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Outsiders, Spider-Boy, The Deviant : critiques express côté comics VO

Outsiders, Spider-Boy, The Deviant : critiques express côté comics VO

chronique

Bienvenue dans un nouveau numéro de la chronique des "critiques express". A intervalles réguliers, la rédaction vous propose de courtes reviews sur des numéros de comics VO sortis récemment. L'idée est de pouvoir à la fois vous proposer une analyse des sorties attendues du côté des éditeurs mainstream et indé', parler également de runs sur la durée, et essayer de piquer votre curiosité sur quelques titres moins en vue. En somme, tout simplement de mettre en avant le médium comics dans nos colonnes autrement que par le prisme pur de l'article d'actualités.

Il pleut. Et il fait froid. Quand vous filez pour le taff' en début de matinée, c'est la nuit, et au moment où vous quittez le bureau, l'atelier ou l'usine, la nuit est déjà de retour. Les info' vous dépriment, et avec la perspective des fêtes de Noël, vous gardez en tête le fait de devoir bientôt vous coltiner Jean-Francis, votre cousin qui a fait fortune dans les crypto' et qui vous rappelle à la moindre occasion que "tu vois, si tu m'avais écouté". L'inflation vous empêche de sombrer dans l'alcool ou dans la malbouffe à la recherche d'endorphines faciles, et par-dessus le marché, vous avez encore oublié de racheter des piles pour la télécommande. Alors, comment s'évader ? C'est simple. Il suffit de lire des comics.

Et ça tombe bien : chaque semaine, les éditeurs fournissent un effort conséquent pour vous aider à oublier ces petits tracas du quotidien, et recentrer votre attention sur les vraies choses qui comptent. Par exemple, pourquoi Spider-Boy a une gueule d'araignée mutante dans ses périodes de stress ? Pourquoi le Maker a dit qu'il n'y avait pas eu de Captain America sur Terre-616 alors que, hey, bien sûr que si, il est fou lui ou quoi ? Ou encore, pourquoi DC Comics n'a pas eu envie de brûler les étapes en appelant directement la nouvelle série Outsiders "Planetary" ou "Planetary Reborn" ? Des questions qui fâchent, des questions qui divisent, mais qui passionnent aussi, sur un marché de la bande-dessinée pris en plein état de bouillonnement. Pour vous, et pour tromper l'ennui de la grisaille, nous avons mené l'enquête. Ceci est leur histoire : ce sont les singles de la semaine.

Outsiders #1 - Jackson Lanzing, Collin Kelly et Robert Carey

Dans la foulée de leur travail de fond sur le personnage de Steve Rogers, Collin Kelly et Jackson Lanzing se sont visiblement pris de passion pour les séries de super-héros en forme de grands thrillers. DC Comics a donc eu la bonne idée de confier à ce couple de scénaristes un projet susceptible de fonctionner dans cette nouvelle obsession : une nouvelle série Outsiders, inspirée par l'idée originale de ces personnages pensés pour graviter dans l'orbite de Batman, mais tout de même déconnectés des enjeux propres à l'activité de Gotham City. A savoir, cette fois, Luke Fox d'un côté et Kate Kane de l'autre. Les deux justiciers se sont mis d'accord : la boucle sans fin des combats contre les super-méchants ne provoque pas de changement durable, et n'apporte pas la paix et à la tranquillité qui devrait normalement animer leur action de vengeurs masqués. Luke Fox a un plan, ou plutôt, un projet. 
 
En utilisant les fonds de Wayne Technologies, le jeune homme compte financer avec l'aval de son père une organisation humanitaire chargée d'éliminer les menaces réelles. Il recrute Batwoman, et en compagnie de la "Drummer", le mystérieux troisième membre de cette petite équipe, fonde les Outsiders. D'entrée de jeu, la série se présente comme une critique froide des habitudes sempiternelles du marché des super-héros : l'obstination des éditeurs à se concentrer sur les grandes villes (réelles ou fictives) des Etats-Unis, la résurgence de méchants qu'il est interdit de tuer et qui finissent donc par se répéter dans une valse éternelle où personne ne gagne et où personne ne perd réellement à la fin, et le caractère particulier de ces personnages considérés comme des "seconds couteaux", qu'on place dans des équipes à défaut de savoir comment les utiliser. 
 
Le texte de Kelly et Lanzing tape sur des évidences. Les dialogues appuient sur tous ces points de détails qui ont pu, au fil des années, user le lectorat classique des séries de super-héros - avec une certaine maturité dans l'approche, dans la mesure où les deux scénaristes ne prétendent pas non plus réinventer le genre. Au contraire, même. Pour celles et ceux qui ont pu lire l'excellente série Planetary de Warren Ellis et John Cassaday, l'objectif secret des deux auteurs est immédiatement accessible, d'entrée de jeu : un Luke Fox qui porte un imperméable blanc, la "Drummer", le nom même du dessinateur mentionné dans un dialogue, et une dernière planche qui ne laisse aucune place au doute. Cette nouvelle série Outsiders est une résurrection assumée d'une ancienne série de la bonne période des comics WildStorm. Et dans la mesure où cette génération de projets était déjà, à sa façon, une critique formelle des comics de DC et de Marvel, Kelly et Lanzing n'ont qu'à se baisser pour ramasser les jouets - et digérer dans un propos compact les codes d'écriture posés par Ellis à l'époque, avec des références au multivers, au tragique et à l'expérience de vie de certaines des menaces absurdes ou plus grandes que nature qui forment le quotidien des super-héros. Les scénaristes s'appliquent pour livrer un excellent travail de copie... jusqu'à embrasser l'idée d'une suite directe à un chef d'oeuvre longtemps resté silencieux.
 
Notez bien que si vous n'avez pas lu Planetary (bon, déjà, vous devriez), le numéro reste largement perméable, et vous donnera peut-être même envie de mener vos propres recherches. Mais, pour être tout à fait franc, l'initiative ne passe pas pour une trouvaille hasardeuse, ou comme le caprice de deux fans tombés là au pif' pour habiller un projet de remplissage. DC Comics fournit en ce moment même un effort réel pour remettre sur le devant de la scène certains personnages oubliés de la période WildStorm. Peut-être parce que James Gunn entreprend actuellement de monter un film The Authority, ou peut-être parce que l'éditorial s'est simplement rendu compte de tout ce qui avait perdu lors des pathétiques tentatives de fédérer cette continuité au canon de DC lors des New 52. Peut-être aussi parce que la nostalgie des années quatre-vingt dix permet porte ses fruits sur le marché des comics modernes. Qui peut savoir.
 
Dans le doute, mettons surtout que tout ça est bien orchestré. Avec une introduction intelligente, qui sait prendre son temps et laisse aux nouveaux entrants la possibilité de rattraper leur retard d'ici au prochain numéro, la nouvelle série Outsiders passe pour un bel hommage, bien construit, avec des dialogues qui prennent avec intelligence la problématique de lancer (encore) une nouvelle équipe dans un environnement déjà surpeuplé en figures costumées et en escouades commandos. De la même façon, on sent dès ce premier numéro l'envie de réfléchir à pourquoi certaines figures secondaires de la topographie Batman n'ont pas pris, ou n'ont pas été suffisamment bien utilisés par DC Comics au sortir de leur premier âge d'or. Avec des dessins qui font leur boulot pour canaliser cette énergie ("à la John Cassaday") dans l'utilisation des décors et des structures corporelles réalistes ("à la Bryan Hitch"), Outsiders vient conforter les rangs d'une belle année de relaunch pour l'éditeur à deux lettres.

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The Deviant #1 - James Tynion IV & Joshua Hixson

Depuis que James Tynion IV a délaissé les comics de super-héros pour se concentrer sur le creator-owned, le constat qui avait déjà pu être fait par ceux qui s'intéressaient à ses premiers indé' confidentiels (Memetic, Eugenic) se vérifie. Le bougre est diablement bon dans l'exercice horrifique. Something is Killing the Children, et dans une autre mesure Nice House on the Lake ou Department of Truth l'attestent déjà, tout comme The Closet : quand il s'agit d'inquiéter et de pétrir d'angoisse son lectorat, le scénariste sait s'y prendre. Le choix de Joshua Hixson (The Plot, qui jouissait déjà d'une ambiance horrifique particulièrement réussie sur le plan artistique) est on ne peut plus adéquat pour cette histoire macabre se déroulant en période de Noël, une sortie bien calibrée vu la période, mais qui devrait se laisser savourer à tout moment de l'année. Un jeune auteur de bande dessinée va rencontrer un ancien serial killer qui, plusieurs décennies auparavant, s'en est pris de façon atroce à des homosexuels en revêtant un costume de Père Noël. En parallèle, des crimes très semblables commencent à être découverts dans la même ville. 

A voir comment James Tynion IV nous emmènera sur la suite de cette nouvelle série, mais en l'état deux choses transparaissent. D'une part, une très bonne maîtrise de l'introduction et du pitch, qui rappelle des oeuvres bien connues des fans d'horreur - le Silence des Agneaux d'un côté pour le face à face entre l'auteur de BD et le fameux Deviant Killer, et American Horror Story (saison 11) pour tout le côté rattaché à la communauté queer, une thématique que l'on retrouve par ailleurs dans toute la bibliographie de Tynion IV. On perçoit comment la figure fascinante du serial killer, source de quantités de matériaux de fiction depuis des lustres, peut aussi inspirer d'autres à passer à l'acte, avec un brouillage de la frontière entre histoire et réalité - racontée dans une bande dessinée, histoire de. Par ailleurs, il faut noter le travail formidable de Joshua Hixson sur l'ensemble du numéro, particulièrement la façon dont il restitue les ambiances neigeuses et nocturnes : le lecteur a lui-même l'impression de se perdre et de devoir plisser les yeux pour distinguer ce qu'il voit. Le découpage est habile pour ménager les effets chocs, et le travail sur les couleurs a la aussi toute son importance pour insister sur les émotions des protagonistes. Le design du Deviant Killer est lui aussi efficace. Ce n'est pas la première fois qu'une histoire de tueurs en série se déroule dans le cadre de Noël, ou qu'on retrouve donc un tueur en costume de père Noël. Mais l'aspect décharné du tueur, le masque, l'allure ensanglantée, confèrent à ce nouveau boogeyman une identité propre, et le rendent proprement effrayant.

Au final s'il ne devait y avoir qu'une seule réserve dans cette démonstration d'efficacité, c'est le sentiment de voir avec The Deviant un projet taillé pour un autre média que le comics. On n'aura pas envie de bouder son plaisir : Tynion IV et Hixson livrent une introduction prenante, qui arrive à mêler plusieurs éléments très propres à la bibliographie de Tynion IV tout en ayant une tonalité plus terre à terre que ses autres comics d'horreur. La confirmation, en tous les cas, que le scénariste reste une valeur sûre pour qui a envie de se coller quelques frissons avec des pages de bande dessinée. Puis Hixson, vraiment, quel talent.

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Spider-Boy #1 - Dan Slott & Paco Medina

Vous le savez si vous suivez nos écrits, le pan des publications Spider-Man de Marvel ne croule pas sous les bonnes idées récemment, et la façon dont Spider-Boy a débarqué à la fin de l'arc "End of Spider-verse" a laissé circonspect, c'est le moins que l'on puisse dire. La dernière lubie de Dan Slott (et visiblement fortement soutenue par Nick Lowe) est de re-tenter le concept loupé du sidekick de Spider-Man, Alpha, mais en lui mêlant des éléments d'historique à la Sentry (soit le personnage que tout le monde aurait oublié) tout en apportant des pouvoirs 'monstrueux' afin que Bailey Briggs se détache un peu de tous les autres spider-héros. Un semblant de backstory a déjà été donné dans Edge of Spider-verse #3 et Spider-Man #11 et il est temps maintenant pour le jeune personnage d'avoir sa série solo. Ici, vous le savez également, on n'aime pas les procès d'intention et on part du principe que même si les pires facteurs sont réunis pour donner un comicbook pas terrible, il faut aller juger sur place. Parce que des fois, on peut se tromper. Alors : la qualité est-elle au rendez-vous ? 

On va la faire courte : non. Le sentiment général à la lecture est celui ressenti depuis le début pour ce personnage : un désintérêt total. Briggs n'est pas détestable en soi, on peut trouver une forme d'intérêt à ses origines et à son antagoniste principale, contre qui il sera visiblement forcé de se battre très rapidement, mais l'interrogation demeure. Pourquoi avoir imaginé ce personnage ? A qui est-il censé s'adresser ? Admettons que les lecteurs de trente ans et plus ne soient pas la cible : mais à quel moment Spider-Boy pourrait parler à un lectorat plus jeune, quelles seraient ses qualités supplémentaires ? Le design du costume est toujours aussi quelconque, l'apparence "monstrueuse" de Bailey est d'une laideur assez honteuse, et la relation du jeune homme à Peter Parker n'a rien d'avantageuse par rapport à celle ce que ce dernier a pu avoir avec tout un tas d'autres héros et héroïnes, qu'il s'agisse de Miles Morales ou Cindy Moon. L'histoire est donc expédiée rapidement (Spider-Boy retrouve un de ses anciens camarades du laboratoire où on a expérimenté sur lui contre sa volonté), après un premier affrontement contre un ennemi lambda, propice à quelques vannes enchaînées sur le bowling, sans grande conviction. Pas de réel enjeu, une rythme et des dialogues automatiques, et Paco Medina fait ce qu'il peut faire avec ce qu'on lui donne. Même le back-up, plus loufoque, ne fonctionne pas puisque l'état de fait est toujours le même : personne n'a demandé de Spider-Boy, et ce premier numéro ne donne toujours pas de raison de s'y intéresser.

Spider-Boy illustre bien la panne créative actuellement en cours chez Marvel. A la limite, on aurait préféré lire quelque chose de profondément mauvais, à la limite de l'insultant, pour pouvoir ressentir quelque chose. Las : ce premier numéro ne provoque rien, il n'y a pas d'attachement à qui que ce soit, le dessin ne compense rien, et la seule question qui demeure c'est celle des intentions de l'éditorial à force d'insister autant sur un personnage que personne ne semble réellement demander depuis sa récente création. C'est là qu'on aimerait vraiment avoir un suivi fiable des chiffres de ventes en VO, parce qu'il y a vraiment quelque chose qu'on ne s'explique pas. 

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Ultimate Universe #1 - Jonathan Hickman & Stefano Caselli

Il est temps pour Jonathan Hickman de prendre un peu de recul. Les introductions sont faites, les plans sont posés, mais à la relecture, on aurait peut-être pu se passer de ce segment intermédiaire. Conclure Ultimate Invasion et reprendre les affaires en route dès la nouvelle série Ultimate Spider-Man - en attendant, pourquoi pas, de poser une nouvelle série Ultimates pour rattacher les wagons ? En définitive, Ultimate Universe #1 ne semble pas encore remplir un objectif très net, en dehors de poser l'idée que les héros qui ont disparu après le passage du Maker finiront par réapparaître, dans la mesure où les outils nécessaires à leur fabrication existent encore que part sur Terre-6160. Pardon, tout ceci n'est peut-être pas très clair ? Essayons de résumer.

Après avoir affronté le Maker, Tony Stark et Reed Richards partent à la recherche des autres héros potentiels. Peut-être dans l'idée de fonder une nouvelle équipe des Ultimates, mais pour le moment, l'objectif se résume à défaire tout ce que l'architecte de ce nouveau monde avait fait à son arrivée : débrancher tous les justiciers encombrants pour ne garder que celles et ceux qui s'accorderaient à ses objectifs. Le numéro Ultimate Universe va en effet nous expliquer que les matériaux sont encore là, que le Maker n'a pas jeté l'araignée radioactive qui devait mordre un jeune Peter Parker sur le point de perdre son oncle, et que celle-ci finira par accomplir sa destinée, en somme, quelques décennies plus loin. Les forces maléfiques laissées par le Maker décident de contre-attaquer à ce plan de sauvegarde en détruisant la Stark Tower... et en faisant passer Tony pour le Ben Laden de cet équivalent localisé des attentats du World Trade Center. En somme, un présupposé qui chercherait à canaliser l'esprit de modernité et le traumatisme américain qui avait déjà, en bonne partie, informé de l'état et des tonalités des premières séries Ultimate Comics au début des années deux mille. A l'époque de la présidence de George Bush, dans un contexte plus ouvertement paramilitaire. L'attentat a aussi le mérite d'avoir supprimé quelques milliers de vie à New York, parmi lesquelles certaines figures connues du catalogue Marvel... dans l'entourage proche ou lointain de Spider-Man.

Alors, tout ceci est très sympathique, mais pour un numéro censé poser la matrice de tout un univers après l'introduction Ultimate Invasion, on n'a finalement pas l'impression d'avoir appris grand chose de nouveau. Comme si Jonathan Hickman s'amusait à distribuer les fausses pistes, en promettant sur la couverture une nouvelle équipe des Ultimates, finalement rayée de la carte en l'espace de quelques pages. Ou, après nous avoir dit que cette réalité n'aurait ni son Captain America, ni son Spider-Man, celui-ci était revenu en arrière pour décider de finalement canoniser les deux héros fondateurs. Le paradoxe d'une réalité alternative qui cherche à recomposer la réalité d'origine, avouez que la démarche est tout de même assez curieuse. Dans le même temps, les X-Men de Peach Momoko restent la donnée la plus innovante de ce nouveau planisphère - complètement déconnectés de ce qui se passe aux Etats-Unis ou au sommet de la chaîne alimentaire, dans un Japon moderne, une esthétique fraîche, des personnages de second plan qui vont finalement être mis en haut de l'affiche... une perspective séduisante, en somme, pour tordre le cou à l'idée que 6160 ne serait qu'un album remix des classiques de 1610.

Globalement, on apprécie l'envie de Jonathan Hickman de jouer avec les attentes du lectorat... tout en regrettant que celui-ci ne lâche que si peu de matière à décortiquer pour le moment. Ultimate Universe ressemble à l'introduction d'un événement pour les vieilles séries Ultimates, avec la même composition, et une esthétique industrielle, grise, portée par des designs qui évoquent franchement le style de Bryan Hitch. Mais alors que la nouveauté se présage à l'horizon, on aurait finalement envie d'apprécier les trajectoires plus individuelles des futurs héros de cette nouvelle ligne Ultimate Comics, de peur de retomber trop vite dans les travers usés de l'ancienne saga, arrêtée après Secret Wars. Dans la mesure où tout ceci n'est qu'une parenthèse en attendant le réveil du Maker, Hickman, comme Tony Stark, profite d'une page blanche pour convoquer un peu de nouveauté dans le catalogue de la Maison des Idées. Alors, espérons que celle-ci sera vraiment "nouvelle", et ne se contentera pas de quelques variations infimes ou d'un mélange entre la Terre Principale et l'ancienne Terre Ultimate. Celles-là, on les connaît déjà.

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Punisher #1 - David Pepose & Dave Wachter

Après avoir passé les douze derniers mois à laisser Jason Aaron expliquer au monde que le Punisher était avant tout un grand psychopathe, que l'argument de venger sa femme et sa famille n'était qu'un prétexte pour poursuivre une guerre sans fin, et que son penchant pour le crime remontait à bien plus loin que son engagement dans l'armée américaine... Marvel a décidé d'inventer un autre Punisher, avec la même base et les mêmes motifs. C'est pas idiot. Quitte à ne plus assumer le premier, autant en inventer un nouveau. Qui serait un peu pareil, mais pas trop non plus. Alors, bon, d'accord, lui-aussi, il tue. Mais seulement les méchants. Vous voyez ? C'est quand même vachement différent. 

Bref, en dehors des sempiternelles pudeurs de la Maison des Idées (qui n'assume plus le logo de Frank Castle pour cause de néo-nazis et qui n'assume plus Frank Castle lui-même depuis que le dernier scénariste en date à décidé de confronter le problème de front), un nouveau personnage vient d'apparaître, et il porte le nom de Punisher. C'est donc forcément un événement, qui s'accompagne d'une nouvelle page dans le wiki' officiel des personnages Marvel, d'un dépôt de marque légal, d'une éventuelle commande aux équipes en charge du merchandising, bref, une pierre blanche dans l'historique moderne de l'enseigne. Et cela, que la série soit réussie ou non. En l'occurrence, le constat est quelque part entre ces deux possibilités, dans la mesure où ce premier numéro n'est pas à proprement parler un échec, mais il ne réussit pas forcément grand chose non plus. C'est un peu le Punisher du "en même temps".

Comme Frank Castle, Joe Garrison est un ancien du complexe paramilitaire. Pas au sein des forces armées, mais en tant que vétéran du S.H.I.E.L.D.. Un assassin à la solde de Nick Fury, chargé d'éliminer les menaces sérieuses dans les sectes ou les organisations maléfiques du camp d'en face. Comme Frank Castle, Garrison avait une femme et des enfants. Il va lui aussi se retrouver endeuillé à la suite d'une attaque à la bombe, remonter la piste du meurtrier, et devenir dans la foulée le nouveau Punisher. Un numéro extrêmement rapide, qui semble un peu trop sûr de lui dans son envie de canoniser le personnage, tout en ne lui laissant pas grand chose pour se distinguer dans la masse des héros de comics armés d'une mitraillette. 

On ne sait pas encore grand chose sur Garrison, son physique n'est pas particulièrement marquant, les dialogues tentent ici et là d'aligner quelques punchlines sans grande conviction, et le héros ne semble même pas avoir choisi consciemment d'endosser l'alias du Punisher. Le plastron de son armure et sa ceinture de munitions donne simplement l'impression d'une logo en forme de crâne. Le genre de détails à côté desquels on peut passer lorsque l'on est un ancien agent du S.H.I.E.L.D. dans un univers où les super-héros ont tous leur propre emblème, et dans une chronologie où un certain Frank Castle s'est rendu coupable de plusieurs meurtres de masse avant de disparaître mystérieusement il y a seulement quelques mois. En outre, le premier numéro expédie toute l'opération vengeance, dans la mesure où Garrison a déjà l'air... d'avoir éliminé le meurtrier de sa famille ? 

Un peu rapide, surtout pour une intrigue qui compacte énormément de détails sur l'arrière-plan du héros, et ne cherche pas non plus à le rendre vraiment différent de Castle. Un Punisher avec des super-pouvoirs aurait pu passer pour une petite originalité. Ou alors un héros plus jeune, voire une "Punisheuse" au féminin. N'importe quel élément susceptible de varier un peu de la formule classique aurait été le bienvenu pour contourner l'impression d'un remplaçant au pied levé, qu'on a mis là en attendant que Marvel décide de la marche à suivre pour Frank Castle d'ici les années à venir. Mais, notez bien que si vous n'avez jamais lu de série Punisher jusqu'ici, ou si l'original pouvait vous agacer au point d'attendre une nouvelle identité à mettre dans le costume, ce numéro n'est pas plus mauvais ou plus creux que la plupart des productions de la Maison des Idées dans le présent. Juste un peu trop rapide, sans fantaisie, et sans avoir l'impression d'assister à une nouvelle naissance importante. Les stéréotypes d'usage sont là (la scène dans le passé en couleurs sépia où une épouse aimante et une famille sans problèmes vit une existence paisible qui s'apprête à être arrachée au héros, la spécialiste en informatique perpétuellement greffée à son ordinateur qui vient en aide au justicier vengeur, les vilains mafieux d'Europe de l'Est, les vilains aspirants ninja, etc), on aurait seulement aimé un peu plus de relief au global.

Notez cependant que la série (ou plutôt, l'équipe créative) n'est pas directement responsable de la situation du moment. Marvel tient à la marque Punisher, adaptée à de nombreuses reprises, populaire aux Etats-Unis, et associée à un certain lectorat parmi les amateurs de séries d'action, de flingues et de guérilla urbaine. Forcément, difficile pour eux de ne pas utiliser le copyright pendant trop longtemps - et dans l'intervalle, difficile aussi pour eux de passer derrière Aaron compte tenu de la direction que ce-dernier aura donné à Frank Castle lors de son récent passage dans la vie du héros. Alors, intervient Joe Garrison, une sorte de réponse "ni oui ni non", comme une solution de facilité pour occuper le terrain. A voir si les prochains numéros auront davantage de données à compiler dans la mécanique Punisher pour, peut-être, amener enfin de réels éléments nouveaux.

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Petrol Head #1 - Rob Williams & Pye Parr

Dans la catégorie des nouveautés en provenance de chez Image Comics, Rob Williams, un habitué de chez DC Comics, s'est attaqué à une proposition de série de science-fiction dans les codes du post-monde. En compagnie de l'artiste Pye Parr, celui-ci développe un environnement qui évoque certaines idées aperçues au fil de ces dernières années, à l'aune de l'anxiété climatique et de la perspective d'un effondrement de la biosphère... embarquée dans une intrigue de robot gentil, de courses de bagnole et de technologies obsolètes. Le résultat se présente comme une petite bouffée d'air frais (mais polluante) dans les sorties de cette fin d'année, à défaut d'avoir encore suffisamment d'idées à soi pour se métamorphoser en incontournable. En un mot : imaginez si les robots de Yojimbot avaient été créés pour servir de pilotes à des bolides de course. Vous devriez à peu près vous faire une idée du ton de la série.

L'intrigue développe l'idée que l'humanité a fini par rendre la Terre inhabitable à force de polluer, et que les derniers restes de l'espèce vivent désormais dans des villes sous cloches, administrées par les robots. Les derniers individus côtoient fréquemment les intelligences artificielles, qui servent pour la gestion des divertissements et l'encadrement civil. Pour tromper l'ennui, et permettre à l'espèce humaine de ne pas trop s'épancher sur l'état du monde, les robots organisaient autrefois de grandes compétitions sportives scénarisées, comme si Mario Kart rencontrait la fédération américaine de catch. Des robots-pilotes installés aux volants de vieilles voitures à pétrole, dans des courses où le gagnant était décidé à l'avance, mais où les chauffeurs avaient tout de même le libre arbitre nécessaire pour générer un semblant de surprise. L'un de ces pilotes, dont le design et la personnalité ont été jugés trop génériques pour mériter son propre surnom, porte le poids de cette compétition disparue, où la plupart de ses amis ont fini par trouver la mort.

Dans le même temps, un scientifique, qui oeuvre à la construction de nanorobots pensés pour dépolluer la Terre, va s'enfuir avec sa fille et être recueilli par cette ancienne vedette des courses scénarisées, Petrol Head. S'amorce alors la mécanique classique du monstre gentil, lorsque le rebus de la société décide de contre-attaquer et de réduire en poussière un bataillon de policiers robots pour défendre la petite et son paternel. Encore une fois, le projet ne brille pas par son originalité. En revanche, on sent dans les interstices une envie de suggérer certaines idées : l'obsolescence des technologies d'hier, la perspective de voir certaines disciplines sportives (les courses de voiture, évidemment) disparaître à l'aune de la lutte contre le réchauffement climatique, la dépendance au numérique et aux intelligences artificielles, et plus généralement, le retour de ces vieilles gloires de la science-fiction des années quatre-vingt à coups de complot, de l'illusion du bien commun comme instillation du contrôle des masses, etc. Rob Williams s'amuse à doter ses pilotes d'un caractère individuel, avec un Petrol Head taillé dans les codes poussiéreux de bon vieil américain à l'ancienne, clope au bec et caractère de cochon, mais grand cœur, victime de la vie et du deuil, etc.

De son côté, si Pye Parr n'est pas forcément à son meilleur dans la mise en scène d'une architecture réaliste ou l'expressivité des personnages humains, la passion de son travail passe surtout par le dessin des véhicules et des robots. Une esthétique qui cherche la vitesse de Speed Racer dans une société industrialisée, et avec des cyborgs oscillant entre des structures plus comics à la Appleseed ou plus réalistes à la Automata. Le travail des couleurs distingue avec adresse les personnages et les bagnoles du décor généralement uniforme de la ville, et l'ensemble trouve un souffle et une tonalité propre par le choix d'une palette chromatique en couleurs vives, où les bleus, les jaunes, les gris, contrastent avec l'unicité orange des bâtiments et de l'horizon. En somme, c'est plutôt pas mal, si vous êtes du genre à apprécier les sports fictifs des mondes de science-fiction et les histoires avec des robots et des gosses. 

Mettons que ces deux catégories couvrent un espace de cohésion suffisamment vaste pour convertir les quelques curieux qui auraient envie de donner leur chance à ce projet, qui devra tout de même faire preuve d'un peu plus d'originalité d'ici ses prochains numéros pour éviter de tomber dans un résultat trop classique. Pourquoi ne pas angler l'histoire comme un Real Steel plutôt que comme un I, Robot par exemple ? En décidant d'axer sur le personnage de Petrol Head plutôt que sur le complot qui gravite (forcément) dans les hautes sphères de la cité, Rob Williams pourrait dégager de la série une figure assez originale en la personne de ce robot motorisé, à l'ancienne, comme le dernier souvenir de l'Amérique de General Motors et des grands jours de l'industrie automobile d'autrefois. Un cachet propre, en quelque chose, que l'auteur aurait intérêt à développer.


Corentin
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