En parallèle de la trame principale de Spider-Geddon, les séries arachnéennes affluent en cette fin d'année. La proximité du long-métrage animé Into the Spider-Verse impose à l'éditeur d'amplifier la présence du ou des tisseurs sur les étals, et cette semaine se retrouvent dans les kiosques les titres Vault of Spiders #1 et Spider-Force #1. Deux déclinaisons différentes d'une même idée : proposer du Spidey alternatif, toujours plus de Spidey alternatif.
Vault of Spiders avait tout de la bonne idée, du concept dérivé pour proposer des lectures originales sur le mythe de l'araignée. L'idée est toute bête : une série anthologique regroupant plusieurs segments de différents Spider-gens issus du multivers, avec une équipe créative propre à chaque segment. Ce qui aurait pu être le Batman : Black & White du Tisseur se retrouve en définitive un joli coup d'épée dans l'eau, à moitié réussi mais loin d'être aussi généreux que le concept initial promettait.
Quatre petites histoire (deux de huit pages, une de cinq et une de six) peuplent ce numéro. Chacune raconte brièvement l'histoire d'un Spider-Man du multivers en particulier, avec les possibilités infinies des Terres perpétuellement plus nombreuses de la cosmogonie Marvel. Le Web Slinger, écrite par Cullen Bunn et dessinée par Javier Pullido, ouvre les hostilités. Un numéro conventionnel, propre à une certaine école de scénario et de dessins, celui des comics western du Golden Age, à l'époque où l'industrie résonnait plus en termes de chevaux que de Batmobiles et en termes de colts plus que de super-pouvoirs.
Le Web Slinger est une interprétation de Spider-Man s'il avait été inventé à cette époque, c'est pour cela qu'on a été chercher Javier Pullido, artiste au trait particulier qui imite ici la ligne claire des premiers temps de l'âge d'or. Avec ses limites : les cases de pensées n'échappent à l'habituel dégradé dégueulasse de Marvel (ce qui ajoute un effet numérique à cette adorable patine rétro'), on trouve des fautes de raccord dans le lettrage et la dernière planche est plutôt paresseuse. Néanmoins, dans l'idée d'une anthologie consacrée à Spider-Man, ce renvoi méta' à l'histoire des comics passe bien, avec l'avantage du Spider-Horse qui fait un café assez tonitruant.
S'enchaîne ensuite le meilleur segment de ce premier numéro, avec le brillant Jed McKay, l'une des rares têtes pensantes de l'événement à s'intéresser réellement aux possibilités du Spider-Verse, et Sheldon Vella, un artiste australien plutôt rare dans l'industrie, storyboarder à ses heures et connu pour avoir travaillé sur la série animée TMNT de 2012. Le numéro se consacre à une adaptation séquentielle du fameux tokusatsu de Spider-Man produit par la Toei. McKay s'adapte (à la lettre) aux codes d'écritures fantasques de la série d'origine, tandis que Vella va imiter le style d'un manga de robots géants à la perfection. Ce segment complètement fou et extraordinaire dans ses visuels est un de ces ovnis que l'on ne trouve que dans les anthologies de ce genre, et il mérite de vous faire feuilleter le numéro à lui seul.
Les deux autres passages ont moins d'intérêt : un segment Ready Player One où Spider-Byte empêche les gold farmers de piquer l'argent des abonnés, dans une sorte de grand simulateur de réalité virtuelle, le second imagine ce qui se serait passé si Peter Parker, enfant, était tombé dans la jungle du Savage Land à la place de Ka-Zar et avait été élevé non pas par des lions mais par de mortelles araignées. Les deux passages souffrent du même problème : un manque total de place, dans un numéro à trente pages qui ne se laisse la place que de pitcher des héros sans raconter de réelle histoire autour d'eux. Un concept comme le Spider-Byte mériterait à lui seul une bonne dizaine de pages pour comprendre les enjeux ou le contexte général.
Ce premier numéro souffre d'un énorme déséquilibre en terme de place et de conception : deux numéros seulement pour cette mini, soit même pas l'excuse de pouvoir retrouver plus tard le moindre de ces personnages. On sent un éditeur qui a sondé ses équipes créatives pour trouver des idées à développer en parallèle des très nombreux Spider-Men de l'event, avant de s'apercevoir que le marché était déjà chargé en termes de héros arachnéens. Là où l'occasion aurait pu être donné d'avoir de véritables petites histoires inventives centrées sur un pan particulier du multivers, les deux qui s'en sortent le mieux sont les récits méta' que l'on apprécie plus pour l'hommage que pour la qualité stylistique. Autrement dit, l'éditeur n'a pas compris ce qu'il cherchait à mettre sur le marché.
Cela étant, l'idée a tout de même du bon, et vu l'aspect ludique du concept on ne serait pas forcément contre la retrouver sous une autre forme, ou avec d'autres héros. Mais Vault of Spiders se heurte à des limites physiques, de la vraie vie, comme le fait qu'il est difficile de raconter à la fois une aventure isolée et l'origin story d'un héros en moins de six pages sans risquer de bâcler. Avec quarante huit pages ou seulement trois histoires en stock, l'idée aurait probablement tenu, mais le simple fait que Marvel ne propose que deux numéros de cette série est explicite sur les ambitions déployées : avoir un back up rigolo à mettre en bonus de l'édition reliée de Spider-Geddon (voire entre les numéros Edge of), et sans plus. Comme souvent, les auteurs ne sont pas en cause, mais on retombe sur la même politique jetable qui a aussi conduit la maison à produire les affreux Infinity Warps.