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Wonder Woman 1984 : du coeur, mais toujours trop de défauts

Wonder Woman 1984 : du coeur, mais toujours trop de défauts

ReviewCinéma
On a aimé• Hans Zimmer formidable
• Une introduction réussie
• Un climax poignant
• Wonder Woman reste convaincante sur grand écran
• Les vilains sont plutôt réussis
• A voir sur grand écran, vraiment
On a moins aimé• Action en demi-teinte
• Un manque d'iconisation
• Chris Pine
• Une caractérisation HORRIBLE de Wonder Woman
• Le discours patriarcal qui ne pouvait pas être moins à propos qu'ici
• Une niaiserie qui n'est sauvée que parce que : 2020
Notre note

Avant-propos : j'ai pu assister à une projection en salles de Wonder Woman 1984 et nous remercions Warner Bros. France pour avoir permis cela, dans les circonstances particulières. Mon idée première était de ne mettre en ligne la critique que lors de la venue en salles du film en France, pour coïncider avec la réouverture des cinémas, et participer à l'effort de soutien envers ce secteur. Ceci étant, il serait vain d'ignorer que Wonder Woman 1984 sera au centre, déjà, de nombreuses discussions, étant donné sa sortie sur HBO Max et le piratage qui en découlera, inéluctablement. De la même façon que la plupart des médias français n'ont pas attendu l'arrivée de Disney+ pour parler de The Mandalorian, il serait naïf de faire comme si ce piratage n'allait pas exister. Néanmoins, ce préambule est là pour expliquer les conditions de projection du film et de l'expérience qui en a découlé. Car malgré tous les défauts listés et le ressenti général sur le film, il me semble important d'insister sur le fait qu'un tel blockbuster mérite d'être découvert en salles, et que le meilleur matériel vidéo et audio ne saura retranscrire la puissance de certaines images, ou l'efficacité, en ce cas précis, de la partition de Hans Zimmer. 


Un peu plus de trois ans après une entrée triomphale en solo sur les grands écrans, Wonder Woman revient au terme d'une année 2020 particulièrement compliquée, tant pour le secteur du cinéma que pour le monde en général. Pandémie, crise économique, crise sanitaire, crise culturelle : et si la super-héroïne pouvait apporter un message d'espoir bienvenu et nécessaire ? Et si Wonder Woman 1984 pouvait apporter un peu de douceur dans une année où les adaptations de comics auront quasiment toutes désertées les salles de cinéma, pour attendre un moment plus propice pour se montrer au public ? Et si Patty Jenkins avait été visionnaire et avait prévu que le message de son grand final serait on ne peut plus à propos pour ce qui a secoué le monde en 2020 ? Un tel message réussit-il à faire oublier quantité de maladresses ou de répétitions thématiques, que l'on pouvait excuser pour un premier film, mais on ne peut plus irritantes sur un second opus ? Vous l'aurez compris à cet enchaînement de questions rhétoriques : Wonder Woman 1984 n'est pas une franche réussite. Et pourtant, il s'en dégage quelque chose de particulier qui donne envie de lui laisser encore une chance, au sein d'un univers DC Comics qui continue de souffler le chaud et le froid avec ses personnages les plus iconiques.

Acceptable in the 80's

On abandonnait Wonder Woman à la fin de son film, avec moult responsabilités dans le monde des hommes ; alors que pourtant Zack Snyder (crédité à la production, encore et toujours) nous expliquait avec Batman v Superman et Justice League que l'Amazone avait préféré se reclure suite au sacrifice de son Steve Trevor - et à la découverte du mal dont sont capables les hommes, Wonder Woman 1984 nous tisse une toute autre réalité. Quelques décennies ont passé depuis la 1ère Guerre Mondiale ; Diana Prince s'est finalement fait à notre civilisation, et alterne entre son travail d'archéologue et ses occupations (routinières) de super-héroïne, en prenant bien soin de conserver un statut de légende. C'est à dire qu'il faut effacer toute preuve et capture d'images, maintenir le secret sur sa présence - sauf auprès des enfants à qui on fera un petit clin d'oeil complice après un sauvetage.


Cette préoccupation se retrouvait d'ailleurs déjà plus tôt sur écran dans The Old Guard, et l'idée est donc ici similaire - de façon aussi à expliquer pourquoi, au moment de BvS, on ignorait encore la présence de Wonder Woman. Comme dans l'adaptation du comicbook de Greg Rucka, Diana éprouve, du fait de sa quasi-immortalité, un certain sentiment de solitude. C'est à dire qu'elle erre, seule à table, sans trop d'amis, mais surtout sans son mec, Steve Trevor, décidément toute sa raison de vivre. Et si de lire ça vous fait déjà grincer des dents, autant vous dire que vous allez grincer sévère par la suite.

Le quotidien de Diana est bouleversé après un casse manqué qui révèle la présence d'un artefact curieux, visiblement très ancien, sur lequel le département dans lequel elle travaille dépêche une collègue, Barbara Ann Minerva, d'étudier. Cette dernière a beau être intelligente, pleine de ressources, elle souffre d'un manque de reconnaissance important, d'être celle à qui on adresse pas trop la parole. L'artefact mystérieux, on le découvre assez rapidement, permet visiblement d'exaucer le voeu le plus cher de celui qui la tient. Diana et Barbara ont leurs propres envies, mais la pierre est aussi convoitée par Maxwell Lord, entrepreneur pétrolier sur le déclin, dont les plans vont entraîner peu à peu une métamorphose globale du monde qui ira courir à la catastrophe, puisque tout le monde en souhaite toujours plus.


Partant de cette idée, Wonder Woman 1984 brosse une intrigue pas inintéressante, sur fond de discours sur les envies propres de chacun, l'impossibilité de tout avoir, et l'importance de ne pas vivre dans le mensonge ; le contexte des années '80 sert surtout pour l'ancrage visuel, plutôt réussi (avec une utilisation du grain à l'image pour faire croire à un film d'époque), mais place aussi un contexte politique qui aura son importance au fur et à mesure de l'intrigue. Au bout des deux heures et trente minutes, on se rend compte malgré tout d'un certain nombre de longueurs, et surtout que ce nouvel opus de Patty Jenkins n'arrive pas à surprendre, à entraîner son spectateur sur la durée. Le film se suit avec une attention polie, sans réussir à déchaîner les passions. Et si le déroulé se fait de façon assez similaire avec le précédent film (notamment dans l'utilisation, ici, d'un Steve Trevor qui découvre le monde qui a évolué en cinquante ans, comme Diana découvrait le monde des hommes dans le premier opus), il n'y a pas de séquence qui a la force d'un "No Man's Land". Fort heureusement, la bouillie de CGI sera ici plus agréable à regarder, quoi que le rendu de Cheetah aurait pu être perfectible.

Par le pouvoir de l'amour, bis

Plusieurs problèmes résident à l'image : d'une part, des scènes d'action qui manquent clairement de punch. On apprécie la façon dont Patty Jenkins filme Wonder Woman, tandis que Gal Gadot essaie d'insuffler quelques mouvements grâcieux, en souplesse, pour ne pas faire que démonstration de force brute. L'actrice s'en sort assez bien quand il faut être une super-héroïne, mais nous rappelle les faiblesses de son jeu dans le reste. C'est à dire qu'en réalité, il n'y a guère que Minerva (Kristen Wiig) et Maxwell Lord (Pedro Pascal) qui semblent un peu s'amuser, le reste du casting étant assez atone, sinon désagréable - mention spéciale à Chris Pine, insupportable de bout en bout. La réalisatrice n'arrive pas, d'autre part, à iconiser Wonder Woman. Même dans les moments qui se voudraient les plus épiques, il sera difficile de se prendre au jeu de ce qui est montré - et l'Amazone souffrira ici forcément de comparaisons à ce qui a été fait chez DC auparavant, le cas Superman en particulier. 

Ces problèmes d'ordre visuel restent néanmoins, au final, assez commun dans ce type de productions, et on aurait tort d'être plus sévère avec Wonder Woman 1984, qui réussit malgré tout certains jolis morceaux de bravoure, et a également le cran de ne pas résoudre son climax à force de bourre-pifs en CGI (il y en a un peu, mais ça reste au final assez anecdotique). C'est à dire que si le film se regarde sans entrain sur les 3/4 de son déroulé, on ressent dans un dernier morceau une épiphanie de Patty Jenkins, comme si la réalisatrice avait anticipé ce qu'allait être 2020 pour la plupart du monde, et instillé images et valeurs à l'écran en réponse directe. Un message de résolution qui, dans des temps normaux, serait sûrement passés sous l'autel du cynisme et du gnangnan mais qui, là, particulièrement, pourrait même faire taire les plus sarcastiques. Et qui aura très certainement une résonnance personnelle en fonction du parcours de chacun cette année. Un petit tour de force, qui n'en fait pas pour autant oublier les écueils du film  (et encore une fois, la contradiction de la fin avec ce que Zack Snyder fait du personnage dans Justice League), et quelques défauts particulièrement rédhibitoires.

Vous aimez le patriarcat ?

On avait en effet souvent tendance à critiquer le "féminisme" revendiqué de Wonder Woman, et si vous aviez des choses à redire sur l'importance de Trevor dans la façon dont l'héroïne se définit, l'opus 1984 en fera hurler plus d'un. C'est à dire que la romance entre les deux ne prend pas au vu des jeux d'acteurs, mais est surtout insupportable dans ce qu'elle sous-entend vis à vis de la façon dont Wonder Woman se construit, et de façon plus générale sur l'émancipation féminine. On sait que Wonder Woman est un symbole d'amour, mais quand on parle de cet amour, il se veut universel, et pas uniquement cantonné à une seule personne. Et qu'on fasse comprendre pendant deux heures que Diana ne peut absolument pas être complète sans un homme dans sa vie, ou que Steve soit encore une fois forcé de se "sacrifier" pour que Wonder Woman puisse être en pleine possession de ses capacités, c'est quelque chose que l'on n'aurait pas imaginé voir dans ce type de film, encore moins pour cette héroïne, qui mérite bien plus que cela. Une conversation entre Barbara et Diana qui fait s'effondrer le test de Bechdel en deux minutes chrono' risque de faire rentrer le film dans les annales, mais pas pour de bonnes raisons. 

On a du mal à comprendre comment Patty Jenkins et Geoff Johns ont pu laisser une telle caractérisation et de tels propos sur les relations amoureuses transparaître sur une oeuvre hyper grand public. Comme on ne comprend pas cette volonté de vouloir absolument définir le bonheur par le couple (hétéronormé, qui plus est), le message étant aux antipodes de ce que Wonder Woman est censé incarner comme figure, notamment auprès des plus jeunes spectatrices. On pourra certainement le prendre comme une trahison d'écriture, qui ira avec d'autres fautes plus ou moins graves. Comme les curieuses envie de Barbara Ann Minerva, utilisée dans plusieurs séquences pour faire un constat sur le harcèlement de rue - mais qui au final, cherche à être surtout reconnue pour son physique. Ou le pathos de Maxwell Lord (au demeurant, un bon pastiche d'un Donald Trump wannabe) qui expédie bien trop rapidement ses motivations intrinsèques - alors que sa rédemption est elle aussi digne d'un cliché de film de Noël. Chose amusante d'ailleurs, au vu de la dernière séquence (mais dont on nous garantit qu'elle n'est pas issue de reshoots, mais intégrée au montage initial lorsque le film était prévu pour novembre 2019).

 

Hans Zimmer à son meilleur

Ceci étant dit, on terminera cette revue par l'un des points forts du film, si ce n'est son point le plus fort : la bande-son d'Hans Zimmer, qui se savourera d'autant plus avec l'équipement adapté, et dont l'expérience en cinéma multiplie l'intensité de ce qui est présenté, quand bien même les images ne suivraient pas. Dès l'introduction du film (une séquence flashback sur Themyscira par ailleurs réussie), Zimmer propose certainement ce qu'il a fait de plus enjouant ces dernières années, et ce qu'il y a sûrement de meilleur dans son apport aux films DC, juste après le score de Man of Steel. Le compositeur se permet même de réutiliser dans un tout autre contexte l'une de ses plus belles partitions pour cet univers, et quand vous reconnaîtrez ces notes tout en vous rappelant du titre de cette musique, il sera difficile de ne pas faillir à l'émotion. L'ancien thème de Wonder Woman, pas forcément la plus grande réussite, est finalement assez bien utilisé, mais le nouveau thème lié à Themyscira fonctionne du tonnerre, celui de Maxwell Lord, aux somptueux accents de hautbois, évoque les partitions auxquelles Lex Luthor avait droit avec des notes sautillantes, et celui de Cheetah a également quelque chose d'envoutant. Une réussite franche qui donnera envie de vous remettre l'OST dans les oreilles des jours suivant la séance.

Un constat général au sortir de Wonder Woman 1984 : le second opus se laisse regarder, sans réussir à convaincre ou à charmer. Gal Gadot convainc en héroïne même si Patty Jenkins peine à l'iconiser, mais le film souffre d'une histoire qui ne fonctionne que dans son ultime quart d'heure, et d'une caractérisation particulièrement agaçante de l'Amazone et de son bellâtre, pour ne pas dire effrayante dans ce qu'elle sous-entend sur la super-héroïne et de son rapport aux hommes. Pour qui ne recherche rien de plus qu'un divertissement, et ce grâce à son duo de vilains plutôt réussi, Wonder Woman 1984 devrait suffire à passer un bon moment, et surtout parce que Hans Zimmer se démarque en étant à l'origine de LA réussite de ce long-métrage. Du reste, on vous invitera à profiter d'une expérience sensorielle complète dans les salles de cinéma, ne serait-ce que pour cette OST. Parce que malgré tous ses défauts, on apprécie aussi Wonder Woman 1984 pour ses qualités, dans les conditions de projection pour lesquelles il a été pensé. 

Arno Kikoo
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