Espérant que son expérience personnelle serve de guide préventif aux autres scénaristes éventuels de la communauté LGBT cherchant à se faire une place dans l'industrie, le créateur est revenu sur l'affaire
Iceman, et les difficultés de son statut auprès des éditeurs de
Marvel. Un long billet d'humeur revenant, entre autres, sur le harcèlement des communautés d'extrême-droite dans le lectorat américain, l'accompagnement éditorial ou la difficulté générale de la Maison des Idées à traiter ce bouquin comme une série parmi tant d'autres.
"Ça n'a pas été une surprise, d'être pris pour cible par les trolls ou les fans irrités en acceptant ce job. Il y avait déjà quantité de réactions négatives sur la façon dont Marvel avait décidé de présenter le coming out d'Iceman, et ils sentaient le besoin en interne de calmer le jeu en assumant cette décision. Avec le temps, je pourrais presque rire des commentaires de ceux qui espéraient que ma mort [pourrait "purifier" l'industrie (ndlr : Diversity & Comics)], de ceux qui disaient que mon bouquin allait leur refiler le sida, ou qui insinuaient que j'étais un violeur potentiel... Je pourrais presque en rire."
Grace a ensuite disparu du radar de Marvel pour s'orienter vers Boom Studios et Archie Comics sur différents titres, contre l'espoir de se voir proposer autre chose pour la Maison des Idées que la case du personnage gay - une revendication qui évoquerait la prise de position de Christopher Priest sur un sujet similaire, les scénaristes noirs à qui l'on ne confie que les séries ayant pour personnage principal un personnage noir.
"Entre l'annulation de la série Iceman et la relance qui aura suivi, Marvel m'avait contacté en m'expliquant qu'ils avaient remarqué les menaces que j'avais reçues sur Twitter (mais quand même après m'avoir demandé de prouver que ce harcèlement était réel). Un éditeur m'a appelé, parce que ce genre de conversations a toujours lieu par téléphone, pour me proposer des 'astuces ou des méthodes' pour parer à ces menaces virtuelles. Je l'ai interrompu. Tout ce qu'il allait me dire, c'était de me défendre tout seul, par moi-même.
Or, j'avais besoin que Marvel me soutienne à ce moment là, en me proposant par exemples d'autres possibilités de boulot, pour prouver aux trolls que je n'avais pas été engagé que pour remplir un quota de diversité. 'On pensera à toi pour autre chose'. Cette phrase m'a découragé.
En tant que créateurs, nos employeurs, les grosses corporations, nous encouragent à créer des pages ou des comptes sur les réseaux sociaux pour promouvoir nos projets de work for hire. Mais quand vient le moment de soutenir ou de défendre notre travail, ils sont les premiers à s'enfuir en courant."
Le cas de la série
Iceman évoquerait en filigrane celui de
Mockingbird et
Vision, de
Chelsea Cain.
Harcelée sur les réseaux sociaux suite à l'écriture du titre mettant l'espionne en vedette, la créatrice aura vu son projet de mini
Vision annulée sans explications par Marvel, dans ce que beaucoup avaient interprété comme une simple trouille de l'éditeur de réitérer une mauvaise publicité auprès des lecteurs les plus radicaux, particulièrement sonores ou vindicatifs sur les réseaux sociaux en direction de thématiques précises.
"Dès le départ, le premier éditeur avec lequel j'ai travaillé chez Marvel m'a prévenu : la série Iceman serait immédiatement abandonnée si j'en faisais quelque chose de 'trop gay', en m'expliquant au passage que je devais de toutes façons être prêt à une annulation, attendu que les séries X-Men ne durent jamais plus d'un an. Peu importe que mon travail sur la série ait reçu de bonnes critiques dans le New York Times (édition papier), ou de bonnes reviews sur Amazon, Marvel continuait de me traiter comme quelque chose qui devait être contenu, maîtrisé, et le bouquin les rendait nerveux.
Je devais être pré-approuvé pour chaque prise de parole, ils avaient un droit de regard sur le contenu des interviews que je donnais. Ce qui ne serait pas grave si c'était les conditions standards de ce genre de boulots, mais croyez-moi, aucun de mes collègues masculins et hétéros n'avaient à demander la permission d'intervenir dans un podcast pour faire la promo' de leur série."
Le témoignage va plus loin dans les détails, avec un portrait plus optimiste sur l'ex président Axel Alonso et le cas du personnage de Shade dans les X-Men. Plus pragmatique que réellement furieux ou aigri envers son ex employeur, Grace précise que son cas particulier qualifie aussi d'une réalité pour les auteurs de comics de tous bords, genres ou orientations, sur un marché particulièrement cruel. Cela étant, en dehors des nombreuses autres crasses subies en interne, le scénariste garde un assez mauvais souvenir de toute l'expérience, pas du tout rassurante sur les mentalités actuelles au sein d'une Maison des Idées prête à tout pour ne vexer personne, en particuliers les plus réactionnaires de son lectorat.