Il n'aura échappé à personne que le début du reconfinement de ce mois de novembre s'accompagne d'un vif débat pour les industries du secteur culturel. A savoir, celui de maintenir ou non la décision du gouvernement de fermer les librairies, rangées dans la catégorie des "commerces non essentiels", comme lors du premier confinement du printemps dernier. Entre temps, les choses ont changé pour beaucoup de ces petites entreprises, avec, notamment, la mise en place quasi-systématisée du Click & Collect (ou "clique et collecte" selon la loi Toubon) - dont on vous rappelait l'importance il y a peu.
Malgré tout, le débat n'est pas prêt de prendre fin, d'autant plus que les arguments de part et d'autres s'alignent mal avec de curieuses décisions gouvernementales (pardonnez ce parti pris). Face à la concurrence déloyale que représentent des géants non-spécialistes, à l'image de la Fnac ou Darty, autorisés à poursuivre leur activité contre des librairies condamnées à rester fermées (sous couvert de vendre du matériel téléphonique ou informatique considéré comme "essentiel"), le gouvernement a simplement opté pour interdire à ces structures la vente de livres, BD, comics et compagnie. Il en va de même pour les rayons culturels de grandes surfaces qui, pourtant, restent ouvertes elles-aussi.
Le débat a ceci de compliqué que personne n'est logé à la même enseigne. Les grandes librairies à plusieurs dizaines d'employés n'ont pas les mêmes contraintes à gérer qu'une boutique qui n'en comptera qu'un ou deux. L'ensemble des acteurs du marché du livre, auteurs, artistes, libraires et même éditeurs, ont pris leurs positions : d'un côté, maintenir les sorties pour entraîner l'achat auprès du libraire ; de l'autre décaler pour attendre que les livres puissent trouver un public plus vaste une fois les boutiques accessibles au public. Pour les commerces du livre, des auteurs comme Riad Sattouf ou Joan Sfar, à l'énorme aura médiatique, militent pour l'ouverture de ces lieux d'échange. On n'aura d'ailleurs jamais autant parlé des librairies que ces derniers jours, là où ce secteur d'activité recule progressivement d'années en années (avec 15% d'emplois détruits en l'espace de dix ans face à la concurrence du e-commerce), sans que grand monde ne semble s'en émouvoir. L'initiative pourrait paraître louable aux premiers abords : la culture, c'est vital. La preuve, il y a même des gens qui en font leur métier.
Le problème n'est hélas pas aussi unilatéral, et se compose d'une multitudes de cas particuliers contre lesquels les généralités n'ont rien de raisonnable ou de bénéfique. Les débats sur les réseaux sociaux virent très facilement à l'empoigne, aux noms d'oiseaux et à une polarisation en deux "camps" d'autant plus dommageable que l'on parle ici d'art, de divertissement. Certains librairies aimeraient rouvrir leurs porte, au terme d'une année difficile ; d'autres souhaitent pouvoir se protéger contre le risque de la contamination et parier sur les initiatives mises en place - livraison, Click & Collect - parce que personne n'ignore les risques liés à la pandémie, les raisons du reconfinement actuel, et la capacité de chacun à patienter pour acheter le prochain bouquin. Même si tout le monde doit évidemment garder en tête les dommages économiques qui se dessinent à l'horizon de ce secteur d'activités. Il y a une chose en revanche, sur laquelle il ne peut y avoir de débat : la santé des personnes doit passer avant l'économie.
Malgré tous ces aspects débattus, la parole des concerné(e)s, c'est à dire des employés de librairies (autres que les patrons) n'est pas celle que l'on a le plus entendu - cet article est d'ailleurs là pour aider à cette visibilité, amoindrie par la virulence des échanges sur Twitter. Plusieurs voix ont déjà pu se faire entendre par le biais réseaux sociaux, et un appel à témoignages vient d'être lancé de la part de Christopher Maloine, libraire chez Comics Zone, le patron Kader Chaibi ayant également fait un appel à ne pas rouvrir les librairies, tout comme d'autres professionnelles du milieu comme l'éditrice et traductrice Marie-Paule Noël. Nous relayons leurs messages ci-dessous, ces derniers étant assez explicites pour que nous n'ayons besoin de les commenter.
L'essentiel étant de rappeler que vous pouvez soutenir les éditeurs et votre libraire sans vous rendre en boutique. En espérant que le débat puisse se faire à voix égales - et surtout, que la discussion aille vers l'écoute de chacun, à un apaisement dans le milieu que le gouvernement semble pour le moment incapable de générer.
Non, le livre n'a pas disparu ! Non, l'accès à la culture n'a pas disparu ! Non, il n'y a pas qu'Amazon qui livre du...
Publiée par Kader Chaibi sur Mardi 3 novembre 2020
??AMIS ET COLLÈGUES LIBRAIRES
— Christopher Maloine (@ChrisMaloine) November 3, 2020
???? APPEL À TÉMOIGNAGES
Politiques, professionnels, et personnalités sont pour la réouverture des librairies.
Mais qu’en est-il des employés ?
La parole n’est pas libre.
Par peur des conséquences.
Regroupons nos témoignages (meme anonymes).
Ça fait plusieurs fois qu'on m'envoie le lien vers la pétition pour la réouverture des librairies, à l'initiative du...
Publiée par Marie-Paule Noel sur Mardi 3 novembre 2020