Précédé de gros succès critiques tels que Prez ou sa reprise des Pierrafeu au sein de l'écurie DC, Mark Russell s'impose comme un auteur à suivre de près dans l'industrie des comics. Alors qu'il proposait ses propres visions du Lone Ranger ou de Red Sonja à la concurrence, le scénariste intègre l'entreprise Wonder Comics lancée par Brian M. Bendis, avec un titre Wonder Twins on ne peut plus délicieux à bien des égards - mais qui ne réussit pas encore à être parfait.
Bien que la série animée Superfriends n'ait pas eu autant d'écho sous nos latitudes qu'aux US, les Wonder Twins n'ont aucun mal à se rappeler au souvenir des lecteurs et des anciens spectateurs de ladite série. Personnages de petite envergure et témoins d'une époque kitsch désormais révolue, les jumeaux Zan et Jayna ont pour la première fois droit à leur propre titre, dans lequel Mark Russell va jouer avec l'intégration formelle des personnages dans le canon actuel des publications DC, sans perdre de son humour ni d'un sous-texte engagé qu'on ne lui connaît que trop bien.
Satiriste au départ, Russell choisit de prendre plus ou moins au sérieux ces deux personnages aux pouvoirs un poil particuliers (Jayna peut se transformer en n'importe quel animal - ça passe - et Zan se transforme en eau, sans utilité apparente, façon Les Incroyables pouvoirs d'Alex). Venus d'une autre planète, les deux adolescents vivent sur Terre et doivent s'intégrer dans leur lycée, tout en faisant une sorte de stage d'observation au sein de la Justice League - là où on ne leur accordera que peu d'importance, puisque c'est à la charge des adultes de s'occuper des choses sérieuses.
Face au caractère désuet des Wonder Twins, le scénariste livre une parabole efficace sur l'adolescence et ses travers. On y voit facilement le regard de deux adolescents qui tentent de se fondre dans la masse. S'intégrer à un groupe, se trouver un surnom cool, mais aussi les moqueries et les aléas de la puberté trouvent un écho parfois drôle, parfois douloureux. Un ensemble qui témoigne toujours d'une certaine finesse dans l'écriture, par un humour qui appuie sur des choses que chacun aura eu à traverser dans sa vie. Dans un processus d'humanisation jusqu'au-boutiste des icones DC, Russell explique que se sentir à part n'est pas une fatalité, et que même ceux qu'on croit être aujourd'hui les personnes les plus importantes ont eu des travers à un moment donné de leur plus jeune vie.
Wonder Twins #1 a donc ce mélange de sérieux et d'humour qui permet de rendre le duo de héros crédible sans qu'on sente une tentative forcée de "moderniser" les personnages outre mesure. Un titre un peu à part qui pose malgré tout la question du lectorat à qui il se destine. L'auteur le disait lui même, c'est une série qu'il aurait aimé pouvoir lire à l'âge qu'ont ses protagonistes principaux - en soi, une initiative louable puisque DC comme tout autre éditeur doit séduire un public plus jeune pour perdurer. A voir si la cible peut s'y retrouver, quand une partie du lectorat préfère se réfugier dans des tonalités plus "matures" (alors que le discours là témoigne d'une maturité également - mais vous aurez sûrement compris le sens des guillemets).
A côté, le dessin de Stephen Byrne est dans la tonalité du script de Russell. Comprendre que le dessinateur est identifié dans un style "jeunesse" qui lui réussit plutôt bien. Le dessin utilise un encrage marqué sur les contours pour faire ressortir les personnages de décors un peu fades, mais c'est surtout dans la mise en scène que Byrne ne semble pas faire énormément d'efforts. Un découpage classique - qui reste lisible, évidemment, mais manque d'une certaine force supplémentaire dont le titre pourrait avoir besoin. Les personnages sont expressifs et les couleurs apportée par Byrne également, donnent un effet assez lisse et propret à l'ensemble. En soi, Wonder Twins #1 se montre assez joli dans l'ensemble avec le soin apporté sur les protagonistes - mais ce n'est pas parce que le script ne cherche pas à faire du blockbuster qu'il faille limiter les efforts sur la partie artistique.
Sans trop de surprises, Wonder Twins #1 ne déçoit pas. Mark Russell réussit, toujours avec sa touche humoristique, à livrer un discours doux-amer sur l'adolescence, en ramenant à échelle humaine les figures super-héroïques de l'univers DC. Si ce n'est pour une partie graphique pour laquelle Stephen Byrne pourrait faire plus d'efforts, le titre montre l'importance d'un imprint Wonder Comics au sein des publications DC, notamment pour cette tonalité qu'on ne retrouve que peu ailleurs. Reste à voir si la série réussira à trouver son public cible, pas forcément la première clientèle des comic shops aux US.