L'éditeur américain Valiant aura connu ces dernières années une belle période éditoriale, avec des séries servies par des équipes créatives talentueuses, qui aura valu un certain nombre de nominations et de prix. Parmi ces séries, Faith, de Jody Houser, consacrée à la super-héroïne geek et ronde, sortant des carcans habituels des personnages féminins de l'industrie. Après son ongoing initiale, l'autrice revient avec Faith et la Future Force, mini-série parodique plutôt bien fichue à retrouver chez Bliss Comics.
L'un des intérêts de Faith Herbert en tant que personnage, outre son apparence physique, est son rapport à la pop-culture et au super-héroïsme, qui lui permet d'avoir un commentaire méta sur ses aventures. Le souci dans l'écriture de Jody Houser sur le précédent titre, c'est que les dialogues et les références étaient souvent amenées à la truelle - certaines des idées de la scénariste, pourtant bienvenues, marquaient également par un certain manque de subtilité, et le tout nuisait à l'ensemble de la narration. C'est peut-être le format qui veut ça, ou une prise de conscience, car Faith et la Future Force se fait bien plus plaisir de ce côté là.
L'idée est assez commune : une héroïne voyageuse dans le temps arrive dans le présent pour dépêcher Faith, puisqu'elle a besoin impérativement de son aide pour arrêter un robot qui menace de détruire toute la réalité - et l'humanité, donc, dans son passage. Ni une ni deux, Faith répond à l'appel, mais se rend bien vite compte que sa seule force ne sera pas suffisante. S'ensuit alors une quête qui va faire appel au reste de l'univers Valiant. Avec une structure répétitive qui rappelle Un jour sans fin, Houser s'amuse à faire quelques variations sur une même idée, en apportant ce qu'il faut d'humour et de dérision pour que les enjeux soient pris au sérieux, sans que l'histoire ne verse dans un premier degré qui aurait été inopportun.
Faith et la Future Force ne se veut en effet pas épique, mais se lit comme une sorte de parodie de ces nombreuses histoires de "voyager dans le temps pour sauver le présent" tels que les comics (Valiant y compris) nous apportent régulièrement. Par sa nature de fangirl (c'est Houser qui le dit), Faith s'amuse de la situation à force de références pop, ici distillées avec soin, et par un enchaînement de situations qui conduisent à un anti-climax très bienvenu, permettant à la méta-parodie de trouver une conclusion très satisfaisante. On ne vous en dira pas plus, mais contrairement à ce que la couverture sous-entend, il n'y aura pas ce type de grand affrontement, et c'est avec une bonne surprise que la scénariste conclut son histoire, qui ici trouve une certaine adéquation avec son format court de quatre numéros.
Houser n'oublie en effet pas, malgré ses envies de ramener plein de personnages de l'univers Valiant, que c'est à Faith et à sa façon de concevoir le super-héroïsme qu'il faut accorder le plus d'importance. En allant repêcher certains éléments de son précédent run, l'autrice réussit donc à se moquer (gentiment) des récits auxquels elle fait référence, faisant prendre directement à son personnage un certain recul sur des situations qu'elle a, elle aussi, déjà lues. Dans l'ensemble, on pourra arguer que Faith et la Future Force n'est pas non plus révolutionnaire, mais parmi toutes les histoires récentes consacrées au personnage, le niveau de lecture de celle-ci la rend parmi les plus agréables à lire.
Là où l'on pourra en revanche revoir la copie, c'est sur le plan artistique, qui pâtit d'une non unité graphique dommageable. On retrouve en effet quatre artistes qui se répartissent sur les quatre numéros. D'un côté, Stephen Segovia et Barry Kitson arrivent à s'accorder sur un style mainstream qui n'est pas des plus originaux, mais qualitativement solide - les traits de l'un et de l'autre s'accordent assez bien pour qu'on ne sente pas de disparité entre les planches. Mais la seconde moitié assurée par Cary Nord et Diego Bernard n'est clairement pas au même niveau. Par le trait et les couleurs, le dessin a d'une part moins de relief, et il sera assez aisé de voir que les artistes n'accordent pas le même niveau de soin, pour des planches qui restent lisibles, mais moins agréable à l'oeil. Non pas qu'il s'agisse d'une remise en question du style des deux artistes, mais ceux là ne sont pas forcément à leur place sur le titre - et c'est surtout la rupture d'unité graphique qui pose problème.
Faith n'aura pas toujours eu droit aux meilleurs histoires chez Valiant, mais Jody Houser livre une mini-série en forme d'agréable surprise. En utilisant correctement le côté nerd de son héroïne, le récit se présente comme une parodie d'event, avec un commentaire amusant porté au fil de l'histoire, qui se moque des codes du genre. Si l'on peut déplorer la rupture visuelle provoquée par un trop grand nombre d'artistes sur si peu de numéros, on apprécie de voir la scénariste s'améliorer dans l'écriture de Faith - de quoi attendre avec un petit enthousiasme sa prochaine mini-série, d'ici l'année prochaine (n'est-ce pas, Bliss ?).
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