L'actualité des studios Warner Bros. aurait tendance, dernièrement, à inquiéter le fan attentif. Pour tout un tas de raisons. Dans le lot, l'éventualité d'une rupture entre le conglomérat et la société de production Legendary Pictures n'apparaît peut-être pas en tête de liste, mais celle-ci participe de l'effet général de brouhaha. La rédaction de The Ankler explique que, aux dernières nouvelles, les patrons de Legendary seraient à la recherche d'un nouveau partenaire à présent que l'accord de trois ans signé avec Warner Bros. arrive à échéance. Le studio aurait pourtant bien proposé un nouveau contrat à ce prestataire (historique), mais celui-ci n'a pas encore été signé pour le moment.
Poker Menteur ?
On se résume. Pour mémoire, le nom de Legendary Pictures (ou simplement Legendary, à présent que l'entreprise ne se cantonne plus seulement aux projets de cinéma) apparaît à la production ou co-production de nombreux, nombreux titres du catalogue Warner Bros.. Le studio avait été le premier à parier sur l'initiative du fondateur Thomas Tull, dès 2005. Les gérants du conglomérat avaient en effet signé un accord de distribution important - éparpillé sur 40 films et fixé sur une période de 7 ans - avec les équipes de Legendary. Le résultat ne tarda pas à se matérialiser : cette société tierce étant créditée au générique de productions variées à forte valeur ajoutée, Batman Begins, The Dark Knight, Superman Returns, Man of Steel, Watchmen, 300, Inception, Very Bad Trip, Max et les Maximonstres, Sucker Punch, etc.
L'accord permit à la compagnie de s'installer dans le paysage d'Hollywood, et de commencer à monter ses premiers projets, en indépendant. Le premier film Godzilla de Gareth Edwards sera le premier signe d'une envie générale d'émancipation. La production se monte sans l'intervention de partenaires extérieurs. Seul Legendary opère aux manettes avec une part de fonds propres, et un apport de Warner Bros., toujours présent à la distribution. L'ambition de la compagnie évoluera ensuite vers une sorte de papillonnage - fragmentation de l'accord d'exclusivité signé au départ, nouveau partenariat avec Universal pour la supervision la mise en route de projets de commande (Dracula Untold, Jurassic World, etc), et ambition de faire du "MonsterVerse" une franchise rentable dans le paysage d'Hollywood.
Plus tard, le conglomérat chinois Wanda Group finit par racheter la société dans son ensemble. Thomas Tull démissionne, et la réputation du studio s'érode peu à peu dans l'inconscient collectif. L'accord avec les studios Universal finit par arriver à son terme, et les nouveaux propriétaires se tournent leur partenaire historique. Warner Bros. signe un nouvel accord de trois en 2019, basé une fois encore sur les produits du MonsterVerse, mais aussi sur le film Dune de Denis Villeneuve. Le film Godzilla vs Kong, aboutissement du contrat passé au départ entre Warner Bros., Legendary et la Toho pour le projet d'univers partagé rêvé par Thomas Tull, finit par être mis en production... Jusqu'à devenir l'objet d'une discorde. Une discorde sonore.
Puisque, si le patronat de Legendary Pictures a changé de visage depuis le premier accord Warner Bros., de l'autre côté de l'équation, le distributeur a également dû se faire à l'idée des nouvelles têtes positionnées aux commandes. En pleine pandémie, l'infâme Jason Kilar, un petit vétéran de la SVOD engagé par AT&T pour mettre le groupe "WarnerMedia" sur la piste d'une concurrence ouverte avec Netflix et Disney+ via la plateforme HBO Max, va décider de profiter de la fermeture des cinémas imposée par le COVID-19 pour bazarder l'ensemble des grosses productions Warner Bros. en accès streaming.
Différents corps de métier rouspètent en sentant la pointe de la lame traverser l'omoplate, mais Legendary va un peu plus loin. Selon le Hollywood Reporter, le studio avait à l'époque investi 75% du budget de production de Godzilla vs Kong, contre 25% pour Warner Bros.. Hors de question, donc, de céder le produit à la plateforme HBO Max sans un énorme chèque de compensation susceptible de couvrir (au moins) les frais engagés pour le développement du film. Mais lorsque Warner Bros. refuse, et refuse au passage de laisser Legendary vendre Godzilla vs Kong à Netflix pour rentrer dans ses frais, le litige menace de finir sur le bureau d'un juge dans un procès en public. Fort heureusement, comme dans la plupart des affaires de ce genre, le studio sera bien obligée d'admettre que la loi n'était pas de son côté, et le litige finira par être tranché sans avoir quémandé l'opinion d'un juge, à l'amiable, contre un probable gros chèque. Un peu comme Disney avec Black Widow et Scarlett Johansson, pour comparaison.
Cette situation relativement tendue a vraisemblablement participé à une dégradation des tensions entre
Warner Bros. et
Legendary. Même si le revirement opéré par
David Zaslav pour se couper des productions à gros budgets sur
HBO Max à la faveur des sorties au cinéma serait de nature à éviter d'autres occurrences de conflits de cette catégorie, le fait est que le studio, depuis la fusion avec
Discovery, souffre d'une certaine quantité de problèmes. La première étant, selon la presse,
le manque de liquidités pour accompagner les sorties de gros films en salles, et aussi, un plan d'économie assez général qui compte miser sur les propriétés intellectuelles les plus lucratives. Or, si on peut difficilement juger de l'éventuelle performance commerciale de
Godzilla vs Kong au cinéma, compte tenu de son plan de sortie, les résultats financiers du
MonsterVerse était déjà en déclin progressif depuis la sortie du premier
Godzilla (sur
Kong : Skull Island puis
King of Monsters).
A voir, donc, si Legendary ne préférera pas transporter ses propriétés intellectuelles ailleurs. Compte tenu du nombre d'adaptations signées par la compagnie avec différents artistes du marché de l'édition indépendante (et notamment Image Comics), le portfolio en question représenterait tout de même pas mal de nouvelles franchises en devenir.