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The Mask Intégrale : le port du masque est obligatoire

The Mask Intégrale : le port du masque est obligatoire

ReviewIndé
On a aimé• Tout
On a moins aimé• Les séries qui ne sont pas signées par le duo d'origine sont un poil moins réussies (mais on pinaille pour le plaisir de pinailler, car la perfection n'existe pas)
Notre note

Article rédigé par Jaime Bonkowski

Un visage vert caoutchouteux, des grands yeux à la Tex Avery, une bouche à faire se pâmer de jalousie le Joker : les plus fins détectives (ou ceux qui ont juste lu le titre de l'article) n'auront pas manqué d'identifier de qui on va parler : The Mask. Car avant d'être (plutôt bien) adapté au cinéma par un Jim Carrey au top de son talent, The Mask c'est avant tout une référence cultissime du comics indépendant. Publié initialement chez Dark Horse Comics, le personnage ira faire quelques détours chez DC en cours de route, à l'occasion de quelques crossovers inespérés tels que The Mask/Joker ou encore le légendaire The Mask/Lobo - oui oui je vous jure ça existe.

Violent, irrationnel, fou dangereux, anti-héroïque : le Mask des comics est très éloigné de la version édulcorée mise à l'écran par Hollywood, et ses aventures sont juste jouissives. Pour la sortie du troisième tome de l'intégrale de la série par Delirium, retour sur le personnage le plus chaotique des comics.

Au bal masqué...

La première mouture du Mask est imaginée en 1985 par Mike Richardson, scénariste et fondateur de Dark Horse Comics. Mais la recette ne prend pas, et c'est en 1989 qu'une nouvelle version de l'anti-héros verra le jour sous la houlette de John Arcudi et Doug Mahnke. Anarchique, ultra-violent, désinhibé au possible : on retrouve dans cette première série tous les ingrédients du comics indépendant qui tâche et qui frappe fort, si caractéristique des années 90', enfant bâtard du punk déchu et du grunge à son apogée.
 
Chaque aventure de la série repose sur la même structure : quelqu'un, souvent un looser, met la main sur le masque, l'enfile, et devient alors un tourbillon de destruction tout-puissant à la limite de l'omnipotence. Après quelques sévices toujours plus violents et des meurtres aussi élaborés que gores, le "héros" tente de se débarrasser du masque mais sans succès : comme une malédiction, il revient toujours vers son propriétaire jusqu'à ce que la mort l'emporte et qu'il passe à un autre porteur.
 
Exutoire cathartique plus que véritable "héros" au premier sens du terme, le Mask a des allures d'expérimentations graphiques et narratives pour ses auteurs : jusqu'où on peut aller, où est la limite. Dans la violence tout d'abord : le personnage lorgne volontiers dans le gore à la limite du sordide, occasionnant quelques frissons de malaise au lecteur. Son gimmick qui consiste à s'arracher la peau du visage pour dévoiler sa "vraie" face est particulièrement glaçant.
 

 
Au niveau du ton, là encore les auteurs et particulièrement le scénariste jouent avec la ligne rouge, nous présentant un personnage sans aucune barrière morale aussi prompt à démembrer les criminels qu'à massacrer des innocents. Dialogues vulgaires, insultes et vilains gros mots à tout va : on est clairement pas devant de la littérature pour minot.

Un bouillon de cartoons

Bien que s'adressant à un public mature et averti, la série est truffée de références à la culture cartoon, soit d'une manière générale (le look Tex Avery du Mask avec sa grosse tête verte) soit avec des allusions précises (le générique de The Magilla Gorilla Show que chante à un moment le Mask pour n'en citer qu'une). 
 
Et dans les ressorts narratifs comme de l'action, les auteurs puisent à fond dans ces influences : rupture du quatrième mur, invincibilité du personnage qui a le "pouvoir" de tout transformer en gag, comique burlesque ou absurdes (comme sortir un marteau piqueur de sa poche)... Sans se prendre au sérieux mais en démontrant un profond respect pour ses codes artistiques, le Mask apparaît à la fois comme un hommage et une transfiguration du cartoon. Une version "pour adulte" du genre mais fidèle aux règles de sa version "pour enfant". Résultat : le ton de la série est inimitable, fascinant et jamais lassant, au même titre qu'un épisode des Looney Tunes sera toujours drôle car intemporel.

 
Ce parti-pris permet aux dessinateurs des morceaux de bravoure éclatants. Certaines pages sont tout simplement splendides, Doug Mahnke profitant sans retenue des possibilités quasi-infinies de son personnage. Dessinateur original du titre et assurément le plus emblématique, il joue avec le Mask comme avec une figurine en caoutchouc.

Des passages de relais pas toujours égaux

On ressent tout particulièrement l'ambiance borderline du titre lorsque c'est le dynamic duo Arcudi-Mahnke qui est aux commandes. Les deux premiers tomes de l'intégrale leurs sont entièrement consacrés (The Mask et The Mask Returns dans le premier, et The Mask Strikes Back dans le second), tandis que le troisième volume accueille Evan Dorkin et Peter Gross dans la première histoire (The Hunt for Green October), puis Robert Loren Fleming et Gary Erskine (World Tour) avant de revenir au duo d'origine avec La nuit du retour du Ipkiss-Vivant.
 
Force est de constater que c'est sous Arcudi et Mahnke que le titre est le plus percutant, tant au niveau graphique que narratif. Dans cette perspective, le second tome de l'intégrale est indéniablement le meilleur de la série pour le moment (on rappelle qu'un quatrième volume sera publié chez Delirium, clôturant ainsi le cycle d'intégrale). Après avoir cherché leur ton et leur rythme dans les premiers chapitres, on sent que le duo trouve son rythme de croisière et nous propose dans The Mask Strikes Back une véritable masterclass. Ils vont encore plus loin dans la dimension cartoonesque, le gore et la violence, et le dessin de Manhke est proprement exceptionnel.
 
 
 
Après un tel tour de force, normal donc de ressentir une légère baisse de régime lors des passages de relais à d'autres auteurs, qui s'en tirent tout de même très honorablement et nous proposent de très bonnes mini-séries. Particulièrement le duo Dorkin-Gross sur The Hunt for Green October, un pur délire halluciné. Reconnaissons seulement que c'est auprès de ses papas d'origines que le Mask est le plus fantastique.
 
Un agent du chaos sans foi ni loi, aussi drôle que violent et tout droit venu d'une époque où tout était permis, c'est le genre de médication dont on a bien besoin en ces temps moroses. Lecture rafraichissante, patrimoniale et captivante, The Mask est une référence qu'il faut avoir lue, et grâce aux rééditions de Delirium l'excuse du "c'est introuvable" ne tient plus. Alors foncez en librairie et n'oubliez pas : portez un masque...

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La Redac
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