Fort d'une popularité d'importance depuis son introduction dans Captain America : Civil War, le jeune Spider-Man incarné par Tom Holland s'offre en ce début d'été une nouvelle aventure en solo, toujours sous la caméra d'un Jon Watts bien décidé à reproposer sa formule de teen movie sincère, avec les obligations pour le film d'aborder les conséquences d'un Avengers : Endgame encore assez frais, et l'envie de nous faire voyager aux quatre coins de l'Europe. Au sortir de la séance (le film sort en France le 3 juillet prochain), on attestera que les films Spider-Man comptent parmi les plus sympathiques de l'univers Marvel Studios, malgré un manque d'entrain évident.
Spider-Man : Homecoming faisait la part belle à l'apprentissage de Peter Parker avec son mentor Tony Stark. Ce dernier désormais absent, c'est au jeune homme de s'émanciper et de s'affirmer en tant que nouveau super-héros "officiel" de New-York. Son rapport à Iron Man se montrera présent tout au long du film. Preuve est qu'en l'absence de Robert Downey Jr., il faudra encore revenir à sa mémoire avant que le MCU ne puisse encore entamer une véritable nouvelle phase. Quoi de plus logique pour un film qui se doit d'être l'épilogue de cette grande "Infinity Saga" ? A cet égard, Jon Watts et ses équipes n'hésitent pas à aborder frontalement les conséquences d'Endgame, notamment le fait qu'une partie de l'humanité ait vieilli de cinq ans alors que ceux revenus une fois le "Snap" annulé n'aient pas bougé d'un iota. Le hasard faisant bien les choses, seuls quelques camarades de classe de Peter auront vieilli, mais le casting secondaire essentiel (Ned, MJ) ayant été aussi "blippé", on se retrouvera avec des visages déjà bien connus. Une jeunesse qu'il était sympathique de découvrir il y a deux ans, mais qui se montre moins convaincante dans Far From Home, peut-être à cause de ses thématiques abordées.
Parce que l'on parlera beaucoup d'amour dans ce film. Toujours décidé à faire de ses Spider-Man des teen movies, le voyage scolaire organisé pour la classe de Peter Parker permet à ce dernier d'élaborer tout un plan pour conquérir le coeur de MJ (Zendaya, qui livre une performance en demi-teinte), tandis que Ned souhaite lui explorer l'amour d'une autre façon - avec un arc narratif qui force sur les clichés, au début avec le sourire, mais par la suite avec un quelques soupirs. La romance est au coeur du film, avec son lot de quiproquos, de rivalités et autres triangles amoureux, un Tom Holland qui n'a qu'une seule idée en tête : faire avancer sa vie sentimentale, au détriment de sa fonction super-héroïque. Mais le costume ne peut traîner bien loin, puisque le danger va se dresser sur le chemin de l'adolescent.
De mystérieux Elementals font en effet leur apparition aux quatre coins du globe, et faute de super-héros en place, Nick Fury (Samuel L. Jackson, toujours aussi patronnant) n'a d'autre choix que de faire appel à Spider-Man, quitte à hijacker son périple scolaire. L'occasion aussi d'accueillir en renfort un certain Quentin Beck, qui a perdu sa Terre face aux attaques de ces Elementals, et qui se trouve rapidement le surnom de Mysterio. Il est incarné par un Jake Gyllenhaal dont le charisme ne compense pas un jeu d'acteur en deçà de ce qu'on lui connaît. La première moitié du film suit donc un parcours très balisé, où l'on ira de ville en ville avec un enchaînement de séquences façon comédie romantique, puis de grands moments d'action, et si le tout se montre agréable à l'oeil, il faut avouer que la surprise n'est pas au rendez-vous. Le déroulé s'améliore par la suite - on n'oserait en dire plus vis à vis des spoilers. Disons que le lectorat habitué des comics ne sera pas déstabilisé par certains rebondissements.
Bien qu'il accumule les lourdeurs dans sa façon d'aborder la romance, et un humour qui pèse à cause d'une écriture pas toujours réussie (les professeurs de Peter Parker sont franchement gênants), le film de Jon Watts ne rompt pas la promesse qu'il faut attendre d'un nouveau film Marvel Studios. Comme le précédent opus, on sent l'amour et une certaine forme de sincérité pour les personnages. Si Mysterio n'est pas toujours le mieux joué et que ses origines diffèrent (forcément) des comics pour mieux coller à la diégèse du MCU, le traitement du personnage se veut proche des racines papier, (et surtout : ce costume, le fish bowl!) et les capacités de ce dernier permet d'offrir les meilleures séquences du film, venant rappeler la force et la magie que le cinéma peut apporter. Sans avoir le niveau d'un Vautour, ce Mysterio reste donc dans le haut du panier des vilains de Marvel Studios, ne serait-ce que par le fait de ne pas coller au précepte du "vilain qui a les mêmes super-pouvoirs que le héros".
La caméra de Jon Watts ne fait pas de merveilles, mais le réalisateur sait se montrer habile dans les passages les plus explosifs,et tente de rendre compte de la souplesse et des capacités de voltige de ce Spider-Man, bien que l'on regrettera encore une fois de ne pas profiter d'envolées entre les gratte-ciels de New-York. Non pas que les rues de Venise, Prague ou Londres n'aient pas leur charme, mais on en croirait presque que cet aspect là du Tisseur ne veut être montré. Élément à mettre en face d'une certaine générosité avec le personnage et ses costumes, qui ont fait grand part de la promo, et qui participent à la construction de Peter en héros, qui s'assume, et qui prend ses responsabilités alors qu'Iron Man est désormais absent. En ce sens, le parcours du héros fait un vrai bond en avant, d'autant plus au vu des conclusions du film. Ce sont d'ailleurs les scènes post-génériques qui seront certainement les plus excitantes pour le public - ce qui n'est pas forcément le meilleur argumentaire pour le reste du film.
Spider-Man : Far From Home se laisse donc agréablement regarder, mais d'un oeil assez distrait. Passé le fameux rebondissement évoqué auparavant, le scénario file en ligne droite et les scènes s'enchaînent très simplement - une fois de plus, il ne faudrait pas songer à être trop surprenant. N'espérez donc pas de réelle tension même dans le dernier acte. L'humour manqué, la lourdeur des intrigues amoureuses, et le manque de surprise pourraient entacher le plaisir de visionnage. Jon Watts sait faire du blockbuster mais ne le transcende pas, et comme souvent avec les films Marvel Studios, on s'intéressera plus à ce morceau d'histoire dans son ensemble et à se poser des questions sur "l'après", plutôt qu'apprécier simplement le film pour lui-même.
Vous souhaitez prendre l'ombre avec un blockbuster estival ? Spider-Man : Far From Home est là pour vous. Rejouant avec les codes du teen movie façon comédie romantique, hélas de manière assez lourde, le second film de Jon Watts sur Spidey fait bien progresser sa trame personnelle et son rapport à son défunt mentor, afin d'en faire la figure de proue d'une future nouvelle équipe d'Avengers. Avec un Mysterio proche des comics, de l'action à gogo et un caméo proprement incontournable, il y a de quoi se satisfaire d'un film qui, une fois de plus, rentre dans les cadres de cette "formule" Marvel Studios sans jamais chercher à s'en démêler. Mais si le job est fait, il n'y a pas de raison de s'en plaindre, n'est-ce pas ?