Depuis sa sortie, Joker aura provoqué toutes sortes de débats sur les internets - certains accusant le film de faire la promotion de la violence, d'autres, au contraire, de ne pas aller assez loin ou de ne pas assumer ses choix de scénario. Une scène en particulier aura causé pas mal de débats chez ceux qui espéraient trouver une origine plus tranchée, et moins auto-justificative, du clown de Gotham City, à propos de sa voisine de palier, Sophie Dumont, campée par la sympathique Zazie Beetz.
Si vous n'avez pas vu le film, il serait dommage de vous gâcher ce moment en allant plus loin.
Dans le scénario original de
Todd Phillips et
Scott Silver, et d'après plusieurs témoignages issues des projections tests, le sort réservé à la voisine du
Joker aura pas mal évolué au fil des différents montages et des différentes improvisations
proposées par les équipes de tournage et la comédienne sur le plateau. Un temps, il était envisagé que
Sophie, qui apparaît périodiquement dans le film aux côtés d'
Arthur sous la forme d'hallucinations, devait bien être présente et "amie" de son curieux voisin. Au moment où ce-dernier pénétrait dans son appartement, il la surprenait au lit avec son vrai petit-ami.
Le personnage a cependant été grandement réécrit pour jouer sur le doute de cette sorte de vie amoureuse fantasmée. Lorsque Fleck réalise que tout ça n'était qu'illusions, en rentrant chez Dumont, on le voit quitter l'appartement sans savoir s'il a, oui ou non, assassiné sa voisine en parachevant ainsi sa transformation en Joker. D'après le chef opérateur Lawrence Sher, bras droit de Todd Phillips depuis le premier Very Bad Trip, interrogé par SlashFilm à propos de son travail sur Joker, l'idée n'a jamais été de tuer l'héroïne.
"Nous avions envie de faire de ce sujet, l’interprétation du vrai et du faux, une partie importante du film. Par exemple, sa relation à Sophie est un fantasme. Beaucoup de gens m'ont posé la question 'mais du coup, elle meurt ou pas ?', mais Todd est assez explicite sur le fait qu'elle ne se fait pas tuer. Arthur tue pour se venger de ceux qui ont abusé de lui d'une façon ou d'une autre, et ce n'est pas son cas. Pour jouer sur le sentiment de doute sur la réalité, on joue sur des rappels, des scènes qui se répondent les unes autres aux autres. On laisse des indices qui se suivent de scènes en scènes. En dehors de la technique, j'aime aussi l'idée que les gens puissent en discuter et arriver à leurs propres conclusions."
Une envie de ne pas trancher et de laisser l'interprétation au spectateur, assez classique dans le monde du cinéma - encore que, à l'image du débat "Réplicant ou pas Réplicant", on peut trouver ça stupide de la part de Sher de trancher le débat avec une version des faits officielle en interview. La déclaration du chef op' risque de donner du grain à moudre à ceux qui accusent le film de légitimer Fleck, d'ailleurs, et de ne pas assumer avant la dernière scène sa posture d'authentique super vilain.
Pour l'heure, on sera surtout heureux de savoir que Zazie Beetz va bien et est en bonne santé (dans le film comme dans la vraie vie, c'est tout de même réconfortant).