Depuis maintenant quelques années, les discussions autour des représentations des minorités quelles qu'elles soient sont animées dans toutes les sphères culturelles. Longtemps écartées du simple droit d'être représenté, ces dernières revendiquent désormais que les oeuvres de pop culture soient plus inclusives, un message généralement partagé par beaucoup d'équipes créatives, bien que les maisons d'éditions aient parfois quelques récalcitrances à faire évoluer leurs personnages. Si chez Marvel, l'exemple de Wiccan et Hulking est désormais bien connu en ce qui concerne la sphère LGBT+, DC Comics se traîne encore dans les pattes les souvenirs du mariage annulé de Batwoman au cours des New 52, ou d'une Harley Quinn dont la bisexualité pourtant évidente n'est encore tolérée que dans des comics/oeuvres qui se déroulent en dehors du canon.
En 2021, les mentalités semblent évoluer plus rapidement. Quelques semaines après que Tim Drake (Robin) a fait son coming-out bisexuel, il sera bientôt temps pour Jon Kent, le jeune Superman actuellement protecteur de Metropolis, de faire aussi un pas dans cette direction.
DC Comics médiatise en effet une évolution importante de Jon Kent, passé par bien des étapes depuis sa création par Dan Jurgens et Lee Weeks en 2016, au cours de Convergence. Le bonhomme aura grandi très rapidement sous la plume de Bendis, et été installé comme nouveau Superman après Future State, alors que Tom Taylor a pris les commandes d'une série régulière démarrée cet été. La prochaine évolution pour le personnage aura lieu dans Superman : Son of Kal-El #5, à venir au mois de novembre prochain, dans lequel Jon Kent embrasse pleinement sa bisexualité, en entamant une relation avec Jay Nakamura, un jeune journaliste dont le modèle professionnel est Lois Lane, et qui est aussi un réfugié. En outre, Nakamura est aussi quelqu'un qui pourrait (on ne dira pas pourquoi) être un allié de Jon Kent, de quoi mettre les deux hommes sur un pied d'égalité.
Bien entendu, la nouvelle ne tombe pas aujourd'hui par hasard : le 11 octobre 2021 est en effet la journée mondiale du coming-out, et c'est pourquoi Tom Taylor et IGN ont fait par de leurs plans aujourd'hui. A celles et ceux qui voudraient comme souvent conspuer la déclaration comme une simple manoeuvre marketing, rappelons quelques faits. A savoir, que Tom Taylor est un auteur engagé sur ces thématiques depuis de très nombreuses années, ayant réussi à faire se marier Harley Quinn et Poison Ivy dans les comics Injustice, mais ayant aussi créé plusieurs personnages LGBT=, tels que Aerie et Wink pour Suicide Squad : Rénégats.
L'auteur déclare d'ailleurs en interview qu'un grand nombre de scénarios et de personnages ayant des thèmes LGBT+ lui ont été refusés au cours des dernières années. Il explique que les milieux éditoriaux sont désormais plus ouverts et accueillants, et que l'occasion de relancer un Superman au numéro #1 avec un Jon Kent était celle aussi de proposer autre chose, en tant que super-héros, que l'éternelle figure du mâle blanc hétérosexuel qui prédomine et a été l'unique modèle pendant les cinquante (sinon plus) premières années d'existence des comics de super-héros. Comme pour l'idée d'un Clark Kent noir-américain potentiellement amenée par John Ridley, l'idée de faire de l'homme le plus puissant du monde un membre de la communauté LGBT+, qui on le rappelle, est encore opprimée dans de très nombreux pays (pour ne pas dire pire), permettra d'aborder frontalement ces questionnements, à la fois sur Superman vis à vis du reste du monde, mais aussi dans le parcours personnel de Jon Kent, en tant que personne, tout simplement.
De quoi perpétuer l'héritage de Superman, qui depuis sa création en 1938 a toujours lutté pour la justice sociale avant même de s'en prendre à des robots géants ou des aliens. Taylor et John Timms, qui met en scène le baiser ci-dessous, ont à coeur d'avoir un Jon Kent qui ressemble à un jeune d'aujourd'hui - avec au-delà de sa sexualité, la question de ses responsabilités sur d'autres interrogations modernes : sur la crise climatique, les injustices en dehors des Etats-Unis, etc. A voir ce que tout cela donnera dans Superman : Son of Kal-El #5 et la suite de ce run - mais on fait confiance à Taylor qui n'a que rarement déçu pour le moment.