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Batman Who Laughs - The Grim Knight #1 : Quand Eduardo Risso repeint sur Frank Miller

Batman Who Laughs - The Grim Knight #1 : Quand Eduardo Risso repeint sur Frank Miller

ReviewDc Comics
On a aimé• Les superbes peintures de Risso
• Déconstruction de Year One et du Batman de Miller
• Jim Gordon en super-vilain
• Avec Batman Who Laughs, le meilleur numéro des Dark Nights
On a moins aimé• On aurait pu se passer de la partie tie-in
• On aurait même pu se concentrer sur les origines du Grim Knight
• On aurait même pu en faire une mini-série !
Notre note

En parallèle de la mini-série Batman Who Laughs, Scott Snyder a glissé dans les interstices une énième déclinaison de sa folie vengeresse. Beaucoup de lecteurs vous le diront, il arrive parfois que certains numéros isolés aient plus à proposer que l'arc tapageur d'où ils jaillissent, presque naturellement. Prenez le Batman : Knight of Vengeance de Flashpoint pour vous en convaincre, et gardez la chauve-souris en tête pour cette analogie. Habituel fournisseur d'elseworlds réussis où il endosse parfois le rôle d'autres héros connus, tels que Speeding Bullets ou In Darkest Knight, deux versions alternatives réussies mêlant le justicier à Superman ou Green Lantern, Batman peut se décliner, n'importe comment. C'est son super-pouvoir à lui : rester fascinant, même, ou surtout, dans le bizarre.

Avec l'arc Batman Who Laughs, Scott Snyder amenait un autre chevalier noir né des cauchemars matérialisés de Bruce Wayne vers une réflexion qui n'a eu de cesse de faire couler l'encre des analystes, des fans et des artistes depuis des générations. Et si Batman n'avait subitement plus peur de tuer, débat intemporel, mais rarement opéré en sujet d'une oeuvre tant le personnage et son refus des armes létales sont devenus, passé les premiers temps de Detective Comics, indissociable de sa bonne action. Snyder, fou furieux notoire dès qu'il s'agit de briser un interdit, a décidé de donner corps à cette réflexion en faisant du Grim Knight le gimmick, l'intérêt de cette nouvelle mini-série, un Batman à la Punisher, qui trouve dans le costume et le flingue la réponse à son deuil et à sa folie justicière. 

 

Comme souvent, le scénariste est bien accompagné aux dessins. Avec son disciple James Tynion IV, devenu vétéran de l'écriture de Gotham City après un passage plutôt agréable sur Detective Comics, l'équipe d'écriture trouve chez Eduardo Risso l'élément graphique qui manquait aux précédentes séries consacrées aux Dark Nights, ces versions cauchemardesques de Bruce qui imitaient les héros de la Justice League. L'idée était bête (mais marrante, mais bête) et ne servait qu'à justifier une grosse bagarre où Batman pourrait affronter chaque membre du panthéon des grands héros de DC. Comme ça, on savait qui était le plus fort et on était contents, avant de se rappeler que l'âge adulte avait plus à offrir, et on devenait tout à coup tristes et désemparés. Le Grim Knight est différent : il naît réellement de cette réflexion, de cette idée de ce que Batman serait devenu s'il n'avait pas eu peur des armes à feu. Et pour cause, on va choisir de le suivre dès ses origines, dans un récit qui réplique un canon d'écriture très connu.

Le numéro est construit comme un tie-in à la mini-série Batman Who Laughs, plutôt dispensable sur le plan des faits. On se contente de suivre Jim Gordon, fait prisonnier par le Grim Knight, et leur dialogue pendant que le vilain l'emmène à son repaire. C'est sur cette couche dispensable que se développent les origines du Bruce Wayne version NRA, où Eduardo Risso troque ses crayonnés (utilisés pour les séquences au présent) contre la peinture, avec un style que beaucoup avaient adoré dans A True Batman Story de Paul Dini.


Snyder et Tynion IV vont aussi assouvir une pulsion personnelle qui les démangeait depuis un bail. Passer par-dessus Frank Miller, par-dessus Batman : Year One et Dark Knight Returns, ou du moins en partie. Les merveilleuses planches de Risso traversent ainsi les cases cultes de David Mazzucchelli par une série de renvois parodiques, déconstruits. L'idée est toute bête, toute simple, et passe d'autant mieux que la présence du flingue ne gêne pas, en définitive, ces scènes que l'on a déjà vues. L'artiste s'épanouit dans cette superbe imitation, et le premier intérêt du numéro reste évidemment le dessin.

Grim Knight va cependant un peu plus loin, en assumant l'idée que si Batman tuait, les limites dans lesquelles il cadre son action de justicier seraient forcément différentes. Le fait de ne plus avoir peur d'employer tous les moyens possibles, ou de ne laisser personne lui barrer la route, évolue en une sorte de parodie du Bruce Wayne totalitaire de Dark Knight Strikes Again ou de celui de Holy Terror, en empruntant à d'autres versions plus calculatrices du personnages, telle que celle de Kingdom Come où le héros tient Gotham sécurisée par une armée de drones empêchant tout crime de se produire. 

Plus simplement, le fait que le jeune Bruce ait tué lui-même Joe Chill lui aurait appris à se faire justice lui-même, et à s'éloigner du système classique pour lequel il n'aurait pas la confiance du Batman authentique, qui s'est toujours vu comme le prolongement de l'action des flics et des tribunaux. Ici, la chauve-souris assouvit à la fois un fantasme des défenseurs du Second Amendement, et une masturbation sécuritariste façon surveillance de masse et tolérance zéro. D'aucuns diront que "ça ressemble à du Death Note", ils n'auront pas tort mais seront quand même super relou'.


A partir de là, le numéro a surtout l'intérêt de rappeler pourquoi Batman ne tue pas, et pourquoi un esprit aussi tactique, intelligent et planificateur serait forcément amené à devenir un super-vilain s'il s'orientait vers un idéal de justice expéditive, en devenant lui-même le bourreau. Le numéro comprend d'ailleurs assez bien cette morale puisque, celui qui devient la véritable némésis de ce Batman là est en définitive un flic, et le seul bon flic de Gotham City. L'allégorie de la corruption étant renversée, Gordon est brillant dans ce rôle, et on aimerait en voir plus dans une mini où Risso aurait le temps de reprendre d'autres scènes de Year One pour se régaler un peu les yeux.

En dehors de ça, on pourra évidemment reprocher à Snyder de tirer sur la corde de cette idée de Batman maléfique, encore et encore. Particulièrement après l'avalanche de mauvais titres nés de ce concept. La différence est que Grim Knight interroge (bien) la symbolique du personnage, et arrive, en peu de pages, à rappeler le danger inhérent d'un héros armé. Plutôt sobre dans sa façon de peindre le vilain, le numéro agit comme une réponse inversé à des débats qui auront recommencé de plus belle par le biais du cinéma, et comme une parodie des héritiers de Frank Miller et de son Batman jusqu'auboutiste. En un sens, le numéro est d'ailleurs le meilleur hommage possible à l'écriture, souvent contestée, de l'homme au chapeau. En grossissant la limite qui existe, de fait, entre un Batman plus violent mais qui n'a pas renoncé à son idéal, et un Batman qui brise sa propre symbolique en devenant rien d'autre qu'un super-vilain. 

La métaphore fonctionne aussi parce que le monde qui nous est montré paraît crédible, là où les Dark Nights précédents allaient maladroitement vers l'idée qu'un événement traumatique avait rendu Bruce fou, ou corrompu par un pouvoir quelconque. Prenez celui sur le Batman-Green Lantern : le principe est le même, le gamin tue Joe Chill et vire de bord. La différence est dans l'exécution ou la capacité de l'écriture à rendre cette histoire crédible, passé le gimmick du "il nous faut un vilain Batman balaise pour taper sur la gueule du vrai, parce que c'est ça que les gens veulent". Ici, l'évolution paraît logique : après avoir débarrassé Gotham de ses super-vilains, la psychose qui pousse le héros à se costumer l'aurait logiquement mené vers une action plus massive. Et puis les milliardaires et la surveillance, ça va ensemble, c'est connu.

 

Bien entendu, on aurait tout de même tort de s'emballer : c'est joli et on peut s'amuser à analyser ou décortiquer les métaphores, mais l'ensemble reste un numéro assez facile qui donne des réponses plutôt simples et peu nuancées à un problème récurrent. Mais le résultat aurait pu être tellement grossier,  le stéréotype aurait pu être tellement facile ou neuneu que ce Grim Knight n'en ressort que plus agréable par des choix finalement assez sobres, un travail esthétique méticuleux et une histoire qu'on jurerait sortie tout droit d'une bonne mini' du Bronze Age. On regrette en définitive que ce ne soit pas le cas. Finalement, c'est plutôt la connexion à l'histoire principale qui gâche le numéro, là où on aurait aimé un Knight of Vengeance 2 avec une mini en trois sur le concept que l'on aurait pu ranger dans le rayon elseworlds de sa bibliothèque. Il en reste finalement un bon numéro, peut-être la meilleure origine des Dark Knights avec le Batman Who Laughs, et le rappel qu'Eduardo Risso marche sur l'eau, plane dans les airs et tire des lasers avec les yeux. Encore une bonne denrée à consommer ce mois ci.

Corentin
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