Disclaimer : Cet article a été rédigé par Thomas Mourier, rédac’ chef de Bubble. Retrouvez ses articles ici.
Si on vous parle d’un auteur de BD américaine traduit dans plusieurs langues, dont l’œuvre va être adaptée par les réalisateurs français les plus en vues, vous vous dites sûrement “quelle vie incroyable que celle d’auteur.” Adrian Tomine vous invite à regarder de plus près son quotidien.
Alors que son dernier recueil Les Intrus est en train d’être adapté au cinéma par Jacques Audiard & Céline Sciamma et va probablement devenir un must-have au moment de la sortie du film (lisez-le dès aujourd’hui ! Notre coup de cœur ici) Adrian Tomine revient sur ses 20 ans et quelques de carrière, son enfance de fan de comics et son travail actuel dans un album drôle et touchant.
Depuis son enfance où le jeune Adrian sait qu’il fera de la bande dessinée, clame son amour pour John Romita et les publications Marvel ; jusqu’à ses dernières séances de dédicaces ou la réception de son faux-prix à Angoulême, son parcours est jalonné d’humiliations ou de moments gênants. Ne croyez pas à la célébrité, qu’être un auteur qui fait la couverture du prestigieux New Yorker ou dont les livres sont traduits dans plusieurs pays fait de vous une star...
Avec une grosse dose de cet humour pince-sans-rire qui a fait son succès, cette fois c’est le dessinateur lui-même qui devient le héros un peu loser de ses histoires. Le dessinateur rappelle à travers ses saynètes que la vie d’un auteur de bande dessinée se rapproche plus d’un marathon avec son lot de petites victoires, d’embûches & de fatigue que d’une course facile vers les honneurs.
Une série de courtes scènes à chute qui opposent le fantasme à la réalité, où l’auteur maltraité par ses camarades à l’école pour son côté geek, par les fans qui le confondent avec Neil Gaiman ou Daniel Clowes, pour ses dédicaces ratées avec des libraires qui n’aiment pas son boulot, des interviews forcément ratées, de son ego malmené… jusqu’à l’événement qui va bouleverser sa vie et le pousser à réfléchir sur sa vie.
Si l’album se présente comme un fac-similé de carnet de notes, avec ses petits carreaux, son signet et sa couverture façon Moleskine, c’est que l’auteur y consigne des notes importantes. Il y fait le point sur sa carrière à travers ces moments gênants, ces pointes humoristiques ou encore conversations touchantes qu’il nous offre à lire pour résumer son humeur quand il décide d’entamer ce calepin.
Il met en scène sa famille, sa relation aux autres, sa peur de l’échec ou l’incertitude de l’auteur qui se livre à chaque publication ouvrant un boulevard aux doutes et aux critiques. Au fond, qu’est-ce qu’un artiste questionne de l’alter ego du dessinateur ? Qu’est-ce qui justifie de passer tout son temps devant une feuille alors que l’on pourrait profiter de sa famille ou ses amis ? Une interrogation honnête de la part d’un auteur devenu l’une des signatures les plus prisées de la scène indépendante de la BD américaine.
Derrière un final qui relie tous ces épisodes anecdotiques, Adrian Tomine réussit le pari de parler d’amour, d’angoisse et de sentiments avec humour sans verser dans le cynisme. Il trouve un équilibre entre la sincérité de ses propos et le ridicule véhiculé par les situations choisies pour nous confronter à nos propres émotions. Une idée renforcée par la mise en scène du dessin au stylo sur petits carreaux. Un dessin pas si éloigné du carnet de croquis, du carnet de voyage avec son trait noir unique pour les personnages, des hachures pour donner corps aux situations et des décors réduits au minimum.
Si les amateurs de Tomine (Les Intrus, Blonde platine, Loin d’être parfait, Scènes d’un Mariage Imminent) et les fans de BD indé américaine seront ravis de tous les clins d’œil, les lecteurs découvrent surtout l’envers du décor de cette profession qui manque de reconnaissance. Derrière son côté faussement léger et son format atypique, La solitude du marathonien de la bande dessinée est l’un des albums indispensables de cette rentrée.
La solitude du marathonien de la bande dessinée d’Adrian Tomine, édité chez Cornélius est disponible ici.