Disclaimer : cette critique est basée sur les six premiers épisodes de Daredevil saison 3. Elle est garantie SANS SPOILERS.
Patience aura été le maître mot avant de pouvoir retrouver Daredevil, le premier venu des super-héros de la branche Marvel Netflix. La série aura brillé, largement au dessus de ses comparses, à la fois pour son écriture, ses antagonistes charismatiques et une réalisation qui se donne de la peine. Mais le sort du Diable de Hell's Kitchen avait été laissé en suspend après la fin de Defenders. C'est à présent le moment de retrouver Charlie Cox, et de se rappeler pourquoi, en 2014, l'univers Marvel Netflix nous faisait tellement rêver.
Il y a plus d'un an déjà, et avant qu'une scène post-générique d'Iron Fist saison 2 ne vienne nous donner quelques nouvelles, nous laissions Matt Murdock à un sort difficile, qui va remettre en cause bien des convictions. Lorsque Daredevil entame sa troisième saison, rien ne va plus pour l'avocat. Littéralement brisé, le héros va devoir remettre en question ses acquis, ses compétences, sa façon de faire et son soit-disant héroïsme, avant que la situation ne vienne par elle même le pousser à reprendre son activité. De l'autre côté, Foggy Nelson (Enden Helson) et Karen Page (Deborah Ann Woll) doivent poursuivre leur quotidien avec l'hésitation de croire leur ami mort, ou bien en vie. Quand Wilson Fisk (Vincent d'Onofrio), lui, s'apprête à trouver une façon de sortir de prison - et se venger de ceux qui l'y ont placé.
Les cartes sont donc ainsi distribuées pour une première moitié de saison qui met un peu de temps à démarrer - le temps de poser quelques pions supplémentaires, notamment certains nouveaux personnages de prime importance - avant de passer aux choses sérieuses. Qui là, rappellent aux spectateurs que Daredevil montre à ses conseurs qu'elle est à un niveau plus haut. Ce n'est pas une surprise, le casting se montre dans l'ensemble convaincant. Charlie Cox reste fidèle à son interprétation de Matt Murdock, mis dans des situations de plus en plus délicates. Rarement un héros n'aura été mis autant en difficulté sur le canal Marvel Netflix, et c'est cette capacité à se dépasser - à renaître, diraient certains - qui permet au personnage de s'imposer comme LE Daredevil qu'on veut suivre.
Chacun des personnages secondaires a droit également à ses sous-arcs qui arrivent à se mêler à un fil rouge sans qu'un côté superflu ne soit à déplorer, et la prestance de Vincent d'Onofrio confirme sa maestria dans l'incarnation de Wilson Fisk. D'un regard, d'un angle de caméra ou par sa voix rauque, on obtient un vilain qui en impose, et retransmet une réelle impression de danger - sa relation à Matt Murdock étant là aussi en évolution. Nouveau venu, Wilson Bethel confirme très rapidement un potentiel qui se développe au fur et à mesure de la saison, l'effort nécessaire étant fait pour développer son personnage, son historique, et ses motivations. Restent ça et là d'autres figures que l'on voit assez souvent dans les séries Netflix (les éternels agents du FBI) - encore qu'on retrouve aussi une dynamique plutôt intéressante pour l'agent Nadeem (Jay Ali), qui explore comme tant d'autres une thématique principale.
Il s'agit ici de zones d'ombre, car Daredevil se montre encore une fois très sombre dans son propos. Certes, Matt Murdock prend sur lui de son échec post-Defenders, et comme l'avaient montré quelques teasers, la remise en question s'accompagne également de la façon dont il doit mener son combat - en costume ou en civil, alors que sa foi elle aussi est mise à rude épreuve. De façon générale, cette saison joue avec les possibilités que chacun peut avoir à pencher vers un mauvais côté, qu'il le veuille ou non. Personne n'est à l'abri d'une erreur et du prix qui l'accompagne. En ce sens, les évolutions des personnages, avec des renvois à certains faits des précédentes saisons, permet d'apprécier une écriture sur le long terme, et une cohérence générale dans la démarche.
Ce qui ne veut pas dire que sur sa première moitié, Daredevil saison 3 n'a pas de défauts. Au contraire, on retrouvera certains écueils propres aux séries Marvel Netflix en général. Déjà, un démarrage vraiment poussif. Un rythme plutôt lent, qui disperse les séquences d'actions par de longs - et lents - dialogues. Une photographie générale qui manque de cachet, les filtres (jaunâtres) et le décor environnant décriant forcément le budget modeste de ce type de production. Ou une certaine pudeur à l'utilisation d'éléments visuels forts venant des comics. Mais Daredevil réussit à s'en sortir avec ces écueils, en transformant même certains en force.
Parce que la série va réellement emprunter, comme elle nous l'a déjà montré, son respect ou du moins sa connaissance des comics pour en tirer ce qu'il faut pour l'adaptation. Ces Matt Murdock, Foggy ou Wilson Fisk viennent du papier. On les connaît, les reconnaît, et le soin apporté à leur évolution et à l'écriture de leurs dialogues permet de faire passer ces moments plutôt lents. Parce qu'on se plaît à suivre des personnages bien écrits, tout simplement. La série fait également de sérieux efforts dans sa réalisation. Dans ses choix d'angles, l'utilisation de filtres, la façon de filmer l'action, il en ressort des idées, mises au service de la narration. Une empreinte visuelle marquée, et quelques véritables mouvement de bravoures, dont un plan-séquence de dix minutes qui fera très certainement parler de lui. La construction des épisodes alterne dans ses conclusions entre cliffhangers (efficaces au demeurant) ou moments plus posés.
Il sera difficile d'en dire plus pour garder un maximum intact pour votre découverte. Oui, l'inspiration Born Again se fait ressentir, mais Daredevil saison 3 n'en est pas une adaptation stricte, les emprunts divers permettant une intrigue propre - et qui n'est pas à l'abri de quelques grosses surprises, la tension atteignant un seuil déjà élevé à l'issue du sixième épisode. Ce dernier donne furieusement l'envie de découvrir le reste - et ça faisait longtemps qu'on avait pas eu envie de binge watcher du Marvel Netflix.
Sur cette première moitié, Daredevil saison 3 rentre dans l'arène pour nous rappeler qui sait faire le job. Parce qu'elle fait des efforts dans l'écriture de ses personnages, sait regarder vers le médium papier pour les développer. Parce que les sous-intrigues se mêlent habilement à un fil rouge qui gagne en intensité malgré un démarrage mou. Et parce qu'artistiquement, on retrouve des efforts sur l'image, sur les plans, sur la façon de filmer, qui laisse augurer d'une très bonne seconde partie. On se méfiera toujours du contrecoup, Daredevil étant connue pour ses saisons mi-figue mi-raisin (si vous me passez l'expression). Réponse nous sera donnée le 19 octobre. Vivement.