Selon du la rédaction du Wall Street Journal, le milliardaire Isaac Perlmutter vient de solder l'ensemble de ses actions Disney. Pour un total de 25,6 millions de titres partis à 115 dollars pièce, soit 3 milliards de dollars en tout et pour tout, l'ancien patron du groupe Marvel Entertainment se sépare des derniers restes de son emprise sur le groupe, à la suite d'une défaite face à l'actuel président Bob Iger. Depuis le début de cette année, Perlmutter avait fait campagne pour installer un nouveau PDG, Nelson Peltz, et instiller une autre direction au sein du groupe. Candidat ouvertement militant sur le terrain idéologique, Peltz basera une partie de sa stratégie sur la critique des films progressistes et la mise en avant de la diversité dans les œuvres promulguées sous le règne de Bob Iger.
En avril dernier, les actionnaires ont eu l'occasion de voter pour trancher sur cette question. A l'issue du vote, Peltz et Perlmutter n'ont obtenu que 30% des voies, tandis que l'actuel président a été maintenu à son poste avec la confiance des investisseurs. Peltz a aussi liquidé ses actions récemment à la suite de cette bataille perdue, pour un montant d'1 milliard de dollars.
Défaite dans les urnes
Pour comprendre en quoi cette actualité boursière concerne directement la fabrique des comics, il est utile de rappeler qu'Isaac ("Ike") Perlmutter aura longtemps été l'une des figures centrales de Marvel Entertainment. Dans les années quatre-vingt dix, le marché des comics se retrouve fragilisé suite à l'explosion d'une intense bulle spéculative, et la Maison des Idées, en sérieuses difficultés financières, opte pour un plan de sauvetage financé par le fabricant de jouets ToyBiz, alors présidé par Perlmutter. Les capitaux mis dans la balance permettront de sortir Marvel de la banqueroute, et de fonder dans la foulée une société de production, Marvel Studios, mise entre les mains d'Avi Arad et chargée de développer de futures adaptations en partenariat avec les grands studios américains.
La suite de l'histoire
a été largement documentée depuis :
Kevin Feige prend la présidence de
Marvel Studios suite au départ d'
Avi Arad chez
Sony Pictures, et avec un plan de bataille organisé et développé par
David Maisel, l'idée d'un univers partagé se met en place autour de l'équipe des
Avengers. D'abord financé par
Paramount Pictures, le projet du
Marvel Cinematic Universe tombe entre les mains de
Disney suite au rachat de
Marvel Entertainment à la fin des années 2000.
Perlmutter fait alors partie du wagon : une partie de ses actions sont achetées par les nouveaux propriétaires, mais celui-ci conserve une part importante de l'entreprise et notamment son poste de président. Le milliardaire se fait alors connaître pour différentes affaires : il se serait notamment opposé à l'idée de produire des films
Black Panther ou
Captain Marvel sur l'argument que "les héros noirs" et "les femmes" ne représentent pas le même intérêt commercial pour le grand public.
Perlmutter participera également à la fondation de
Marvel Televisions malgré les protestations de
Kevin Feige.
Quelques années plus loin,
Bob Iger finira par confier la gestion de
Marvel et de l'ensemble de ses filiales à
Kevin Feige, en évinçant
Perlmutter au passage. L'animosité qui oppose les deux hommes n'a alors plus rien d'un secret en interne :
soutien actif de Donald Trump, le milliardaire s'embarque dans le discours "anti-woke" en vogue aux Etats-Unis, et entend déloger
Bob Iger de son poste de président directeur général du groupe. Il tentera notamment de placer l'un de ses pions pour le titre de potentiel héritier, pour le moment où l'actuel PDG prendra sa retraite, mais sa proposition se verra adresser une fin de non recevoir. En mars de l'année dernière,
Perlmutter est officiellement mis à la porte. Il décide donc de contourner le problème en obtenant un vote populaire avec le soutien des investisseurs, un feuilleton boursier qui aura animé le premier semestre de cette année sans grands résultats.
Officiellement, l'intéressé explique qu'il a vendu ses parts pour mieux les racheter si la valeur des actions poursuit sa chute du moment. En l'état, les actions du groupe Disney sont actuellement estimées à 90 dollars pièce. Peut-être que le plan de Perlmutter a encore évolué et que celui-ci envisage désormais de racheter davantage de parts lorsque les prix seront suffisamment bas pour motiver une offre publique d'achat agressive. Mais, en l'état, le nom de l'ancien patron de Marvel a officiellement disparu des registres, et Bob Iger peut continuer à dormir tranquille, sorti grand vainqueur d'une querelle qui n'aura, au final, pas franchement entaché son bilan.
