Dans l'oeil du cyclone sanitaire, le marché de l'édition en indépendant se retrouve agité de toutes parts. La crise a poussé les équipes des jeunes sociétés Bad Idea et AWA Studios à mettre en pause leurs procédures de lancement, avec plusieurs cargaisons de numéros #1 attendant d'être livrés à des boutiques, pour le moment, contraintes à la fermeture. Dans ce contexte, une nouvelle structure jaillit du néant, du côté magazine Heavy Metal.
Sortie tout récemment d'une grande phase de transition, avec la prise de pouvoir de nouvelles têtes pensantes et une envie (apparente) de modernité, l'entreprise annonce le lancement prochain de "
Virus", un
imprint de plus dans la cohue des sociétés d'édition indépendantes.
Matt Medney, président d'
Heavy Metal depuis décembre dernier, explique que ce nom a été choisi en reflet de la crise actuelle - le virus nous éloignant les uns des autres, nous trouverions refuge dans les histoires, les bonnes histoires, susceptibles de nous rapprocher. Au-delà de cette présentation, probablement érigée pour parer aux critiques éventuelles ou aux accusations de titre racoleur, le choix du nom
Virus colle plutôt bien à la tradition de provocateurs du magazine
Heavy Metal ou à l'aptitude de ces créateurs à anticiper les cas de dystopie.
L'entreprise annonce un lancement pour le 29 avril prochain avec une charrette de premiers titres, en publication hebdomadaire. Sur le sujet de la méthode de publication, l'angle adopté par Heavy Metal est encore assez flou : le communiqué officiel présente Virus comme "une plateforme" plus qu'une véritable structure éditoriale, en expliquant avoir été chercher les méthodes des contenus "à la demande", inspiré par la prolifération de la vidéo-à-la-demande sur cette dernière décennie. Mais, il ne s'agira pas de comics proposés en numérique sur un site web ou une application. Heavy Metal parle bien de numéros physiques, sur papier, imprimés à la demande, manifestement.
L'entreprise présente cette position comme une alternative au réseau conventionnel de distribution, en réponse aux débats des dernières semaines
sur le monopole de Diamond Comics et la situation des librairies spécialisées à l'aune du confinement. Dans une entrevue accordée à
SyFy Wire pour annoncer le lancement de l'
imprint Virus,
David Erwin, nommé responsable des publications d'
Heavy Metal au début du mois de mars, explique en effet que l'enseigne devrait être étanche aux conséquences de la crise sur les boutiques en s'adressant directement au lectorat, sans préciser la forme ou le modèle fondamental de distribution adopté. L'idée d'une "boutique de comics en ligne" est évoquée dans le communiqué officiel.
Côté répartition des revenus, les responsables du projet sont en revanche un peu plus clairs : les artistes édités par Virus recevront 15% du prix de vente de chaque numéro, sans restrictions, impératifs ou objectifs chiffrés. A l'inverse d'Image Comics où les équipes créatives commencent à gagner de l'argent au bout du quatrième numéro vendu, ou à d'autres entreprises qui fixent l'intéressement aux bénéfices à partir d'un certain seuil de numéros vendus, voire, plus simplement, au système des avances/retours sur les ventes au bout de plusieurs mois. Heavy Metal promet ainsi aux auteurs et dessinateurs un retour direct sur investissement avec cette méthode de paiement, qui leur éviterait de prendre un risque financier en lançant leur nouveau projet.
Les titres disponibles au lancement ont aussi été présentés, avec, là-encore, assez peu de détails :
- Garbage Factory Anthology de Jakofire et Danny Kim
- Hymn of the Teada et The Red de Matt Medney, Morgan Rosenblum et d'autres artistes à préciser
- Nomobots de Diego Agrimbau et Juan Manuel Tumburus
- Dotty's Inferno de Bob Fingerman
- Trois autres titres encore inconnus, dont un par le scénariste Ron Marz
Plusieurs points restent encore à éclaircir d'ici les prochains jours, avec ce lancement surprise venant proposer une forme de réponse à la paralysie du marché. Sur le papier, Heavy Metal s'engouffre dans la brèche au moment où l'ensemble des sociétés d'édition conventionnelles ont été mises à l'arrêt, dépendant moins du marché des comic shops que d'autres et pouvant ainsi se permettre de court-circuiter l'ensemble de la distribution de revues aux Etats-Unis. Les créateurs paraissent confiants, et sans concurrence susceptible de se manifester, l'enseigne devrait opérer seule en attendant la réouverture des boutiques.
Reste encore à observer l'évolution de Virus dans les prochains mois, au firmament d'un énorme embouteillage sur le secteur des comics indépendants et avec une nouvelle méthode de distribution, et une équipe de décideurs récemment formée, qui devront faire leurs preuves.