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Les Lames d'Ashura : science-fiction, danse et pirates du rail

Les Lames d'Ashura : science-fiction, danse et pirates du rail

ReviewAnkama
On a aimé• Les personnages ultra attachants.
• La poésie qui déborde à chaque page.
• Les splashs pages pendant les scènes de danses, somptueuses.
On a moins aimé• Le dessin qui devient parfois un peu imprécis à l'arrière plan.
• Certains personnages secondaires qui mériteraient plus de mise en avant.
Notre note

Article rédigé par Jaime Bonkowski

Au croisement de Mad Max et de Transperceneige : Les Lames d'Ashura ! Récit de science-fiction poétique sur un clan de pillardes dans un univers steampunk mystique, le dernier titre du Label 619 signé Baptiste Pagani frappe très fort.

Braquage et locomotives

Sur le continent de Kalandra, toute la vie économique est réglée sur le rythme des trains, qui parcourent tout le territoire. Mais là où les convois de commerce passent sans discontinuer, les pirates du rail pullulent, organisés en clan plus ou moins réputés et dangereux. Les Lames d'Ashura forment le gang le plus tristement célèbre de bandits. Communauté nomade composée quasi-exclusivement de femmes, elles écument les voies de chemin de fer en dévalisant sans pitié la moindre cargaison de valeur.

Et au cœur du clan, trois de ses membres brillent particulièrement : la pieuse Shota, l'imprévisible Ikari, et Osman, seul garçon de la communauté. On suit donc leurs aventures de pillage en pillage, jusqu'à ce qu'un plan pour dérober la statue d'une ancienne déesse vienne mettre en évidence les failles internes de la famille, ouvrant la porte à une guerre sororicide.


Barbarie et poésie

Les Lames d'Ashura est un titre assez exceptionnel à bien des égards. Pour son histoire en premier lieu : Baptiste Pagani installe un univers captivant au croisement de Transperceneige, Mad Max et Fullmetal Alchemist, fruit d'une demi-douzaine d'années de maturation dans son esprit. On est tout de suite happé par l'ambiance mystico-futuriste aux penchants orientaux de Kalandra, et on se plait à imaginer les us et coutumes des différents peuples qu'on croise dans l'histoire.

Ses personnages sont très attachants à leur manière. La rivalité entre Ikari et Shota, les relations entre les membres du clan, leurs rapports avec le monde extérieur, tout est convaincant. Mais le personnage le plus intriguant est sans aucun doute Osman, seul frère des Lames au passé mystérieux. Élevé parmi les guerrières du clan, il est passionné par la danse et a développé un style de combat alliant l'élégance de ses chorégraphies à sa maîtrise de l'épée. Fidèle aux valeurs de sa communauté mais animé par un rêve bien personnel, on suit avec passion son évolution au cours de l'histoire.

D'un point de vue graphique, ensuite, Baptiste Pagani démontre une maîtrise époustouflante de l'aquarelle. Que ce soit pour ses décors évoquant des steppes asiatiques et des villes du Moyen-Orient ou les designs de ses personnages à mi-chemin entre des Huns et Ghost in the Shell, il impose son univers très particulier mais indéniablement réussi. Les scènes d'action quant à elles sont impressionnantes : on ressent le rush et l'urgence du braquage des trains, les styles de combat des personnages sont variés, et la violence est crue sans être gratuite.

Il fait aussi montre d'un grand talent dans la composition de ses planches. Toujours bien équilibrées avec de jolis jeux de symétrie et de parallèle, son storyboarding est presque cinématographique. Une impression renforcée par les mouvements dans ses cases : tout va vite, fait du bruit, se cogne... Et cette frénésie, suspendue seulement durant les scènes quasi-oniriques à bord du Samsara ou lorsque les personnages dansent, installe un rythme au pas de course dans le récit.

Enfin, à travers son intrigue, l'auteur distille un message essentiel sur la place de la religion, de l'art, du plaisir et l'acceptation de soi dans la société. Pertinent mais pas moralisateur, poétique et philosophique, l'album trouve son équilibre entre la violence des combats et la progression morale et spirituelle des personnages. Deux dimensions parfaitement maîtrisées par l'auteur qui donnent une réelle profondeur à l'histoire.

Une bouffée d'air frais féminin

Sans s'appesantir sur son sujet et arriver avec de gros sabots, l'auteur met un point d'honneur à placer au centre de son œuvre une communauté de femmes et une majorité d'héroïnes. Et le seul personnage masculin important est très éloigné des canons du genre. Il est maquillé, passionné par la danse et préfère la grâce d'une chorégraphie à la brutalité d'un combat, ce qui ne le rend pas moins attachant et badass.

Mais surtout, on discerne dans Les Lames d'Ashura la volonté de mettre en avant des femmes sans faire primer de facto le discours militant sur l'action et l'intrigue. L'auteur est avant tout animé par le plaisir de s'intéresser à des types de héros différents de ce dont on a l'habitude, et ses personnages sont flamboyants peu importe leur genre et leur corps. C'est assurément là une tendance qu'on aimerait croiser plus souvent en bande dessinée. Enfin, le Label 619 propose de prolonger l'expérience avec le site lamotherbase sur lequel on peut télécharger gratuitement une version enrichie et annotée du cahier graphique concluant le livre, ainsi qu'un boutique en ligne avec des goodies issus des univers de 619.

Moderne et captivant, Les Lames d'Ashura est un titre à ne pas manquer en ce début d'année. Un univers riche, des personnages originaux, une intrigue très bien ficelée, des graphismes magnifiques : tout y est pour ravir le lecteur. Foncez donc en librairie, vous aurez rarement aussi bien dépensés 18€90.

- Vous pouvez commander Les Lames d'Ashura à ce lien.

La Redac
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