Succès commercial, le film Deadpool & Wolverine s'annonce comme l'une des grandes réussites de Marvel Studios sur la période récente. Cette troisième aventure du mercenaire à grande gueule totalise actuellement 1,144 milliards de dollars sur les entrées en salles, ce qui en fait le film classé "R" le plus important de tous les temps. Une performance qui se double d'une réalité plutôt agréable pour les actionnaires du groupe Disney : en réalité, Deadpool & Wolverine n'a pas coûté aussi cher que certaines autres productions de l'entreprise. Et ce pour plusieurs raisons. D'abord, le film a été tourné dans les Pinewood Studios de Buckingham Shire, au Royaume-Uni, où le gouvernement accorde généralement des aides fiscales aux sociétés de production qui viennent travailler sur place.
Mais surtout, les marques
Et puis, les partenariats. Vous avez déjà pu vous en apercevoir à l'occasion de publicités qui ont été couvertes sur le site : Deadpool & Wolverine a été sponsorisé par de nombreuses marques importantes, parmi lesquelles le géant des sauces Heinz, le brasseur Heineken ou la division Xbox du groupe Microsoft, entre autres choses. Le Hollywood Reporter consacre une tribune complète sur la stratégie opérée par Ryan Reynolds et Kevin Feige sur cette stratégie, pensée pour voir grand et consolider une assise budgétaire confortable par le biais des partenariats externes. Vous retrouverez celui-ci en lien source, si l'envie devait vous prendre d'applaudir l'intelligence nécessaire à associer Deadpool et Wolverine à un pot de ketchup et à un pot de moutarde.
Au global, la tactique suit le mantra moderne de la publicité déguisée : dans un monde déjà saturé de coupures pubs agressives, et souvent désagréables aux yeux du grand public, l'audiovisuel (cinéma, télévision, clips vidéos) permet aux marques de s'insérer dans l'imaginaire collectif sous une forme moins intempestive. Les placements de produits ont ainsi évolué pour devenir une composante naturelle de l'expérience du spectateur. Comme sur la saga des James Bond, où les voitures, les montres, parfois même les marques d'alcool, transportent un narratif sur le mode de vie et l'esthétique du héros, et font directement corps avec l'objet de cinéma que l'on présente au public.
Aux Etats-Unis, on estime que ce genre de partenariats représente une part importante des montants dépensés pour financer les blockbusters de studios (avec des sommes qui peuvent couvrir jusqu'à 30% du budget global, même s'il est difficile d'obtenir une médiane chiffrée). Parfois via de simples échanges d'argent (pour la production ou la promotion) ou parfois, comme dans le cas de Deadpool & Wolverine, via des partenariats qui prennent la forme de publicités en bonne et due forme. Lorsqu'un acteur vedette vient s'intégrer dans un clip de quelques secondes consacré à une marque précise.
Chez Marvel Studios, quelques exemples connus du grand public : les marques M&M's et Oasis ont souvent accompagné les super-héros de l'enseigne. Et dans les films proprement dits, Coca Cola, Audi, Acura, Lexus, les exemples ne manquent pas pour peu qu'on oublie de cligner de l'oeil devant le moindre produit de l'enseigne. La pratique est connue, communément acceptée et largement documentée. Hollywood considère cette tactique comme une aide nécessaire face à l'explosion des budgets promotionnels, du moment que les réalisateurs ne tombent pas dans le piège du film publicitaire revendiqué. De ce point de vue, on se souvient notamment des critiques qui s'étaient abattues sur Michael Bay, avec soixante-et-onze marques dans Transformers 3 et cinquante-cinq marques pour Transformers 4.
L'intérêt principal de la tribune du Hollywood Reporter réside surtout dans une donnée, rarement communiquée à la presse, qui comprend enfin un chiffrage précis des partenariats organisés pour le financement de Deadpool & Wolverine. Au global, la publicité aurait permis au projet de se mettre 135 millions de dollars dans la poche. Une somme conséquente, quand on sait que celui-ci repose sur un budget de production estimé à 200 millions de dollars, et que la campagne de promotion aurait mobilisé 100 millions de dollars de plus.
Et là-encore, une autre donnée importante à retenir à l'esprit : ces deux chiffres sont à considérer comme de vagues approximations. Les studios annoncent très rarement le budget de production "réel", et les coûts publicitaires sont généralement "estimés" plutôt que "présentés" en place publique. Avec les retards encourus suite aux deux périodes de grève de l'an dernier, et l'énorme battage médiatique mis en oeuvre par Ryan Reynolds et Marvel Studios pour pousser Deadpool & Wolverine, à la louche, on pourrait plutôt parier sur une enveloppe globale plus proche des 400 que des 300 millions.
A partir de là, une aide de 135 millions permet d'emblée de relativiser la dépense réelle dans le calcul des pertes et profits. Et même sans pouvoir compter sur des données tangibles comme point de comparaison, le Hollywood Reporter estime que cette somme de 135 millions se situe dans la fourchette haute (voire très haute) de ce que peuvent rapporter les partenariats publicitaires de ce genre. Et puis, bien sûr, même si Deadpool & Wolverine n'est pas à proprement parler un film difficile à vendre (certes, le projet est classé "R", mais reste largement accessible aux adolescents), on n'aura jamais vu autant de marques converger vers une production qui assume un langage grossier et une violence graphique explicite dans toute l'histoire de Hollywood. Bravo aux vendeurs de sauce, donc, et sur la ligne d'arrivée, Deadpool & Wolverine risque donc de devenir l'un des blockbusters les plus rentables de sa catégorie.