Ce n'est pas un sinistre poisson d'avril. L'annonce est tombée dans la soirée de ce 1er avril 2024, avec l'effet d'une bombe. Dans la foulée de plusieurs accusations de grooming et de sexisme apparues en l'espace de quelques jours sur les réseaux sociaux, l'artiste Ed Piskor a mis fin à ses jours.
Dans son sillage, celui-ci livre une tribune de plusieurs paragraphes, en forme de lettre d'adieu, pour revenir sur son état mental, les accusations qui se sont abattues sur lui, et les prochaines étapes à suivre pour celles et ceux qui se chargeront d'assurer l'exécution de son testament et la répartition de ses droits d'auteur à titre posthume. Le responsable de la chaîne Youtube ComicsTropes a pu s'entretenir avec la famille de Piskor pour confirmer l'affreuse nouvelle. Le dessinateur était âgé de quarante-et-un ans.
Ed Piskor 1982-2024
Originaire de l'état de Pennsylvanie, Ed Piskor fait ses débuts dans les comics en indépendant, au sortir de l'adolescence. Le jeune homme entretient une passion générale pour la bande-dessinée américaine, à la fois pour les revues underground et les grands produits du registre des super-héros, sans préférence précise pour Marvel ou DC Comics. Formé par Harvey Pekar, Piskor va trouver son chemin dans le comics d'influence contre-culturel. Ses premiers projets évoquent sa propre vie, le thème du piratage informatique, et surtout, l'histoire du hip hop. Au sortir d'un premier contrat chez Top Shelf, Piskor signe avec la maison Fantagraphics pour la série des Hip Hop Family Tree. Cette exploration des origines du rap américain participera à le faire connaître, et lui ouvrira les portes de la Maison des Idées, pour la ligne des comics X-Men : Grand Design.
Sur une ligne parallèle, sa passion pour les comics l'amène également à ouvrir une chaîne Youtube (doublée d'un podcast) en compagnie de son ami, le dessinateur Jim Rugg. Cette entreprise porte le nom de Cartoonist Kayfabe, et permet aux deux hommes d'étudier l'histoire de la bande-dessinée dans les grandes lignes, en plus de réaliser une large série d'interviews. Piskor poursuit ses activités de dessinateur par le biais de nouveaux albums, dans l'horreur extrême, avec le projet Red Room. Célébré pour ses qualités de dessinateur et une bibliographie impeccable, l'artiste s'attire toutefois les foudres du public lors d'un événement récent.
Sur le réseau Instagram, une jeune artiste du nom de "Molly D" accuse en effet Ed Piskor de l'avoir draguée lorsque celle-ci était encore âgée de dix-sept ans. D'autres accusations suivront, dans le silence de Piskor. Celui-ci se défend finalement de toute forme de drague ou de comportement déplacé dans la lettre qui accompagne son suicide. Il reproche également le caractère mensonger de certaines prises de parole, et le manque de soutien de la part de ses camarades de la communauté des comics suite à ce scandale public. Piskor reconnaît les échanges avec Molly D, mais clame toutefois son innocence et sa bonne foi. Un geste désespéré, de la part d'une personnalité qui revendique volontiers une incapacité à faire face à cet effet de masse, et la peur de devenir un paria, face à ses pairs, ses parents ou les proches de sa ville natale. Il évoque également une exposition consacrée à son travail, remise à plus tard suite aux accusations, et la signature d'un prochain projet mise en danger dans la foulée de l'affaire.
L'ensemble de la lettre est accessible à toutes et à tous. Attention, il s'agit toutefois d'une lecture assez difficile pour les personnes concernées par d'éventuelles pulsions suicidaires.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux professionnels de l'industrie ont exprimé leur choc suite à cette nouvelle. Phil Hester, Rob Liefeld, J. Scott Campbell, Michel Fiffe, entre autres, ont fait part de leur émotion à l'annonce de cette affreuse nouvelle. La communauté des comics, notre rédaction y compris, adresse ses pensées à la famille et aux proches d'Ed Piskor.