Semaine après semaine, et ce même alors que les éditeurs de comics VF prennent quelques temps de pause bien mérités, les comics sont encore et toujours de sortie, l'industrie du comicbook, elle, ne connaissant aucun repos par delà l'Atlantique. Aussi, face à un nombre de sorties hebdomadaires toujours très important la Checklist Comics est de nouveau là, pour tenter de faire le point sur les titres qui sont les plus en vue du moment.
Qu'il s'agisse des grosses sorties indé ou mainstream qui font par elles-mêmes l'actualité, ou des séries plus ou moins confidentielles qu'on tient à vous recommander par leur qualité, la Checklist est là pour vous prodiguer moult conseils de lecture, ou simplement titiller votre curiosité. Bien entendu, notre regard affûté ne saurait être infaillible, et s'il manque l'un ou l'autre de vos titres préférés dans notre sélection non-exhaustive, alors vous aurez tout le loisir de nous en faire part dans l'espace commentaires - c'est ainsi la magie d'internet et des communautés de lecteurs et lectrices. Quoi qu'il en soit, on espère que vos lectures seront bonnes dans tous les cas !
Pour pas mal de gens, la sortie d'un nouvel Ales Kot est un petit événement à l'échelle des comics indépendants. Loin de sa science-fiction d'anticipation habituelle, le bonhomme abandonne (un peu) la politique verticale pour s'intéresser à un sujet autrement plus tapissé : la guerre, ou plus précisément, la vie à travers la guerre. Quelques destins de soldats passés entre le Vietnam et devenus consultants pour les "armées" modernes, déployées dans des théâtres d'opérations urbains, une sorte de chaînon manquant entre Platoon et Triple Frontier. Douce-amère, brutale, mélancolique devant ces trajectoires de soldats brisés, Lost Soldiers a la gueule d'une série de Garth Ennis, en particulier avec ces dessins de Luca Casalanguida en élève parfait de Goran Parlov. A voir comment le bonhomme mènera sa réflexion, déjà très engageante au premier numéro.
La grande entreprise mutante "Dawn of X" accueille cette semaine un nouveau rejeton, qui montre que les comics X-Men en encore de quoi varier dans leurs propos, malgré l'abondance déjà importante de séries. X-Factor nous revient avec une équipe qui, cette fois, doit s'occuper des cas de disparitions et de morts supposées des mutants de Krakoa dont le Cerebro de Xavier n'arrive plus à détecter l'empreinte - à ceci d'important puisque le nouveau statu quo de la nation mutante vis à vis de la mort se doit d'être strictement respecté. Northstar enquête donc sur la mort supposée de sa soeur Aurora et entraîne avec lui quelques mutants de seconde zone, tels que Polaris ou Daken. Leah Williams sait utiliser le caractère de chacun pour avoir un numéro à la fois sérieux dans ses enjeux, mais également prompt à utiliser des ressorts comiques pour une lecture légère, et au final franchement intéressante pour son concept. On explore ainsi également quelques aspects plus "bureaucratiques" dans la façon de fonctionner de Krakoa, cette introduction over-sized permet de poser toutes les bases sans un faux effet de surprise sur la fin. Dès lors, c'est l'invitation à poursuivre la lecture si l'introduction vous a plu. En outre, David Baldéon continue de se ranger parmi les artistes espagnols les plus solides dans leurs travaux, le dessin étant travaillé, généreux sur les planches, et le style un peu cartoony allant très bien avec l'ambiance générale. On recommande, donc, vous l'aurez compris.
Plus de deux ans se sont écoulés depuis la sortie du onzième numéro de Black Magick, la très sympathique série mêlant polar et sorcellerie (aux influences païennes et magie noire, pas de baguettes magiques par ici) de Greg Rucka et Nicola Scott. Une fenêtre qui aura largement permis à Glénat Comics de proposer les deux premiers tomes en VF, et l'heure est donc venue de se remettre à la VO. Rowan Black n'est pas des plus heureuses dans son quotidien après les évènements du dernier tome, mais continue de faire usage de ses pouvoirs au cours de ses enquêtes alors qu'il se trame de nouveaux de sombres desseins en ce qui comporte les praticiens de la magie noire, qui n'en finissent plus d'en avoir après notre héroïne. L'approche de Rucka est toujours mature, avec un cocktail mature qui n'hésite pas à verser dans les scènes coquines assez explicites, et cette première reprise de la série se fait encore de la douceur. Un peu de magie, du sexe donc, une enquête à résoudre et quelques premières pistes sans que l'intrigue principale ne soit encore trop effleurée. De quoi, donc, se remettre dans le bain, tout en profitant des sublimes dessins de Nicola Scott, auxquels la colorisation tout en niveaux de gris avec quelques touches de couleur confère un charme qui, depuis les débuts du titre, ne tarit pas.
Vu de l'extérieur beaucoup ne s'en rendent peut-être pas compte, mais la série Tortues Ninja d'IDW Publishing est certainement le projet le plus ambitieux à suivre sur le long-terme depuis l'invention de ces personnages. Pire, le titre met même une petite mandale à ces sagas de super-héros qui vont et viennent au gré des runs et des obsessions éditoriales : en dépit de la passation de pouvoirs opérée entre Waltz et Campbell, les Tortues poursuivent une longue saga éparpillée sur plusieurs séries. L'annual de cette semaine se connecte à l'excellente Shredder in Hell pour dessiner l'avenir d'Oroku Saki après son combat contre le dragon, en continuant de poser des questions de fond sur cette mythologie. Les Tortues peuvent-elles exister sans un Shredder ? Krang a-t-il de la valeur passé le stade du dictateur cosmique dans son grand château ? Au-delà des héros, les vilains de la saga évoluent, dans un ensemble en perpétuel mouvement. Difficile de dire pourquoi avoir proposé un Annual précisément, si on tient compte du fait que la série repose moins sur une logique de "numéros" marquants et plus sur une idée de flot ininterrompu qui construit et bouge systématiquement d'un statu quo à l'autre. Reste que le rythme, les dialogues et les dessins sont réussis, que ce type de moments pour présager de l'avenir sont importants et que l'Oroku Saki en pleine rédemption est le meilleur Oroku Saki. Vivement les cent prochains numéros.