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Disney rémunère les auteurs de comics à hauteur de 5000 dollars pour les adaptations

Disney rémunère les auteurs de comics à hauteur de 5000 dollars pour les adaptations

NewsCinéma

La question du partage des gains générés par les adaptations de comics agite la toile depuis quelques mois. A l'origine des conversations, le scénariste Ed Brubaker, qui expliquait avoir été mieux rémunéré pour son rôle minime de figurant dans Captain America : The Winter Soldier qu'en tant que créateur du personnage du Soldat de l'Hiver, héros vedette de la saga de Marvel Studios. D'autres ont pris la parole depuis, à l'instar de Todd McFarlane ou Rick Remender, et la rédaction du Hollywood Reporter s'est intéressée au cas particulier des auteurs de comics, grands laissés pour compte du phénomène des films de super-héros.

Les Chiffres

Face à une entreprise qui refuse pour le moment de sortir la tête du sable, une autre antenne de presse s'est penchée sur la situation des professionnels de la  bande-dessinée face à Hollywood. Parti se documenter auprès de Paul Levitz, Ta-Nehisi Coates et quelques artistes anonymes, The Guardian, en la personne du journaliste Sam Thielman, répète beaucoup de ce que le Hollywood Reporter avait déjà dit. Avec une donnée supplémentaire, cela étant : le montant des chèques versés par Marvel Studios aux gens à l'origine des idées portées au cinéma (ou, depuis peu, à la télévision). 
 
L'enquête de Thielman se fixe sur un montant précis de 5000 dollars, versés aux artistes à l'origine des personnages ou des histoires empruntés par Marvel Studios. Plusieurs sources s'accordent sur ce chiffre précis, quoi que celui-ci ne soit pas nécessairement une norme institutionnalisée - certains ont également la possibilité de ne rien toucher du tout. Le versement d'un chèque accolé aux remerciements d'usage, d'un crédit au générique et d'une éventuelle invitation à l'avant-première feraient partie d'un accord tacite, ni obligatoire ni automatisé du côté de Disney.
 
L'entreprise aurait toutefois prévu une faille dans laquelle s'engouffrer, avec "les contrats de personnages spéciaux". Cas de figure relativement rare et pas forcément appliqué en pratique, ce mode de rémunération fige sur papier l'idée que le créateur ou la créatrice de la figure empruntée par les studios ont bel et bien le droit de réclamer une part des profits en cas d'adaptation. Ces contrats se cantonnent toutefois aux personnages, et ne s'appliquent pas aux arcs scénaristiques proprement dits. Il s'agirait même tout bonnement d'un énième trompe l'oeil - une clause facile à faire sauter en cas d'imprévu. Un artiste témoigne anonymement dans les colonnes de The Guardian.
 
"On m'a proposé un contrat pour les 'personnages spéciaux', qui était vraiment, vraiment désavantageux, mais c'était ça ou rien. Mais au lieu d'honorer le contenu de cet accord, ils envoient simplement un mot de remerciement, dans le style 'et voilà un peu du fric qu'on te doit !' et la somme en question, c'est cinq mille. Et vous, vous dites à ce moment là que le film, lui, a fait un milliard de dollars au box office."
 
Certains artistes expliquent même ne jamais avoir entendu parler de cette catégorie de contrats. Thielman a eu l'opportunité d'avoir entre les mains un exemplaire de ces documents (donnée rarissime au sein d'une industrie volontairement opaque sur les conditions d'entrée ou de négociations). En résumé, l'auteur, l'autrice concernée par un "contrat de personnage spécial" doit fournir à Marvel un formulaire dans lequel il ou elle formule une demande officielle ouvrant la possibilité d'être rémunéré en cas d'adaptation de son travail. 
 
L'éditeur se réserve le droit de refuser, ou de considérer que les dérivations de héros connus (ex : Red Hulk, Spider-Gwen, etc) ne sont pas suffisamment originaux pour mériter un crédit ou une rémunération substantielle. DC Comics fonctionne sur un même principe avec les contrats 'd'égalité de création', en apposant un même genre de charte arbitraire : Gerry Conway ne touche par exemple pas un centime pour le personnage de Power Girl, considérée comme une dérivation de Supergirl. L'artiste a confirmé à The Guardian qu'il ne touchait plus d'argent depuis quelques années pour les apparitions de l'héroïne suite à une sorte de mise à jour industrielle où l'ensemble des largesses d'hier auront été mises à plat. Quelque chose a donc changé en interne.
 
Thielman nuance toutefois la comparaison : à l'image de ce qui avait été rapporté par Len Wein, Todd McFarlane, Jim Starlin, etc, Warner Bros. a effectivement plus de facilité à sortir le carnet de chèque depuis la double présidence de Jenette Kahn et Paul Levitz. L'ancien patron de DC Comics a souvent été applaudi pour sa capacité à corriger certains manques - l'article cite l'exemple de quelques créateurs furieux de retrouver leurs idées, leurs dialogues, leur mise en scène à l'image le temps d'une scène sur tel ou tel produit sans avoir été prévenus ou rémunérés, et qui finiront pour la plupart par obtenir réparation après en avoir appelé au sommet de l'éditorial. Levitz aura longtemps servi de rempart entre deux industries, comics d'un côté et cinéma de l'autre, pour éviter aux artistes d'avoir à se battre avec les cols blancs aux avocats surarmés de Warner Bros., à l'étage du dessus. Le bonhomme s'était même battu pour bloquer les projets de suite aux comics Watchmen, en accord avec la volonté d'Alan Moore et Dave Gibbons. Ceux-ci finiront par être validés après sa présidence, qui prit fin au tournant de l'année 2009. Il n'est pas impossible que Conway ne touche plus d'argent aujourd'hui pour Power Girl suite à ce changement de présidence, avec de nouveaux patrons peut-être moins reconnaissant envers les auteurs de BDs.
 
Pour DC et Marvel, l'absence de représentants protecteurs de la taille de Levitz, Kahn ou Karen Berger en marge de la montée des adaptations au cinéma a creusé un dangereux rapport de force pour des artistes qui se contentent aujourd'hui de récolter les miettes. Un ensemble de 5000 miettes en moyenne, un mot de remerciement, et la promesse de pouvoir prendre un selfie avec Kevin Feige si tant est que les créatifs soient intéressés. 
 
Thielman se rapporte encore au cas d'Ed Brubaker et de Steve Epting : invités à la première projection publique du film Captain America : The Winter Soldier, les deux auteurs avaient décidé de se pointer, en smoking, en dépit de leur rancoeur envers Disney. Ils s'apercevront toutefois que leurs noms ne figuraient pas sur la fameuse liste des invités officiels. Un oubli, ou un manque général de considération pour les deux bonshommes responsables du personnage dans lequel le long-métrage pioche son titre, son antagoniste principal et une énorme partie de son scénario. Bloqué devant l'entrée, Brubaker devra envoyer un message à Sebastian Stan, qui quitterra la fête pour faire entrer les deux géniteurs de son double au bras métallisé. Curieuse scène à imaginer - un acteur vedette de Marvel Studios devant justifier au personnel de sécurité que les deux copains ont bel et bien eu un rôle à jouer dans toute la mécanique.
 
Bien loin des sommes que réclame aujourd'hui Scarlett Johansson à Disney, pour de tout autres motifs, la situation des auteurs de comics interroge encore et toujours à l'aune d'une industrie qui représente aujourd'hui plusieurs milliards de dollars (sans même évoquer le sujet plus complexe encore des produits dérivés). Rétroactivement, sur l'ensemble des témoignages de scénaristes ou de dessinateurs concernés par ces chèques de 5000 dollars, la situation environnant la moindre prise de parole devient forcément un peu plus claire : le fait qu'Ed Brubaker a touché plus d'argent pour son rôle dans Captain America : The Winter Soldier (avec une réplique coupée au montage) semble effectivement assez logique, compte tenu de la maigreur de son cachet de créateur.
 
D'autres ont encore moins de valeur aux yeux du vieil Oncle Picsou. Pour avoir posé l'idée du Captain America de Sam Wilson, apparu dans Avengers : Endgame et la série The Falcon & the Winter Soldier, Rick Remender expliquait récemment avoir touché moins que 5000 dollars - son ancien employeur ne lui aura simplement pas versé un centime, considérant probablement que le "Captain Falcon" appartenait à ces fameuses "dérivations" qui ne méritent pas de reconnaissance particulière. A voir si Disney compte encore faire la sourde oreille. Contactés par Thielman pour la rédaction de l'article, l'entreprise se refuse à commenter des cas individuels, malgré l'impression générale d'une norme de plus en plus évidente.
 
Corentin
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