux, et la tonalité froide de l'ensemble. King place des cadavres de façon brute, sans complaisance, mais avec une forme d'absence émotionnelle déconcertante. Superman, Wonder Woman, Batman sont mis face à une forme d'échec brutale, à tel point qu'il devient difficile de savoir ce qu'ils pensent. Parce qu'il s'agit ici d'encaisser, et que l'image, forte, a quelque chose de vain.


Avec Heroes in Crisis #1, c'est un pan entier de l'entreprise Rebirth qui trébuche - on attendra de voir la fin de la maxi-série pour voir si elle est détruite. Oubliez l'optimisme que voulait ramener Geoff Johns, oubliez cette volonté de ramener un super-héroïsme lumineux. Là, l'héroïsme est source de traumatisme, doit être maquillé à coups de costumes et de catchphrases pour se donner un sens, et King n'a cure des pouvoirs et des capacités : seule compte le côté faillible de ses personnages. Ce n'est pas qu'il faille de la noirceur dans ce super-héroïsme, c'est simplement qu'il n'existe plus. Il y a de quoi hurler après les efforts amenés il y a quelques années.Se pose une réelle question : a-t-on besoin de voir ces héros plus bas que terre ? Est-ce là ce qu'on attend véritablement d'une histoire. Les stigmates de King doivent ils s'appliquer à tout l'univers DC ?

En termes d'intrigue, l'ensemble est assez léger, et il faut apprécier un rythme décompressé à l'extrême, et aller glâner l'une ou l'autre information dans les dialogues. Heroes in Crisis s'oriente comme une enquête criminelle, et King reste économe. C'est sur la toute fin que se profile un début d'indice, mais la portée des évènements présentés est encore la porte ouverte à toute sorte d'interprétation : ce qu'il s'est passé est-il réellement arrivé ? Y a-t-il tour de passe-passe, manipulation ou autre ? L'ensemble peut-il vraiment devenir plus sombre ? Des questions légitimes, encore qu'à côté, la froideur de l'ensemble pourra amener des lecteurs à s'en distancier complètement. Une chose est sûre, l'ensemble est destiné à faire discuter.


Le point d'accord entre appréciateurs et détracteurs du numéro devrait se retrouver dans le dessin de Clay Mann. Déjà apparu sur le run de Tom King à plusieurs reprises, on retrouve l'artiste en grande forme. Alternant avec les gaufriers à neuf cases pour les séquences de confessions (les passages forcément réussis du numéro) avec une double page d'ouverture très élégante, Mann se montre doué de bout en bout. Qu'il faille faire des scènes simple, jusqu'à la représentation surprenante du Sanctuary, dont l'allure et les circonstances font lorgner du côté d'un film d'horreur, le trait est toujours détaillé, les pages sont remplies, et le style efficace. Les émotions ne sont pas forcément la force de l'illustrateur, mais les passages en face cam réussissent à communiquer quelque chose, en accord avec les dialogues de King. Un regard fuyant, une tête baissée ou des gestes des mains suffisent à dépeindre la détresse qui se cache derrière chacun. Une jolie démonstration, bien aidée par les couleurs de Tomeu Morey.

En l'état, Heroes in Crisis #1 a pour lui d'être beau et de remplir sa fonction d'introduction choc. King livre ce qu'il faut pour justifier le statut de crise, et livre un discours aux antipodes de ce que Rebirth devait amener à l'univers DC. C'est là dessus, et sur la nécessité de faire mourir certains personnages, que le lectorat risque d'être partagé, tant l'ensemble se révèle froid, brutal, King mettant en scène des personnages curieusement très distants. Le tout propose de bonnes idées (les confessions), une lecture qu'il faut encaisser et dont on peut encore se demander quel est le cheminement. Une ouverture réellement intéressante. Mais tout de même : tant de noirceur, c'était obligé ?

Arno Kikoo
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