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Décennies, Marvel dans les années 40 : pas besoin d'être trépidant pour être intéressant

Décennies, Marvel dans les années 40 : pas besoin d'être trépidant pour être intéressant

ReviewPanini
On a aimé• Une plongée dans les comics d'avant/pendant la Seconde Guerre mondiale
• Un style rétro qui flatte la rétine
• Une dernière partie bien ficelée
• Un imaginaire débridé qui ne s'embarrasse pas de la logique
• Des "porte-avions sous-marins nazis" et des SS qui parlent avec un accent cliché
On a moins aimé• Des scénarios pauvres, lorsqu'un scénario existe
• Des combats qui n'ont pas lieu d'être
• A ne pas lire d'une traite pour ne pas se lasser
• En plus de la préface, un dossier documentaire aurait été pertinent
Notre note

Certaines oeuvres parlent de voyages temporels, d'autres sont des voyages dans le temps. A l'occasion des 80 ans des premiers comics Marvel et des 50 ans de leur publication en France, Panini sort une collection inédite en 8 tomes, "Décennies", qui revient - par tranches de 10 ans - sur les publications qui ont façonné l'histoire de la maison d'édition. Il n'est pas ici question de faire une compilation des meilleurs titres de chaque période, mais plutôt de donner au lecteur une idée de ce à quoi pouvait ressembler les parutions de l'époque, lorsque la société fondée par Martin Goodman se nommait encore Timely Publications.

Le premier volume, consacré aux années 40, se focalise sur le duo iconique composé de la Torche humaine originelle et de Namor, le Prince des Mers. Duo qui, logique éditoriale oblige, s'affronte en créant l'évènement. Soyons honnêtes : les récits racontés n'ont que peu d'intérêt scénaristique, si ce n'est parfois aucun. On pourrait même parler d'un "syndrome BvS", à en voir la manière dont les deux personnages s'affrontent sans avoir de réelle raison de le faire, avant une dernière partie qui les voit soudainement s'allier sans transition.


Néanmoins, il serait idiot de passer à côté pour autant. Certes, vous n'y trouverez pas votre compte si vous êtes friands de coups de théâtre et autres rebondissements spectaculaires. Mais ce n'est pas pour cela qu'on se plonge dans ce type d'oeuvres. Au-delà du (réel) intérêt artistique qu'elles comportent, elles sont avant tout un moyen indirect de contempler une autre époque. Un autre âge où l'on ne voit pas de problème à utiliser une cage en amiante (si si, ça existe) pour emprisonner la Torche, où la fonte des icebergs pourrait servir à "rafraîchir un bon cocktail" et où l'on considère que la place des femmes est en cuisine.

L'ouvrage en lui-même est composé de quatre parties distinctes. Chacune a son propre style, allant de l'affrontement décérébré s'étalant sur près de 60 pages à un thriller d'espionnage en passant par une intrigue impliquant un super-vilain au plan machiavélique et une aventure difficilement descriptible de par le mélange qu'elle opère entre le sérieux de son propos (la folie meurtrière de l'Allemagne nazie, la propagande en temps de guerre), sa violence graphique et morale (rappelons que le public visé était enfantin) et le n'importe-quoi général dans lequel elle baigne du début à la fin (Berlin submergée, attaquée par de baleines mécaniques et des poulpes géants, faut-il en dire plus ?).

Le tout se fait bien sûr sans prise en compte d'une quelconque continuité. Namor y passe du statut de méchant interchangeable à celui d'envahisseur planétaire, génocidaire fièrement comparé en page pleine à Hitler, Mussolini et à la Mort elle-même; avant de redevenir un patriote américain espionnant les Allemands au profit des Etats-Unis. Ces changements brutaux, que certains lecteurs d'aujourd'hui pourraient considérer comme des aberrations, témoignent d'un temps où le fonctionnement éditorial tel que nous le connaissons restait encore à inventer. Preuve peu visible mais Ô combien importante de ce fait : si les noms de Bill Everett et de Carl Burgos reviennent fréquemment, un certain nombre des membres des différentes équipes créatives n'est tout simplement pas crédité ; vestige d'une époque où le rapport d'un artiste à son travail n'était pas le même.

Concernant les artistes et leurs travaux, il est évident que le style des années 40 ne mettra pas tout le monde d'accord. Et pour cause : on n'y faisait pas dans le photo-réalisme. On ne peut cependant que conseiller de faire l'effort d'essayer, en ne s'arrêtant pas à la couverture ou aux premières pages. Aux allergiques qui fuient devant les dessins (ce que l'on peut tout à fait comprendre), on se contentera de dire que nos arrières-petits-enfants n'oseront pas regarder nos Mister Miracle empoussiérés,  jurant que le trait de Mitch Gerads ne ressemble à rien. Les amateurs ne pourront, quant à eux, qu'être ravis.

Il est toutefois nécessaire de signaler quelques bizarreries dans les dialogues, comme lorsqu'un personnage s'exclame : "Je me souviens ! Hitler a dit qu'il voulait forcer la Torche à préparer l'arrivée d'Hitler !". Difficile cependant de savoir si la coquille est due à la traduction ou si elle était présente dès le départ. Mais rien de quoi réellement gêner la lecture.

En refermant l'ouvrage, une question se pose : mais à quel public peut-il bien correspondre ? Sans doute trop violent pour les lecteurs les plus jeunes, pas assez profond pour les adultes... De nos jours, il rentre difficilement dans une case. Nous ne sommes plus dans les années 40, encore moins au coeur d'une guerre mondiale. Les comics ont changé. Leur lectorat et ses attentes aussi. Seront donc surtout intéressés les aficionados de l'ancienne école et les nostalgiques des Strange, qui ont connu l'apparition de la nouvelle Torche humaine et le retour en grandes pompes de Namor en lisant les Quatre Fantastiques. Pour les curieux qui ne seraient pas prêts à mettre le prix, on recommandera au moins de le feuilleter s'il n'est pas possible de l'emprunter à quelqu'un.

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Malo
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