En attendant quelques séries récentes venues de chez Valiant et le prochain projet hors-collection, l'appétissant Kaijumax (dont on vous reparle bientôt), Bliss Comics profite de ce début d'année pour nous proposer quelques titres sortis juste en amont de son arrivée sur le marché. Avec Dead Drop, c'est d'une nouvelle exposition que le scénariste Ales Kot (Generation Gone, Bloodborne) profite en ce moment. Alors scénariste montant (et désormais bien reconnu), Ales n'avait à son actif qu'une petite participation à Shadowman. On lui confie alors cette mini-série, un thriller musclé d'apparence qui se transforme en exercice stylistique on ne peut plus réussi. Explications.
Dead Drop est une course contre la montre, littéralement. Un virus mortel et d'origine alien se balade dans la ville de New York, et d'ici une demi-heure, une épidémie d'ampleur immense pourrait survenir. Neville Alcott, agent du MI-6 (et patron de Ninjak) dépêche plusieurs agents (plus ou moins) qualifiés pour empêcher une catastrophe de se produire. X-O Manowar, Obadiah Archer, Beta Max et l'inspectrice Cejudo (ces deux derniers nous provenant de la série Quantum & Woody) vont tour à tour intervenir, au sein de quatre numéros aux styles radicalement différents. Mais avant d'aborder ce point, notons qu'avec ce choix de quatre personnages, et la nature "complète" du récit, Dead Drop réussit aisément à se faire un point d'entrée pour l'univers Valiant. Ales Kot réussit à chaque numéro à montrer ce qui fait le sel de ces personnages, de quoi inviter à poursuivre la lecture de votre héros préféré dans d'autres séries.
On le disait il y a quelques lignes, chaque numéro possède son identité propre, bien que chacun se connecte à l'autre pour former un tout cohérent, avec une intrigue qui ne perd pas son temps. Le démarrage est là où l'action se fait la plus intense, avec une course-poursuite qui fait intervenir X-O Manowar, mêlant échanges de coups et séquences de parkour, au sein d'une New York en véritable jungle urbaine. Par la suite, la poursuite se continue mais dans une optique plus humoristique avec Archer, dans un passage où Kot joue avec la temporalité, là où l'ouverture se faisait plus linéaire. Il en va de même pour les deux autres numéros, où enquête et révélations alternent avec des passages plus réfléchis - on s'aperçoit en fait que le thriller se fait de plus en plus calme, à mesure que les enjeux se font de plus en plus graves.
C'est là une grande qualité de l'écriture d'Ales Kot, qui se joue des codes du récit d'action pour inciter le lecteur à revoir ses positions, à ne pas prendre pour acquis ce qu'on lui dès le départ. Une réflexion menée par la voix des personnages, et par un déroulé qui montre qu'il n'y a pas besoin de climax épique au possible pour avoir une histoire dans un univers super-héroïque qui se laisse apprécier. L'amorce de départ, avec les personnages les plus connus - et les plus vifs - permet d'accrocher le lecteur, pour le laisser ensuite avec ceux qui sont moins en vue, et qui sont pour le coup les plus intéressants, le numéro consacré à Bêta-max offrant le meilleur de ce que protagoniste, atypique, a à nous offrir.
L'exercice de style se veut bien accompagné par Adam Gorham, qui s'occupe de la partie artistique, et offre à chacun des chapitres quelques expérimentations bienvenues, pour accompagner le script de Kot. On constate au fil des chapitres une envie de ne jamais être monotone, à force de découpages qui changent du tout au tout, pour hacher la narration quand il faut, l'accélérer au besoin. Dans la course poursuite, les personnages s'élancent et sortent (littéralement) des cases, l'action est détaillée en plans par plans, et Gorham joue avec la verticalité permise par la ville de New York. De fait les yeux sont littéralement happés là où l'artiste veut vous entraîner - une bien belle maîtrise du storytelling.
Le dessin de Gorham n'est peut-être pas parfait - si tant qu'une telle chose existe. On retrouvera sur certaines planches un dessin fait avec moins d'attention, parfois un découpage un poil chargé, mais l'artiste compense avec un trait vif, et quelques fulgurances dès lors qu'on rentre dans un registre de science-fiction. Sans trop en dire, certains designs présents dans l'album sont simplement géniaux, et participent à la diversité visuelle que propose l'album. Il y a de l'inventivité jusque même dans les pages de garde de chaque chapitre, où le lieu de l'action de chaque page se retrouve placé sur une carte de New-York ! N'oublions pas par ailleurs de noter la colorisation de Michael Spicer qui offre un relief très appréciable sur les dessins de Gorham.
En définitive, on ne trouvera que deux reproches à faire à Dead Drop. Malgré l'intelligence de sa construction, le récit se montre un peu court, et doit composer avec quelques accélérations brutales - des zones de flou qui gênent un peu la fluidité du déroulé. Qu'à cela ne tienne, si Dead Drop reste assez mineur dans son importance vis à vis du reste de l'univers Valiant, la facilité avec laquelle Kot et Gorham nous invitent à découvrir ses personnages par leur approche, en se jouant des codes de l'actioner linéaire, démontre des talents respectifs de chacun.
Loin des grosses intégrales qui font sa renommée, Bliss Comics prouve avec Dead Drop que la taille ne compte pas. Avec quatre numéros, Ales Kot se livre à un bel exercice stylistique pour une histoire simpliste d'apparence, qui surprend pas son déroulé et une construction de chapitres atypique. Servi par la prestation d'un Adam Gorham qui se donne du mal pour ne jamais être monotone, l'ouvrage, quoiqu'un peu court, fait partie des belles mini-séries que Valiant nous propose de temps à autre.
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