C'est dans les allées de la dernière Comic Con Paris que nous avons pu rencontrer le scénariste Donny Cates. Révélé comme la superstar de Marvel depuis maintenant quelques années, l'auteur au parcours multiple, qui se sera fait connaître dans l'indé' avant de percer dans la Maison des Idées, a accepté de répondre à nos questions sur son parcours récent, qu'il s'agisse de Venom notamment, de son run cosmique sur plusieurs titres, du Thor à venir et de son futur... Bonne lecture !
Remerciements : Comic Con Paris
Bonjour Donny ! J'ai une première question à te poser sur ton run de Venom. Quand tu as débarqué sur le personnage, tu as tout de suite "tout cassé", remis en question beaucoup de choses que l'on pensait connaître sur le symbiote. Tu t'es senti le besoin de tout détruire pour mieux bâtir ? Ce qu'il y avait d'écrit avant ne te convenait pas ?
Je ne dirais pas que ce que j'ai fait c'est "détruire". Tout ce qui s'est passé dans le passé s'est effectivement passé, mais je suis ce qu'on appelle un auteur du rajout. J'aime retourner dans le passé et trouver quelques petites poches où je peux ajouter quelque chose. Certains appellent ça de la retcon, mais une retcon c'est quand tu dis que quelque chose qui s'est passé n'est en fait pas vrai. Je ne fais que rajouter des morceaux. Quand Geoff Johns a fait Green Lantern Rebirth, il a fait à peu près la même chose. Il a pris des histoires séparées et a fait que l'ensemble tienne ensemble.
Cette démarche de déconstruction rappelle ce qu'a fait Alan Moore avec Swamp Thing. J'imagine que c'était une inspiration pour toi ?
Oui, bien sûr. La leçon d'anatomie est incroyable. On voulait donner à Venom sa propre liberté, son propre espace d'expression. Tu vois, le Punisher a été créé comme un ennemi de Spider-Man. Sabretooth a démarré comme un vilain d'Iron Fist. Aujourd'hui, on ne conçoit plus ces personnages de cette façon. Wolverine a démarré comme un vilain du Hulk, mais il a fallu que des auteurs et artistes travaillent pour leur donner leur propre ton, leur propre liberté. Pour qu'ils aient ça, il faut définir ce qu'est leur espace d'expression. Notre but c'était d'extirper Venom de l'ombre de Spider-Man, et pour faire ça, il faut qu'il ait son propre lore, sa propre mythologie, ses propres vilains. Pour moi, Venom a toujours été un concept de science-fiction horrifique, c'est un alien. C'était un recoin de l'univers Marvel qui était de plus inexploré.
Quelles ont été tes repères en termes de science-fiction horrifique ?
Il y a beaucoup de H.P. Lovecraft, de Stephen King... Pour le run en tant que tel, je trouve mes inspirations du côté de Jason Aaron, Grant Morrison, Mark Waid. Pour être complètement honnête, j'ai été fan de Venom depuis que je sais lire. Quand j'ai repris le personnage, c'était le 30e anniversaire du personnage. J'ai 35 ans, ce qui veut dire que j'avais 5 ans quand il a été créé, et j'ai lu tous les numéros depuis. Ce que tu es en train de lire, c'est en fait l'expression d'une trentaine d'années d'un gamin qui a pensé à des idées et des scénarios cools pour Venom, ç essayer d'expliquer des trucs qui n'avaient pas de sens, ou développer des aspects du symbiote de façon naturelle - comme avoir des ailes, ce genre de choses. L'idée d'avoir une ruche symbiote, qui se rapproche de ce que l'on connaît pour nous. Et avec une civilisation arrive la théologie, et donc la mythologie. Il y avait donc une logique à ce qu'il y ait un dieu des symbiotes. C'est vraiment le résultat d'un gamin obsédé pendant des années par Venom et à qui on a donné la chance de l'écrire.
On a mentionné Alan Moore juste avant, et je dois t'avouer que tout le délire "Venom est meilleur que Watchmen" a été hilarant à suivre. Tu peux nous expliquer comment vous en êtes venus à ça ?
Je n'ai rien fait ! (rires) C'est de la faute à Ryan Stegman. C'est mon meilleur ami, et il adore emmerder les gens sur Twitter. Je crois que ça a démarré comme une blague au moment où on nous a annoncé sur Venom. Quelqu'un lui a demandé "qu'est-ce qu'on peut attendre de votre run ?" et il a juste répondu que ça allait être meilleur que Watchmen, et les gens ont marché. Je suis son pote, je n'allais donc pas le laisser tomber, donc j'ai suivi avec sa blague, et de plus en plus de gens l'ont fait aussi. Il y a des gens qui ont fini par m'apporter des bouquins d'Alan Moore à dédicacer (rires). Franchement, tu pouvais pas demander un meilleur marketing !
Ça s'est fini avec une photo de toi et Alan Moore et une variante de Dave Gibbons, c'est quand même dingue !
Oui, ce truc avec Gibbons, c'est fou. Marvel ne m'avais pas mis au courant qu'ils faisaient cette variante. Ils m'ont envoyé la couverture en me demandant ce que j'en pensais et je leur ai répondu que c'était marrant. Ils m'ont alors appelé et m'ont dit "mec, tu n'as pas compris, si ?" et je leur ai répondu "si, vous avez demandé à quelqu'un de faire un hommage à Watchmen, c'est cool". "Non, on a pas demandé à quelqu'un, c'est Dave Gibbons !". "Mais vous lui avez expliqué la blague ?" "Oui, et il trouve ça hilarant !".
Pour Alan Moore, je me suis juste rendu chez lui. Il ne me connaît pas, il ne savait pas que j'étais dans le coin. J'étais à Bedford, et sur le chemin vers l'aéroport le conducteur me dit "Tu savais que Alan Moore vit à 10 minutes dans cette direction ?" et je lui ai demandé de m'y emmener. C'était une occasion unique ! Ils ont refusé de me déposer devant sa maison et m'ont amené deux pâtés de maisons plus loin. Quand je leu ai demandé comment j'allais pouvoir reconnaître la maison de Moore, ils m'ont répondu "oh, tu la reconnaîtras". Toutes les maisons sont faites en briques, et il y en a une qui est violette, avec des serpents dorés qui se baladent (rires). A la base, je voulais juste prendre une photo devant sa maison, pour dire que j'y étais. Et au moment de m'en aller, je me suis dit que ce serait trop bête et j'ai sonné chez lui.
Il m'a ouvert et m'a dit bonjour, il était on ne peut plus gentil avec moi. Il était un peu surpris au début, mais quand je me suis présenté avec Geoff Shaw et qu'on lui a dit qu'on faisait des comics, il s'est enthousiasmé et on a discuté et discuté. Ensuite j'ai mis sur Twitter qu'on avait discuté de cette histoire de Venom vs Watchmen, comme si j'avais eu les couilles de lui parler en face à face de Venom... ou de Watchmen ! (rires)
Okay okay. So Alan Moore and I talked about it and we agreed to call the Venom vs Watchmen debate a tie. #HolySHIT #FreakingOut pic.twitter.com/Ydi0AJzJCM
— DONNY??CATES (@Doncates) August 31, 2018
Est-ce que ça veut dire que n'importe qui peut venir dire bonjour à Alan Moore ?
Je ne vous encouragerai pas à faire ça ! Ce qui était drôle c'est que je portais un long manteau et que j'avais les cheveux très blonds, et quand on est reparti, Geoff m'a dit "tu crois qu'il nous a ouvert parce qu'il a pensé que tu t'habillais comme Constantine ?". Il a peut-être pensé que je faisais du cosplay (rires) !
Reprenons sur Venom. Tu as étendu l'histoire avec un certain nombre de one-shots Web of Venom, mais tu n'as jamais pensé à faire quelques spin-off plus longs ? Ve'nam pourrait très bien fonctionner dans ce format.
Tous ces à côtés sont faits pour que Ryan puisse tenir son emploi du temps. Quand tu travailles sur des séries qui font du double-shipping, tu te retrouves avec 18 numéros par an au lieu de douze pour un titre mensuel normal. Le problème de ce processus, c'est que tu te retrouves avec des artistes de fill-in, parce qu'un dessinateur tout seul ne peut pas tenir ce rythme. Ryan et moi voulions que pour le tronc de la série principale, il n'y ait vraiment que nos deux noms accolés à la série. On a donc construit ces Web of Venom de façon à avoir des ajouts sur la trame principale, qui tiennent comme des histoires en stand alone, pour enrichir la narration. De façon à ce que Ryan fasse douze numéros sur l'année, mais qu'on ait quand même 18 numéros de Venom sur l'année. Ce qui est chouette, c'est que ça nous a permis de construire petit à petit les bases de notre grande storyline avec ces numéros. Pendant qu'Eddie vivait ses aventures, les lecteurs savaient que Carnage était de retour et qu'il préparait doucement sa venue sur Terre... Ça donnait l'impression qu'on savait ce qu'on faisait (rires) !
Comment gère-t-on la planification d'un event aussi important qu'Absolute Carnage ? Quand on sait que son histoire va avoir un impact sur plein d'autres séries ? Tu avais des réunions avec tous les autres scénaristes ?
Oui, absolument. On tient des mini-séminaires. On en avait un en janvier 2019, par exemple, à New York, pour rencontrer quasiment tout le staff éditorial de Marvel, et on leur a présenté ce qu'on faisait, quel serait l'impact d'Absolute Carnage sur les autres titres. Quand tu es à ce poste, tu dois superviser le tout : je devais donc lire tous les scripts des autres séries pour m'assurer que ça se liait bien à ma trame narrative, et qu'ils n'empiètent pas sur des points que je développe, ou vice-versa. C'est comme si tu passes d'écrire une série à en écrire neuf à la fois. C'est un gros challenge, et c'était la première fois que j'avais quelque chose d'aussi gros entre les mains, bien plus que ce que j'avais pu avoir avec Doctor Strange : Damnation. Et je suis à l'écriture d'un event pour 2020 qui est au moins deux fois plus gros qu'Absolute Carnage. Et ça me fatigue déjà ! On va avoir un séminaire là-dessus en novembre prochain.
Tu ne penses pas que trop d'events tuent les events ?
Il y a des gens qui disent ça, il y en a aussi qui parlent d'une "fatigue des super-héros" au cinéma. Mais chaque film ramène plus de spectateurs que le précédent, et chaque titre Marvel se vend plus que celui d'avant. Je comprends ce que tu me dis, mais c'est cela qu'on veut de la part des comics, ce qu'aucune autre forme d'art n'est capable de faire. C'est à dire, un énorme event qui fait que tous les personnages, toutes les équipes sont impliqués. Les deux éditeurs, DC et Marvel, ont fait des events qui sont incroyables, et d'autres qui sont tombés à plat, mais c'est normal. Regarde le Secret Wars de Hickman, qui était génial. Mais c'est quelque chose qu'il avait prévu pendant des années. Et je pense que c'est un peu de cette façon que je fonctionne. Si tu n'as toujours rien remarqué en lisant mes titres, tu devrais commencer à voir maintenant ce que je prépare... Il y a des tendances, et un gros plan d'ensemble. Non, vraiment, je ne pense pas que les events soient mauvais pour l'industrie, tu peux en parler aux comicshops, ils les apprécient.
Tu me dis ça parce que tu es en charge de l'event. Mais si tu étais scénariste d'une série dans ton coin, et que tous les quatre mois on vient te voir en te disant "il faut que ta série soit raccord avec cet event qui arrive"... ?
Oh, mais ce n'est pas comme ça que ça se passe à Marvel. On fait ces séminaires avec tous les auteurs pour décider du prochain event. Et si un scénariste a une idée pour se greffer à l'histoire principale, il l'expose. Mais si, par exemple, un event Hulk arrivait prochainement et que je n'avais aucune inspiration, je ne serai pas obligé de faire quelque chose pour celui-là. Ils pourraient à la limite faire une mini-série "Venom/Hulk" à côté qui n'affecterait pas mon titre. Les gens ont une drôle de vision sur la façon de fonctionner de Marvel. Ils croient que les éditeurs nous disent ce qu'on doit faire, mais si tu y réfléchis vraiment, ça n'a pas de sens. Pourquoi nous embaucheraient-ils dans ce cas ? Ils nous ramènent et nous paient pour qu'on bâtisse cet univers. De tout mon temps passé à Marvel, personne ne m'a jamais forcé à faire quoique ce soit.
Ces dernières années on t'a vu un peu partout chez Marvel. Tu ne t'arrêtes jamais ? A chaque annonce de titre, on s'attend à te voir dessus !
Je m'amuse beaucoup, et je suis très chanceux d'avoir des lecteurs qui soutiennent mon travail. Ça m'a donné l'occasion d'écrire tout ce que j'avais envie d'écrire. Et je sais que rien n'est éternel, alors j'en ferai autant qu'ils me laissent, jusqu'à ce qu'ils me virent (rires).
Tu as aussi travaillé sur pas mal de titres cosmiques. Peut-on dire que tu es en train de construire une "continuité cosmique de Donny Cates" ?
Oui, c'est tout à fait ce que je suis en train de faire. En partant de "Thanos Wins", puis avec Death of the Inhumans, Cosmic Ghost Rider, Guardians of the Galaxy, Silver Surfer : Black, tout a été un chemin pour mener à Thor. Thor va être cosmique à un point, tu ne peux pas putain t'imaginer ! J'ai tendance à écrire toutes mes séries comme des events, tu vois ? Et maintenant Marvel m'a donné le personnage le plus puissant de son univers... Que crois-tu qu'il va se passer ?
Tu as déclaré que tu savais depuis trois ans que tu allais reprendre Thor après Jason Aaron. Tout ce build-up cosmique, c'était pour t'occuper en attendant que les trois ans passent ?
Plus ou moins. C'est facile de faire des plans chez Marvel quand tu sais que tu restes en place. J'ai signé un contrat d'exclusivité avec eux avant qu'un seul de mes titres ne soit sorti. Axel Alonso avait aimé God Country, et après ça il savait qu'il voulait que je sois celui qui reprendrait Thor après Jason Aaron. Jason a lu certains de mes titres, et il a aussi approuvé ce choix. Ils m'ont donc pris en contrat d'exclusivité de façon à ce que je ne me sauve pas d'ici à ce que Jason ait terminé les trois ans qu'il lui restait à faire chez Marvel. Que DC ne me récupère pas, ou que je n'aille pas faire autre chose ailleurs. Ça a donc été facile pour moi de dessiner des plans, de placer des petites références ça et là qui trouveront écho dans Thor.
Ça ne te fait pas peur de reprendre Thor après l'énorme run de Jason Aaron ?
Je n'ai pas peur. Je suis honoré. Ça aurait été de toute façon quelqu'un, alors pourquoi pas moi ? Le vrai challenge c'est de trouver quelque chose de neuf à faire après Jason, puisqu'il a tout fait ! Mais je crois que j'ai quelques surprises dans mon sac que les lecteurs apprécieront.
Tu as aussi dit que tu allais faire un nouveau titre en creator owned avec Geoff Shaw, que peux-tu nous dire dessus ?
Rien du tout.
Roh, allez...
C'est le comicbook le plus top secret qui soit ! Je vais te dire ceci : sans hyperbole et sans exagération, ce prochain titre que je fais avec Geoff Shaw, c'est le truc le plus taré que j'ai tenté de faire dans ma vie, et ce qui est le plus intéressant de mon point de vue, c'est que ça pourrait ne pas fonctionner (rires). A Marvel, tout est à peu près safe, une série Venom va se vendre quoiqu'il arrive. Là c'est autre chose. Un projet aussi ambitieux et fou que ce que Geoff et moi voulons faire, c'est effrayant, et excitant à la fois.
C'est intéressant ce que tu viens de dire. Il y a certains titres qui vendent par leurs personnages, d'autres par leurs noms d'auteurs. Tu penses te situer où ?
C'est difficile de répondre à cette question ! Je ne peux pas me voir de la même façon que tu me vois ! J'ai entendu des gens dire "ça ressemble à un bouquin de Donny Cates, ça" et je ne sais pas ce que ça signifie (rires). J'écris ce que j'aime. Bien sûr il y a des runs qui sont reconnus pour leurs auteurs : les X-Men de Chris Claremont, le Thor de Jason Aaron... C'est le rêve de tout auteur d'avoir droit à ça ! J'espère que lorsque tout sera fini avec Venom, les gens s'en souviendront comme le Venom de Donny Cates et Ryan Stegman, c'est sûr. Mais là tu me demandes d'être conscient de soi d'une façon dont je ne m'en sens pas capable (rires).
En lisant God Country, on s'aperçoit que tu avais mis de ton histoire personnelle dans le titre. C'est quelque chose que tu fais aussi avec un titre mainstream chez Marvel ?
Oui, tout ce que je fais a quelque chose de personnel. Ce n'est pas parce je parle d'un Titan Fou ou du Dieu du Tonnerre qu'ils n'ont pas des émotions, comme nous. Eddie a peur d'être seul, Thanos désire plus que tout quelque chose qu'il n'aura jamais... Plus grosse est ton histoire, plus les émotions les plus délicates feront d'elle une bonne histoire. J'aime à penser qu'il y a une connexion personnelle à tout ce que j'ai écrit. Et je pense qu'un auteur qui t'affirmerait le contraire serait en train de mentir. Même dans Silver Surfer, qui est complètement psychédélique, beaucoup de choses m'ont été inspirées par ma femme, il y a beaucoup d'amour dans cette série. C'est ce qu'on aime faire avec nos personnages, et ce depuis la création de Spider-Man. Spider-Man, c'est Peter Parker, qui doit aussi payer ses loyers, faire ses courses, c'est qui m'a attiré vers l'univers Marvel depuis le départ. C'est comme Eddie Brock, qui aimerait être un bon gars, mais qui a une terrible noirceur intérieure...
Tu aimerais être un bon gars mais tu as une noirceur intérieure ?
Je pense que c'est notre cas à tous ! Aucun d'entre nous n'est complètement bon ou complètement mauvais. Nous sommes une combinaison de tout ce que nous avons fait. Tu pourrais me filmer un certain jour et penser que je suis quelqu'un de mauvais, ou à l'inverse total. Et je pense que c'est ce qu'apprécie le lectorat des personnages Marvel : ils ont des défauts. Et c'est le cas pour tout le monde ! Je suis certainement le vilain de la vie de quelqu'un d'autre, tu es le vilain de l'histoire de quelqu'un d'autre.
Mais si tout est personnel même dans les titres Marvel, j'espère que tu n'as jamais eu à un moment de ta vie l'envie de tuer un bébé [nda : ceux qui ont lu Cosmic Ghost Rider comprendront]
Ils ne l'ont pas tué (rires) ! Ils l'ont frappé ! T'arrives à croire qu'on a publié un titre Marvel avec un mec qui braque son flingue sur un bébé (rires) ? Un titre Disney ! Je crois que cette mini-série est un condensé de ma personne en train de tester les limites de Marvel. J'imagine que lorsque le bébé en question est une sorte de space-Hitler, tu peux le frapper (rires). Mais ce titre parle de la différence entre la nature et l'éducation. Thanos a-t-il toujours été comme ça ? Ou est-ce qu'on l'a poussé à le devenir ? Et la question se pose en miroir à Frank Castle : le meurtre de sa famille n'a-t-il pas été qu'un prétexte pour déchaîner sa nature ?
Comment ressens-tu les différences dans ton travail entre l'indé' et le mainstream ?
Hé bien, j'ai le droit d'écrire beaucoup de fuck dans Redneck (rires). Je n'aime pas parler de "censure", mais il faut garder en tête chez Marvel que des jeunes lisent aussi ces séries, il y a donc des limites avec la vulgarité. Tu peux ressentir si je suis frustré de ne pas pouvoir être grossier ou trash chez Marvel, que Redneck va devenir bien plus hardcore. Pour moi, tu pratiques le même sport, mais à des positions différentes. Tu connais les règles du jeu, mais tu passes d'un poste à un autre. Mais la structure de l'écriture du comicbook ne change pas. Chez Skybound, on passe par Robert Kirkman et mon éditeur, mais chez Image Comics avec Geoff, on fait vraiment tout ce qu'on veut, je n'ai même pas embauché d'éditeur. Mais je n'écris pas avec une main attachée dans le dos chez Marvel. Où que ce soit, je mets la même ardeur à écrire, que ce soit pour moi ou pour un gros éditeur. Parce qu'au final, mon nom est là-dessus, et c'est ce qui m'importe, et je veux que mes lecteurs sachent que je les respecte, je veux qu'ils aient confiance en la qualité de ce que je produis.
Crois-tu que le fait que Kevin Feige soit le nouveau directeur créatif de Marvel va changer quelque chose pour vous, en ce qui concerne les comics ?
Pas du tout. Quand Disney a racheté Marvel en 2009, tu te rappelles comment tout le monde était flippé ? Et au final, rien n'a changé. Tu sais pourquoi ? Parce que tu ne rachètes pas une compagnie en leur faisant changer ce qui a fait leur succès. Kevin Feige est quelqu'un de très intelligent. Il va traiter Marvel de la même façon dont Disney a traité Pixar, en les laissant faire ce qu'ils savent faire.
En vérité, je n'en sais rien, on l'a appris il y a une semaine [nda : au moment de l'interview]. Ce que je prédis, c'est que nous allons avoir une nouvelle ère de créativité. On ne va pas être inféodés aux films. Feige vient de faire des milliards avec des films basés sur les histoires que les auteurs et dessinateurs de comics ont produites. L'idée de mettre un terme à tout ça, de se séparer de cette source d'idées, c'est la pire décision de business que tu pourrais prendre. Si je devais imaginer Kevin Feige venir à nos bureaux, il dirait "continuez d'avoir les idées les plus folles, on en fera des films, et tout le monde sera gagnant".
Dernière question : on a entendu qu'une adaptation de God Country est en travaux, tu peux nous en dire plus ?
Bien sûr ! J'ai été embauché pour écrire le script. Je l'ai fini il y a quelques mois. Ils l'ont beaucoup aimé, avec seulement quelques révisions qui m'ont plu. Ils ne veulent pas changer grand chose à l'histoire, j'ai même pu rajouter quelques éléments d'histoire que je n'avais pu mettre dans le comicbook. Des rôles secondaires que j'ai pu développer, notamment. La différence principale, c'est que j'écris en 4D. Pour un comicbook, il n'y a pas de son, alors que là je peux l'inclure dans le script, les bruitages, la musique, c'est vraiment fun. Pour le moment tout se passe bien, mais je ne peux rien te dire de plus légalement !
Très bien, merci beaucoup !