Déjà fort d'un premier spin-off appelé Unkillables, la saga DCeased de Tom Taylor s'offrait au printemps 2020 un second dérivé, en attendant la suite directe (Dead Planet, tout simplement appelé DCeased 2 pour la VF). Sous le titre Hope At World's End, le scénariste offrait un nouveau chapitre qui se déroule en parallèle de son premier acte, ce qui permettra de découvrir d'autres intrigues sur cette Terre en proie à une crise sans précédent, après qu'une version corrompue de l'équation d'Anti-Vie a transformé des millions de personnes en zombies - héros et héroïnes y compris, et là forcément, ça fait des ravages.
Dans le contexte de publication, DCeased : Hope At World's End arrive alors que l'industrie des comics vient de prendre de plein fouet les conséquences du confinement généralisée de mars 2020. Après avoir fait sécession avec Diamond Comics, DC continue les expérimentations pour rattraper les potentiels gains perdus, en misant gros sur ses comics numériques, notamment la gamme Digital First. Pour inciter les lecteurs et lectrices à franchir le pas, outre le fait alors que, naturellement, beaucoup de comicshops étaient fermés à ce moment, l'éditeur à deux lettres mise donc sur ses grosses licences. Ce nouveau chapitre de DCeased n'arrive donc pas à se débarrasser du côté "produit de commande" dans son édition VF, avec un message sous-jacent qui sent clairement le contexte Covidien ; malgré cela, Taylor reste un auteur qui sait livrer, même dans ses approches les moins personnelles, un récit agréable. Déroulons un peu.
Après un bref rappel des faits racontés par l'oeil du reporter Jimmy Olsen, qui vit l'invasion de l'anti-vie depuis les locaux du Daily Planet, DCeased : Hope At World's End nous remet rapidement sur les rails de la série principale, au moment du cinquième numéro de la première mini-série. Après l'explosion d'Atom, Metropolis a été dévastée, et Superman tente de mettre à l'abri tous les survivants dans les quelques hameaux de paix qui restent sur Terre. Parmi ceux-ci, le Khandaq semble tout trouvé, Black Adam ayant eu la force de faire l'impensable, en éliminant toute la population de son pays infectée afin de protéger les autres. Mais le souverain de cette nation refuse d'apporter son aide à Superman et les autres, préférant se protéger dans sa nation. Bien mal lui en prendra alors qu'il restait un infecté. Très rapidement, tout le reste de la planète est mis en danger par un Black Adam corrompu, qui entraîne avec lui toute sa nation et quantité d'autres héros et héroïnes qui succombent à ses coups. Encore une fois, et même si l'on connaît la fin de DCeased, tout espoir semble perdu...
Si la notion d'espoir apparaît dès le sous-titre de ce nouveau chapitre de DCeased, ce n'est pas sans raison. On a rappelé plus tôt le contexte de publication du titre, et il apparaît assez évident que Taylor a largement laissé insufflé ses propres pensées et ses bonnes ondes de soutien au reste de son lectorat par le prisme de la fiction. Face à une apocalypse qui semble inéluctable, comme ont pu le ressentir des milliers de lecteurs et lectrices coincés chez eux, subsiste malgré tout l'espoir, incarné par Superman, évidemment, par une nouvelle génération de héros DC Comics, pour qui l'entraide sera toujours la valeur primordiale. Naïf ? Un an après le premier confinement, certaines tirades peuvent le semble, ou certains appendices - comme ce chapitre d'interlude qui met en scène certaines mascottes à papattes de DC, certes très mignon, mais un peu désuet hors contexte. Un sentiment général bienveillant, à mettre en décalage avec l'atrocité de certains évènements et l'impression de fin du monde qui domine. Car Tom Taylor n'en oublie pas de rappeler que dans DCeased, les moments chocs doivent fuser. A côté, le rapport réel s'immisce aussi lorsque l'on retrouve quelques personnages humains, avec des personnifications plus ou moins réussies de comportements égoïstes/complotistes/réactionnaires, dont chacun appréciera la pertinence au sein de l'histoire.
Si l'on a aimé la recette du premier arc, on ne sera donc pas dépaysés. Le scénariste fait appel à toute une galerie de personnages plus ou moins connus, ce qui permet de les remettre en avant pour le bonheur de leurs fans respectifs. C'est qu'ici, on reconnaît à quel point Taylor s'intéresse à ses personnages, à leurs caractéristiques et leurs personnalités pour les faire évoluer dans ce micro-univers : l'écriture est bonne, touchante, avec quelques passages qui réussissent à arracher une larme. Surtout, l'auteur en profite pour réutiliser quelques héros introduits dans son court run de Suicide Squad : Rénégats, notamment le duo Aerie/Wink, toujours aussi délicieux à suivre. La lecture se fait donc sans déplaisir, avec de réels moments de tension, des personnages tertiaires qu'on ne s'attendait pas à retrouver là. Au final, un add-on qui n'aurait peut-être pas vu le jour sans la pandémie, mais sur lequel Taylor s'exécute proprement.
Sur la partie graphique, le constat sera plus mitigé. Avec le format de publication en Digital First, et un chapitre programmé toutes les semaines en numérique, les dessinateurs sont nombreux à se relayer. Passé l'introduction de Dustin NGuyen, se passent la main Renato Guedes, Marco Failla ou Daniele Di Nicuolo. Chacun tire ce qu'il peut du format imposé, avec ses forces et ses limites - surtout concernant le découpage en demi-planches qui ne permet pas beaucoup de folies. Disons aussi, sans vouloir fâcher personne, que tout le monde n'a pas le même niveau ou la même façon de dessiner héros et héroïnes, ce qui nuit, dans le cadre d'une telle lecture en album, à la continuité graphique et l'harmonie visuelle d'ensemble. Est-ce réellement dommageable pour autant ? Dans ce type de récit, pas forcément - puis le résultat est somme toute dans la même gamme que le précédent spin-off, Unkillables.
Sympathique, mais largement dispensable. Hope At World's End plaira aux amateurs de la recette DCeased, sans chercher à renouveler quoi que ce soit. Taylor profite de ce chapitre supplémentaire pour s'amuser avec quelques unes de ses propres créations, jouer avec des personnages plus ou moins connus, et poursuivre son jeu de massacre dans l'univers DC. Toutefois, contexte pandémique oblige, on retrouvera énormément de sous-textes en lien avec la crise du Covid qui empêchera au titre de s'extirper de son contexte de publication. En attendant la véritable suite, l'ouvrage a de quoi occuper.
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