Filou des opérations commerciales réussies, Mark Millar avait décidé de profiter des fêtes de Noël pour publier le premier numéro d'un comics secret, une suite à l'un de ses précédents travaux. L'auteur avait promis que le mystère serait maintenu, sans campagne de promo', sans preview, sans communication sur les réseaux sociaux, rien pour gâcher la surprise des nombreux fans espérant retrouver, dans le paquet mystère, un Starlight, Nemesis, Huck ou Jupiter's Legacy.
En définitive, Mark Millar n'échappe pas aux lois qui régissent la confidentialité sur internet - aux heures où même nos grand-mères sont espionnées par les bot russes, il était malheureux d'avoir cru un instant que les éditions de comics Image/Netflix auraient droit à un peu d'intimité. Après une petite enquête, et un exemplaire témoin fourni par un lecteur aux Etats-Unis, BleedingCool évente le secret à quelques jours de l'ouverture des stocks, comme ces enfants qui, une semaine avant le réveillon, retournent les placards pour trouver où leurs parents ont planqué les paquets cadeaux.
La balise "spoiler alert" pour la forme (c'est Noël), mais il est peu probable que vous l'ayez vu venir, de toutes façons.
Dans la pelletée de projets plus ou moins marquants, ou plus ou moins appréciés du bon
Mark Millar, le scénariste choisit avec cette opération de sanctifier
le second volume d'American Jesus, une série entamée il y a une quinzaine d'années avec le dessinateur
Peter Gross. Longtemps avant de devenir la vedette que l'on connaît aujourd'hui, l'auteur avait, à l'époque, livré un premier volume s'intéressant à la réincarnation du Christ sous les traits d'un jeune garçon dans une petite bourgade des Etats-Unis, loin des effets de manche de cool, de scénario pré-programmé pour le cinéma ou de violence gratuite qui auront fait sa légende depuis.
Dès le premier volume d'American Jesus, Millar évoquait l'envie de poursuivre cette histoire sous la forme d'adaptation libre du Livre des Révélations (l'Apocalypse biblique). Celle-ci se matérialise donc enfin, tandis que les sollicitations annoncent que le titre durera trois numéros, en attendant le volume suivant, déjà en cours d'écriture.
Là-dessus, l'opération commerciale du numéro secret passera forcément pour une déception auprès des nombreux fans qui espéraient que le scénariste sorte un autre titre sorte du chapeau. Si le premier tome d'American Jesus (Chosen) avait reçu de bonnes critiques en son temps, la plupart des amoureux de Millar s'accorderont à dire qu'il s'agissait d'un projet assez mineur dans sa bibliographie, et assez loin en termes de style des projets plus récents du bonhomme. Il est assez probable que le temps écoulé entre le premier et le second volume s'expliquent d'ailleurs par les ventes de ce-dernier. En y regardant de plus près, le choix d'American Jesus en particulier est pourtant assez logique, attendu que Netflix en tourne actuellement une adaptation hispanophone tournée vers les marchés sud-américains.
En janvier dernier,
Millar évoquait déjà le projet de cette suite - et a certainement du se gratter la tête depuis pour savoir comment la vendre, plus de quinze ans après le premier volume, et au moment où tout le monde semblait plutôt attendre
la suite de The Magic Order. Fêtes de la Natalité obligent, un coup de baguette magique promotionnelle plus loin, l'idée du colis mystère de Noël était trouvée, histoire de gonfler un peu l'événement de ce retour ou de faciliter les pré-commandes pour des libraires heureux de jouer avec la curiosité du lectorat. A noter que
Netflix et
Millarworld auront été beaux joueurs, en annonçant que les boutiques auraient la possibilité de retourner leurs invendus. Reste à espérer que le scénariste retrouve sa plume de l'époque, pour livrer une suite dans le ton du premier tome, agréable à parcourir.
En résumé, si vous espérez avoir un jour une suite à un comics avorté de longue date, c'est simple : il suffit d'attendre l'adaptation en série télé'. Sauf pour Chilling Adventures of Sabrina, ou la version filmée se contente d'assassiner toute envie de retravailler dans la BD pour le scénariste en poste (promoteur, c'est un métier).