Tandis que la branche live action de DC Films continue de chercher sur quel pied danser, entre des projets s'inscrivant dans une simili-continuité qu'il faudra bien rebooter un jour ou un autre, et des films d'auteurs marqués (Joker et The Batman en tête, mais même The Suicide Squad portait bien plus la patte de son réalisateur que d'autres films sortis entretemps), la branche animation de DC Comics est de retour cet été dans les salles obscures. Tant mieux, dira-t-on, alors que le dernier souvenir qui nous restait était celui de l'excellent The Lego Batman Movie, il y a maintenant cinq ans (puisque nous avons malheureusement été privés de sortie cinéma pour Teen Titans GO! to the Movies). Fort heureusement pour Krypto & les Super-Animaux, dernière production en date, c'est le duo de scénaristes de Lego Batman, Jared Stern et John Whittington, que l'on retrouve à l'écriture (et à la co-réalisation pour le premier). Un point qui permet de rassurer d'emblée : oui, le film est réussi, drôle, et s'adresse autant au jeune public qu'aux adultes. Faisons le point.
Promis, on vous évitera les jeux de mots canins tout au long de l'article, alors que la tentation est grande. Nous disions donc : Stern et Whittington n'ont pas perdu de leur savoir-faire avec Krypto & les Super-Animaux, qui atteste une fois de plus de leur compréhension des héros DC Comics tout en allant distiller un propos bienveillant sur l'amitié et l'acceptation de ses défauts par le prisme des super-pouvoirs. Rien qui n'aurait jamais été entendu ou vu ailleurs, mais la force principale du film est la sincérité de sa démarche. Le long-métrage s'ouvre sur une redite des origines de Superman, lorsque le jeune Kal-El est envoyé sur Terre par ses parents alors que Krypton vit ses dernières heures. Ici, on nous explique que Krypto était le chiot de compagnie de Kal, et qu'il réussit à s'introduire dans la navette de ce dernier juste avant son décollage (en comics, le chien était le sujet d'un vol test avant celui de Kal-El). Les deux grandiront donc ensemble sur Terre et la relation maître-chien qui en découle est plutôt une amitié on ne peut plus forte, Krytpo assistant désormais Superman dans tous ses faits héroïques, allant même jusqu'à porter lui aussi des lunettes pour masquer son identité de super-chien. Comme bien souvent, le décalage entre les manières anthropomorphiques des animaux et leur rendu provoque un humour de situation qui fait souvent mouche. Comme le fait d'avoir des bestioles qui discutent mais, du point de vue humain, ne sont pas compréhensibles - ce qui veut dire que lorsqu'un cochon d'inde maléfique essaie de formuler ses plans diaboliques à un Lex Luthor, l'absurdité de l'échange est savoureux.
La vie de Krypto est bouleversée car son maître adoré le délaisse de plus en plus pour Lois Lane. Bien que Kal-El essaie de lui trouver un nouveau compagnon pour qu'il ait un autre ami que lui, le super-chien, très fier de lui, a du mal avec les autres. Le jour suivant, après que Lex Luthor a encore échoué à dominer le monde, une ancienne cochon d'inde des laboratoires de Luthor, Lulu, recueillie dans un foyer pour animaux, réussit à mettre la main sur un fragment de kryptonite orange, qui lui permet d'obtenir des super-pouvoirs. Décidée à accomplir son plan machiavélique, elle s'en prend à Superman et au reste de la Justice League, tout en mettant à mal Krypto. Fort heureusement, les autres bestioles du foyer ont aussi, au contact de la pierre orangée, obtenu des pouvoirs, et le super-chien va donc pouvoir compter sur eux. Ou pas d'ailleurs. Parce qu'entre le caractère novice de ces compagnons à quatre pattes et la fierté mal placée de Krypto, il va falloir des heures de travail pour réussir à travailler ensemble. Vous l'aurez compris à la lecture de ce résumé le pitch dans son ensemble est assez simple et la ligne d'ensemble ne devrait pas surprendre le public le plus adulte, encore que le film a son lot de scènes surprenantes, le contexte animalier étant propice à toutes sortes de folies.
Sans être aussi innovant qu'un Spider-verse (et ce n'est pas son but affiché), Krypto & les Super-Animaux se montre tout à fait joli, tant d'un point de vue purement technique que dans la direction artistique choisie. Les designs anguleux de la Justice League (dont la présence ravira les fans de DC à n'en pas douter) donnent une touche de personnalité, et les différents animaux sont tordants dans leur faciès : outre Krypto, Ace, un chien voyou cachant un lourd secret, s'impose très bien comme le contre-leader au toutou tout blanc ; Lulu le cochon d'inde est incroyablement marrante tant dans ses mimiques que dans l'utilisation de ses pouvoirs (et ses sbires, quand vous verrez ses sbires...) ; PB le cochon apporte une touche de douceur, tandis que Merton la tortue (véloce !) et Chip l'écureuil viennent faire les comic reliefs avec une certaine efficacité, alors que le second a même un message quelque peu touchant à véhiculer. Parce que l'écriture a été bien pensée, on s'amuse tout au long du film, tant parce que le film s'amuse avec les pouvoirs de ses protagonistes à quatre pattes (en se calquant plus ou moins sur ce que l'on peut connaître de l'univers DC Comics) que parce que le rythme est bien dosé pour que personne ne s'ennuie. Pour les adultes, on aimera l'absurdité de certaines répliques, les détails ici et là (ne manquez surtout pas les bandeaux des journaux TV), ou le parti pris assumé de dire les termes sur ce que sont les chats - soit la lie de l'humanité. On applaudit à deux mains.
Quant au doublage, il pouvait y avoir quelques interrogations au vu des noms que l'on avait vu apparaître sur les affiches du film. Qu'on se rassure : même dans le star talent, il y a de la qualité. Muriel Robin est réellement impeccable dans le rôle de Lulu - à vrai dire, vu les talents de la comédienne, on en doutait peu, mais c'est Soprano qui surprend réellement car on le sent impliqué pour son rôle et Chip ne détonne pour ainsi dire jamais, à quelques sonorités marseillaises prêt. Le seul à décevoir au final sera Denis Brogniart dans Lex Luthor, qui heureusement n'a pas tant de répliques que ça (car c'est bien le seul qui réussit à vous faire sortir du film). Du reste, la production française s'est bien débrouillée en allant chercher Adrien Antoine (pour Batman, qu'il a doublé pour les fils d'animation du DCAU moderne), Daniel Krüger (la voix de Dwayne Johnson) pour Krypto ou encore Donald Reignoux pour un rôle qu'on ne vous dévoilera pas ici. La distribution comporte également Olivia Luccioni pour PB, Lily Rubens excellente pour la voix enrouée de Merton, et un duo Marc Arnaud/Barbara Beretta convaincant pour Superman & Lois Lane. Mention spéciale aussi pour Emilie Bouillier De Branche et sa composition du chat Moustache, en douceur et cruauté à la fois.
En somme, que pourrait-t-on bien reprocher à Krypto & les Super-Animaux si une aventure légère ne vous fait pas peur ? Le film est agréable à regarder, le rythme, l'action et l'humour son bien dosés, les héros de DC Comics sont bien caractérisés et tout fan devrait donc y trouver son compte - avec en plus quelques allusions très bien senties sur le monde réel (où l'on parle des manies des milliardaires et de réchauffement climatique, par exemple). En ce sens, si le long métrage peut sembler s'adresser aux premiers abords à un public essentiellement enfantin, qu'on ne se laisse pas tromper par les bande-annonces : le second degré et l'absurde en font un film tout aussi appréciable pour les adultes. Comme le conseillent nos amis de Cloneweb, il y a bien plus d'intérêt à aller voir Krypto qu'un autre film avec des bonhommes jaunes, tant pour la sincérité de la démarche, et pour le résultat au niveau de l'animation et de l'ambiance. Le film constitue une proposition qui fait franchement plaisir à voir, alors que DC devrait faire plus appel à ses scénaristes de l'animation pour le live action, vu qu'ils comprennent vraiment bien leurs héros.
Le seul défaut qu'on pourra trouver à Krypto et les Super-Animaux c'est de ne pas chercher à révolutionner quoique ce soit. L'intrigue, bien menée, mêle un certain classicisme à l'agréable, tandis que la technique pure et dure fait qu'on passera un bon moment sans être ébahi non plus. Mais il y a du coeur dans le film, une volonté de transmettre un message positif en s'aidant de héros lumineux et d'animaux de compagnie proprement tordants. Avec, cerise sur le gâteau, un doublage VF très bien mené à une exception près. Votre rédacteur l'avoue, il n'était pas forcément confiant avant d'entrer en salles, il en est ressorti ravi. Vous devriez faire de même, c'est la promesse d'un bon film d'été.