Bien avant que le cinéma de super-héros ne soit à même d'approcher ce qu'il est aujourd'hui, alors que les Batman & Robin, Spawn et autres Steel avaient montré les limites du super-héros, et qu'un premier X-Men s'apprêtait à souffler un vent de renouveau, Universal se lançait dans l'aventure. Le projet ? Une satire du super-héros, librement inspirée des comics Flaming Carrot de Bob Burden, pilotée alors par une jeune réalisteur venu du monde publicitaire. Une comédie loufoque, criarde, kitsch et qui pourtant, plus de vingt ans après, nous rappelle qu'elle était en réalité bien en avance sur son temps. L'Atelier d'Images propose cet été une réédition Blu-Ray/DVD de ce film de Kinker Usha, qui profite d'un remaster HD encore inédit (sauf import) sous nos contrées, et garni de bonus apprêtés pour l'occasion. Autant vous dire qu'on a pris du plaisir à se replonger dans ce film pas comme les autres.
Dans la ville de Champion City, l'héroïque Captain Amazing a si bien fait son travail qu'il ne reste plus beaucoup de vilains à arrêter. Parce qu'il ne veut pas s'ennuyer, et pour continuer de profiter de ses multiples sponsors, il fait libérer l'un de ses ennemis jurés, le redoutable Casanova Frankenstein. Mais lorsque ce derneir réussit habilement à kidnapper Amazing, ne reste plus grand monde pour sauver la ville et rétablir la paix. A part peut-être cette bande de super-héros loosers, issus des classes moyennes, et aux pouvoirs pas vraiment impressionnants ? Ces héros ringards vont prendre en main l'affaire, recruter de nouveaux membres, et parfaire leur entrainement pour devenir les Mystery Men dont la ville a besoin.
Vous l'aurez compris rapidement, tout en reprenant une narration typique du récit de super-héros, Mystery Men n'en a aucunement le sérieux. D'une part, ses personnages atypiques, campés par des acteurs qui chacun se donnent à fond. On retrouve Ben Stiller pour le personnage principal, Mr. Furious, qui s'énerve très très fort mais n'a aucune compétence ou pouvoir particulier ; Hank Azaria en Blue Raja, un lanceur de fourchettes fan de costumes indiens et vivant toujours chez sa maman ; ou encore Wiiliam H. Macy en Shoveler (La Pelle en VF), un ouvrier du bâtiment spécialisé dans le maniement de son outil. Les portraits hallucinés continuent de s'enchaîner pendant le reste du film, notamment quand l'équipe doit s'agrandir, avec la présence de Paul Reubens (Mr. Pee-Wee) ou Janeane Garofalo (alors partenaire du show comique de Stiller) pour le rôle de Bawler, une héroïne qui manie une boule de bowling possédée par le crâne de son défun père.
Tout ce joyeux monde s'en donne à coeur joie, mention spéciale à Geoffrey Rush (alors couronné d'un Oscar) qui campe un Casanova Frankenstein hilarant dans son alternance entre absurde et premier degré, et sa galerie de vilains fans de disco. Mystery Men est à l'image des bande-dessinées (même si Usha affirme ne pas avoir lu les comics pour avoir son propre univers), hyper coloré, loufoque, avec une dose de kitsch qui, au contraire d'autres films, est non seulement assumée, mais vieillit très bien - notamment avec la qualité de l'image de ce remaster. Champion City a une allure qui s'inspire largement de la Gotham City des Schumacher. Les plateaux fourmillent de détails, d'accessoires en tous genres, les costumes sont extravagants - à vrai dire, si vous n'êtes pas client, peut-être que le tout vous donnera mal à la tête. Mais l'on ne peut qu'admirer l'ensemble du travail réalisé pour à la fois se moquer (gentiment) des super-héros, et apporter le coeur nécessaire pour montrer un amour du genre malgré sa déconstruction. Les effets spéciaux, bien qu'accusant leur âge, restent encore agréables à l'oeil, preuve aussi du budget important qui avait été mis dedans à l'époque.
Mystery Men se distingue également par son humour, porté forcément par Ben Stiller (qui peine à trouver des catchphrases), mais par le reste de la distribution également. Les échanges entre les personnages regorgent de répliques destinée à devenir cultes, les paroles mystérieuses du Sphinx (Wes Studi), formidable parodie des mentors mystiques, sont hilarantes (de préférence en VO), et l'alchimie entre les acteurs donne lieu à des joutes verbales absurdes jubilatoires. Si ce n'est pour quelques blagues de flatulences lourdaudes (portées par le Spleen de Paul Reubens, personnage peut-être le plus faible du lot), les gags fonctionnent. Du reste, l'action tient également la route pour un film de cette trempe, avec quelques très bonnes trouvailles sur l'utilisation des pouvoirs de chacun.
Mais ce qui marque le plus à (re)voir Mystery Men à présent, alors que les vint dernières années ont vu les films (et séries) de super-héros exploser, et les parodies s'imposer également, c'est de se rendre compte à quel point le film avait une proposition déjà en avance sur son temps. La critique opérée avec Captain Amazing se retrouvera largement dans le Homelander de The Boys, les super-héros wannabe du film sont en fait les précurseurs d'un Kick-Ass, alors que ces oeuvres n'arriveront que bien des années plus tard. Mystery Men s'entoure aussi d'un message social, avec ces personnages issues de classe moyennes, qui veulent faire la différence dans un quotidien loin d'être enchanteresque. Au final, entre deux époques du cinéma super-héroïque, Mystery Men reste après toutes ces années un ovni incontournable, témoin d'un entre-deux, en prenant le pire d'une époque pour l'élever, et annonciateur des films d'équipes qui allaient venir ensuite.
Le travail d'édition de L'Atelier d'Images est aussi à souligner avec de bien jolis bonus ajoutés par rapport à ceux proposés à l'époque. Ainsi, contre les 17 minutes du making-of originel, on retrouve quatre nouveaux segments vidéos, dédiés à la musique, aux effets spéciaux, aux costumes du film, ainsi qu'un entretien avec Kinker Usha d'une vingtaine de minutes pour expliquer ses choix de casting de l'époque. On regrettera simplement un ton peut-être trop enthousiaste pour faire vrai - on sait que le réalisateur n'a plus voulu refaire du cinéma après cette expérience - mais en tout, avoir plus de 50 minutes de making-of supplémentaires est un bien bel ajout - et c'est sans compter sur le commentaire audio !. Pour cette édition française, une présentation bienvenue du film par "Le Stagiaire des Affiches" permet de retrouver une présentation passionnée, et nostalgique, de l'oeuvre, comme une cerise sur le gâteau.
En définitive, outre un joli steelbook garni d'une nouvelle illustration de Paul Shipper, cette nouvelle édition de Mystery Men est une réussite sur tous les plans. Permettant de retrouver un ovni du cinéma super-héroïque en HD, garni d'une ribambelle de nouveaux bonus, le film a de quoi satisfaire les nostalgiques d'un film témoin d'une certaine époque, et apporte beaucoup à qui le découvrir aujourd'hui, par rapport à tout le chemin parcouru dans le registre depuis. Un petit immanquable de l'été.
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