A l'ombre du succès populaire et critique de la série animée X-Men '97, une instruction judiciaire est en passe de se monter. Peu de temps avant la sortie de la première saison cette petite production, montée par les anciens responsables du feuilleton X-Men : The Animated Series, Marvel Studios avait pris la décision de licencier le créateur Beau DeMayo, responsable du chantier et de la gestion en interne. Une décision qui n'avait pas été commentée à l'époque. Et déjà, la piste d'un scandale sexuel semblait la plus probable : lorsque les deux parties refusent de s'exprimer sur la nature du licenciement en question, cela peut signifier qu'un accord de confidentialité a été signé. D'un côté, du point de vue du studio, pour s'épargner une affaire publique, qui aurait tendance à éclabousser la production en question. Et de l'autre, pour le créateur, pour s'en sortir à l'amiable, avec sa réputation intacte.
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Et dans le cas qui nous intéresse, il ne s'agit pas d'une simple théorie : c'est désormais officiel, l'accord de confidentialité en question a été confirmé et documenté
dans la presse spécialisée. Restait encore à en définir les termes, et à savoir ce que celui-ci pouvait bien dissimuler. Depuis son licenciement,
Beau DeMayo a effectivement pris la parole à plusieurs reprises au sujet de
X-Men '97. Sans nécessairement éclaircir les raisons de sa mise à pied. Il aura, en revanche, partagé une illustration réalisée par un fan qui le représente, lui, torse nu, dans le costume de
Cyclops. Et lorsque l'un des épisodes de cette première saison a été sélectionnée aux
Emmy Awards, le scénariste a également évoqué son envie de participer à la cérémonie pour recevoir la précieuse statuette en cas de victoire... en précisant au passage ne pas avoir été contacté par
Disney pour sa participation à l'événement.
Cette insistance répétée aura fini par pousser la compagnie à formuler un motif officiel : selon les porte-paroles du groupe, Beau DeMayo a été licencié pour harcèlement sexuel à l'issue d'une enquête basée sur plusieurs signalements. Les découvertes de cette enquête auraient accouché de résultats accablants, et si le communiqué officiel n'entre pas dans les détails, il précise toutefois que l'accord de confidentialité devait, en théorie, interdire à DeMayo de s'exprimer sur X-Men '97 dorénavant. Dans la mesure où celui-ci n'a pas respecté la consigne, Disney a donc décidé de lui retirer son crédit de cocréateur officiel sur la prochaine saison de la série animée. Et bien sûr, les choses auraient pu s'arrêter là.
Sauf que, visiblement engagé dans une croisade personnelle, Beau DeMayo a préféré opter pour une solution radicale : le scénariste a embauché un avocat réputé à Hollywood pour attaquer Marvel Studios en justice. Celui-ci a pris la parole sur la plateforme OnlyFans (pour rappel, l'une des théories en vogue au moment de son licenciement était justement liée à son utilisation de ce "réseau social" un peu particulier, principalement associé aux contenus érotiques et pornographiques). Et à noter au passage : si Beau DeMayo n'a jamais utilisé ce service pour diffuser des contenus "explicites", plusieurs rumeurs rapportées par Deadline évoquent des situations suffisantes pour justifier un licenciement. Notamment, le scénariste aurait été accusé d'envoyer des selfies érotiques à certains membres de l'équipe en charge de la série, ou d'avoir été un peu trop "tactile" avec certains de ses subordonnés.
Le scénariste nie en bloc. Celui-ci estime au contraire que ces motifs mensongers seraient une façon pour Disney de couvrir une forme d'homophobie (dans la mesure où DeMayo revendique son homosexualité au grand jour). Son discours pointe dans une seule direction : la façon dont il aborde sa sexualité n'aurait pas été du goût de l'Oncle Picsou, et il aurait reçu à plusieurs reprises différentes menaces à peine voilées visant à le faire rentrer dans le rang. Plus précisément, voici ce qu'il a expliqué via son compte OnlyFans :
"Les rumeurs qui circulent à mon sujet sont des mensonges que je considère comme particulièrement offensantes. Mais le plus inquiétant, c'est que tout ça s'inscrit dans une campagne de diffamation créée pour me discréditer, afin de dissimuler les fautes graves d'une partie des membres de l'équipe qui m'a accompagné sur X-Men. 97, jusqu'au sommet de chez Marvel Studios.
En fin de compte, les données que Marvel a fait leaker visent à vous distraire du motif réel de mon licenciement. Quelqu’un comme moi a osé dire la vérité à des gens comme eux. Ils voulaient que je leur serve de token noir et gay sur ce projet, et j'ai refusé. Ils voulaient effacer les aspects de ma personnalité qui entraient en conflit, ou qu'ils estimaient gênants, avec le discours qu'ils essayaient de faire valoir autour de la série. Et j'ai refusé. Ils ont essayé de m'intimider avec des menaces explicites et implicites. Je n'ai pas été intimidé. Tout ce qu’ils ont fait depuis lors vise seulement à me faire taire, à me salir, ils veulent m’écraser et me rappeler que je dois rester à ma place."
Un discours de David contre Goliath qui aurait, en théorie, toute sa place dans une instruction en justice. Reste encore à présenter les faits, de la part des deux parties, pour éclaircir la situation. Puisque, d'un côté, on aurait du mal à concevoir pourquoi Marvel Studios aurait accepté de nommer un homme noir et gay à la tête d'un projet comme X-Men '97 (série qui parle justement de racisme et d'inclusivité, et qui condamne les discours de haine) pour ensuite se rétracter lorsque celui-ci aurait commencé à afficher une sexualité un peu plus débridée que la moyenne des employés Disney. Mais d'un autre côté, le groupe n'est pas étranger au concept des licenciements abusifs ou aux décisions brutales de procès, comme peuvent en témoigner Victoria Alonso ou Scarlett Johansson. De son côté, l'avocat de Beau DeMayo, Bryan Freedman, estime de son côté que l'affaire est dans le sac.
Selon lui, coupable ou non, l'accord de confidentialité signé entre les deux parties n'était de toutes façons pas conforme au droit en vigueur dans le Grand Etat de Californie. Spécialiste dans les procès de vedettes de cinéma, celui-ci est un expert de la législation à Hollywood. Une plainte officielle a été déposée devant la Cour Supérieure de Los Angeles. A noter que celle-ci ne concerne pas forcément une affaire de licenciement abusif sur le papier, mais plutôt la résolution du NDA entre Disney et Beau DeMayo, et la restitution éventuelle de son statut de co-créateur (avec de probables dommages et intérêts le cas échéant). A voir comment la justice compte s'emparer de cette affaire, mais dans le cas d'une instruction, les pièces obtenues lors de l'enquête interne menée par les avocats du groupe devraient finir par faire resurgir d'une manière ou d'une autre.
A noter que l'accord de confidentialité en question avait tout de même bien prévu que DeMayo conserverait son salaire et son crédit de co-créateur malgré son licenciement pour la deuxième saison de X-Men '97. Dans tous les cas, celui-ci ne pourra donc vraisemblablement obtenir qu'une victoire symbolique, en récupérant ce qu'il avait perdu au départ, sans pour autant faire annuler son licenciement ou invalider les rumeurs au sein de l'équipe des animateurs en charge du projet (si on comprend bien la prise de parole de Freedman, qui se concentre essentiellement sur l'invalidité du NDA en question). Reste maintenant à attendre la réponse des avocats du groupe Disney.
