Tout ça pour ça. Paradoxe des industries créatives modernes : parfois, le bien est simplement l'ennemi du mieux, en particulier quand le mieux implique de payer plus cher pour une offre déjà accessible à bas coût. La rédaction de Deadine publie un article qui résume peu ou prou la situation en ces termes, vis-à-vis de la dualité des plateformes au sein du groupe Warner Bros. Discovery. Après avoir longtemps envisagé une fusion des services HBO Max et Discovery+, les équipes de David Zaslav, président directeur général de la structure, auraient finalement décidé de renoncer. Pourquoi ? C'est tout bête : les abonnés à Discovery+ n'ont pas envie de payer pour une offre groupale, plus onéreuse.
Fuite en arrière
Pour faire un état des lieux assez rapide de ce qui s'est passé au fil de ces vingt-quatre derniers mois, histoire de remettre un peu d'ordre : tout commence lorsque WarnerMedia, part du groupe AT&T qui couvre les actifs de l'ancien empire Time Warner, lance la plateforme HBO Max dans l'espoir de conquérir le secteur de la vidéo-à-la-demande. Finalement, l'énorme conglomérat que représente AT&T ne peut se permettre d'opérer à trop d'endroits à la fois. Pour éponger une dette boursière énorme, et générer de l'argent frais susceptible de favoriser l'investissement dans l'installation des technologies 5G (oui, il s'agit d'un groupe de téléphonie au départ), l'entreprise décide de se séparer de WarnerMedia. Le groupe Discovery Inc. et son président David Zaslav décident alors de s'offrir le géant de la télévision et du cinéma pour la bagatelle de 43 milliards.
Suite à cette acquisition,
HBO Max continue son petit train de vie, mais un problème se pose.
Discovery est aussi un groupe actif sur le secteur de la télévision et possède sa propre plateforme,
Discovery+. En interne, on envisage l'idée de fusionner les deux services pour proposer une plateforme unie riche de milliers d'heures de contenus. L'implantation de
HBO Max sur certains territoires (
au hasard : la France) va même être ralentie le temps que ce processus de fusion soit acté, pour éviter de devoir transformer le service d'une année sur l'autre et d'imposer à un marché à conquérir les difficultés d'un changement de nom, d'offre de
pricing, etc. Sauf que, finalement, selon
Deadline, les abonnés de
Discovery+ sont apparemment très contents de l'offre actuelle et ne voient pas l'intérêt de passer à la gamme supérieure.
En cas de fusion, celles et ceux qui souhaiteraient de contenter de leur abonnement à Discovery+ (à savoir, 7 dollars par mois sans publicité et 5 dollars par mois avec publicité) risqueraient de devoir s'abonner à une plateforme regroupant les contenus de Warner Bros. et Discovery pour une somme plus couteuse. Actuellement, HBO Max est proposé à 16 dollars par mois sans publicité, et 10 dollars par mois avec publicité. Si l'on se doute bien que Warner Bros. Discovery n'allait pas proposer une bête addition des deux tarifs une fois les plateformes fusionnées, le fait est que la base d'abonnés Discovery+, sondée, ne semble pas intéressée par l'offre des films et séries de Warner Bros.. Ou pas à ce prix là.
Donc, que va-t-il se passer ? Et bien,
Discovery+ va poursuivre sa petite vie tranquille, en tant que service isolé. De son côté,
HBO Max va bien être transformée en une nouvelle plateforme, qui accueillera à la fois le catalogue
Warner Bros., et à la fois le catalogue
Discovery. Celle-ci -
qui devrait s'appeler "Max" selon toute vraisemblance - reste la priorité officielle en interne. Mais dans la mesure où
Discovery Inc. a racheté
Warner Bros. (et non l'inverse),
David Zaslav a visiblement décidé de favoriser ses propres clients originels plutôt que d'essayer d'imposer le véhicule
HBO Max comme plateforme de rapatriement obligatoire. Ce qui est plutôt louable en l'occurrence : pourquoi obliger des gens qui n'ont pas envie ou pas les moyens de payer plus de 7 dollars par mois pour leurs documentaires si les contenus de type
Batman ou
Harry Potter ne les intéressent pas ?
Reste encore seulement à voir à quel prix sera proposé la future plateforme "
Max", dans la mesure où
HBO Max était déjà la plateforme la plus coûteuse du marché avec ses 16 dollars en amont du chantier de transformation. En France, le débat n'a pas forcément lieu d'être dans l'absolu : puisque le service n'est pas accessible chez nous,
Warner Bros. Discovery a opté pour un partenariat local
avec la plateforme Prime Video, cas unique et assez étrange qui met le public français à l'abri de toute transition inattendue.