Après avoir servi de prophète à l'entité maudite Barbatos au sein de l'event Dark Nights : Metal, l'incarnation la plus populaire des Dark Knights, le terrifiant Batman Who Laughs, s'offre une nouvelle aventure en (quasi) solo. Puisque ses apparitions ça et là dans d'autres titres récents ne suffisaient pas, Scott Snyder lui accorde cette mini-série en six numéros et retrouve l'un de ses collaborateurs favoris, Jock, pour un titre à visée horrifique. Mais l'histoire sera-t-elle à la hauteur du prétexte éditorial ? Ca tombe bien que vous posiez la question, on en discute ci-dessous.
Contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre, le BatmanWho Laughs n'est pas le narrateur de cette histoire, comme il pouvait l'être à certains moments dans Metal. Il fera plutôt figure de croque-mitaine, un choix scénaristique à défendre, pour se concentrer sur une nouvelle enquête de notre Batman local, celui qui à côté est en train de partir en vrilles sous la plume de King. Admettons par ailleurs que cette histoire se détache de ce qu'il se fait du côté du scénariste pro-dépression, pour ne pas se poser de futiles questions de continuité - avec Snyder, vous en avez désormais pris l'habitude. De fait, Bruce Wayne tombe, à l'issue d'une haletante course-poursuite, sur ce qui semble être le cadavre d'une version de lui venue d'une autre Terre. A déduction rapide, c'est le plus sombre Batman du Dark Multiverse qui est donc à l'action pour un plan qu'on suppose naturellement diabolique - et l'affrontement à venir va pousser le Chevalier Noir dans de nouveaux retranchements. Encore.
Admettons qu'il est toujours difficile d'avoir un jugement définitif sur un seul numéro. Scott Snyder propose un début d'histoire qui n'est pas inintéressant dans le sens strict du terme, mais qui peinera à passionner rapidement en cours de lecture. On s'intéresse plus à l'intrigue de ce cadavre qu'aux quelques rebondissements proposés par la suite, bien que l'effet choc de certains passages fonctionnent plutôt bien. Le principal risque avec The Batman Who Laughs, c'est dans cette opposition qui se fait entre Batman et une version de lui-même décrite comme la matérialisation d'un "Batman gagne toujours". Snyder nous a déjà montré tout au long de ses écrits que sa version normale de Bruce Wayne était une sorte d'über-Batman, et l'on s'attend déjà à une utilisation de grosses ficelles, à tenter de deviner qui aura le plus gros "mais en fait j'avais tout prévu". C'est en tout cas ce qu'il en ressort au vu de certaines tournures présents dans la moitié de ce premier chapitre.
Le scénariste arrive malgré tout à poser une ambiance intéressante. Le partenariat avec Jock, qui avait donné le très bon Black Mirror ainsi que Wytches en indé', permet au duo de s'en remettre à une ambiance d'horreur. Le personnage du Batman Who Laughs profite de l'économie de sa présence pour en imposer sous le trait du dessinateur, qui magnifie son allure avec une utilisation de l'encrage maximale. Il s'agit de dépeindre un monstre, une forme de noirceur absolue, que même une lampe allumée à côté ne saurait effacer. La mise en scène de Jock fonctionne. On pourra déplorer une abondance de fonds remplis par des aplats de couleurs pas toujours recherchés - ou qui ne participent pas tant que ça à l'ambiance. Mais il y a de la recherche, soit pour rentrer dans l'horrifique, soit pour accompagner l'action quand elle est plus vivace.
On s'interrogera malgré tout sur les limites du Batman Who Laughs à perdurer au delà de Metal. Si le design, repris grossièrement par Greg Capullo des Dark Judges de Dredd, permet de produire une quantité de produits dérivés très aguicheurs, d'un point de vue narratif, Snyder va devoir faire quelques efforts pour convaincre. A cela l'ajout d'une sorte de Bat-Punisher, baptisé Grim Knight, dont on hésite à voir s'il s'agit d'une moquerie de DC par rapport aux versions plus violentes les unes que les autres qu'on nous sort en live action ou si Snyder est très premier degré là dessus.
Dans l'ensemble, The Batman Who Laughs est assez représentatif d'une nouvelle tendance au "dark" pas vraiment pertinente qu'on a vu revenir en force chez DC ces derniers temps. Gageons dès lors que le cliffhanger de dernière page ne soit pas qu'un simple effet de style, car la mini-série pourrait prendre quelque direction surprenante. On ne demande que ça, à être surpris.
On trouvera forcément du plaisir à retrouver l'association de Scott Snyder et Jock sur du Batman, notamment avec un Dark Knight comme forme ultime de boogeyman, et une ambiance horrifique qui sied très bien à l'équipe créative. En dehors de sa proposition d'enquête curieuse, ce premier chapitre a du mal à convaincre, de grosses ficelles se faisant déjà voir, et parce que l'opposition entre deux über-Batman ne semble pas être ce qu'il y a de plus intéressant à raconter. A surveiller malgré tout, ne serait-ce que pour la jolie patte artistique.
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